samedi 19 janvier 2019

Thorgal (tome 27) : "Le Barbare" (Le Lombard ; novembre 2002)

"Le Barbare" est le vingt-septième volume de "Thorgal". Il est sorti aux éditions Le Lombard en novembre 2002. Il inaugure un nouveau cycle (soit le huitième), celui du "Dernier voyage".
L'histoire est de Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. Couverture, dessins, encrage sont réalisés par Grzegorz Rosiński ; il a annoncé son départ du titre en août 2018. La mise en couleurs est signée Graza Kasprzak. L'album compte quarante-six planches.

À l'issue du tome précédent, Chrysios se sacrifie pour empêcher le décollage de Sargon et Orchias. Les Ægirsson, Tiago, et Ilenya quittent ces lieux, et reprennent la route du Northland.
Tibrus, l'intendant du gouverneur, escorté par un garde du corps, rend visite à Jaffar, son marchand d'esclaves habituel, et lui demande ce qu'il lui a amené. L'Arabe ouvre la porte d'une bâtisse sombre, à l'intérieur de laquelle des hommes assis au sol sont enchaînés entre eux par le cou. Jaffar affirme qu'il a la meilleure qualité, comme d'habitude, et qu'il laisse à ce prestigieux client la priorité du choix. Tibrus n'est guère sensible à ces flatteries. Il précise qu'il lui faut onze esclaves, six pour les galères et cinq de plus pour les carrières de marbre. Ils seront payés au prix habituel ; le Romain ajoute que sa commission devra être incluse. Jaffar s'engage à les livrer au palais, le jour même avant midi. L'attention de son invité est soudainement attirée par les deux seuls Blancs du lot, qui ne sont autres que Thorgal et Tiago. Jaffar lui explique qu'il s'agit de Barbares, trouvés par un caravanier dans le Grand Désert, où ils étaient en train de mourir de soif et d'épuisement. Le marchand les lui a achetés il y a un mois. Sans doute des naufragés, pense l'intendant ; mais que pourrait-il bien en faire ? Ils tiennent à peine debout. L'Arabe estime qu'avec quelques jours de repos ainsi qu'une nourriture abondante, ils seront en forme. Il lui propose le couple pour cinquante pièces d'argent...

Nouveau tome, nouveau cycle. Van Hamme développe un scénario linéaire à la cohérence solide, au déroulé savamment maîtrisé, au suspense puissant, et généreux en rebondissements. L'auteur renoue avec les sommets du titre, dans un album - c'est assez rare pour le souligner - dont fantastique et science-fiction sont absents. Thorgal a beau fuir, son destin fait qu'il retrouve toujours cette société des hommes dont il se méfie tant, avec, en arrière-plan, la corruption de l'âme humaine par le pouvoir et la richesse. Ici, Ægirsson le Viking finit en esclave chez un gouverneur romain, dont le fils, Héraclius, est un être sadique, retors et vicieux ; son père admet lui-même qu'il n'aime pas son rejeton, qu'il considère comme "une brute cruelle, vaniteuse et bornée, qui confond l'exercice du pouvoir avec le despotisme". En cela, Héraclius pourra rappeler le prince Véronar de "La Galère noire". Bien qu'il avoue l'avoir mal élevé, le gouverneur passe à Héraclius tous ses caprices et ne l'encourage a aucun moment à revenir dans le droit chemin, comme si le géniteur cédait sans effort devant l'emprise du mal sur le caractère de son enfant. Le gouverneur lui-même, parangon de cynisme et de pragmatisme, assisté par le froid et taciturne Tibrus, est prêt à toutes les bassesses pour parvenir à ses fins. Tiago et Ilenya, les rescapés du "Royaume sous le sable" et derniers représentants du Peuple des Étoiles (avec Thorgal), font ici office de jouets, et sont humiliés et jetés en pâture à des êtres calculateurs, pervers et dénués de la moindre compassion. Il y a cette terrible chasse à l'homme, organisée pour des nobles qui souhaitent tromper l'ennui, et ces démonstrations d'adresse sous la menace de la mort. Ces événements débouchent sur un tournoi de tir à l'arc, un classique du genre déjà utilisé par Van Hamme dans "Les Archers". Finalement, tous ces drames, cette tragédie pour l'appât du gain, pour que la province du gouverneur soit exemptée d'une année d'impôts. Comme il le conclut lui-même : "Quelle dérision !" Graphiquement, c'est abouti. Rosiński a alors passé la soixantaine d'un an. Sa partie de chasse est un modèle de lisibilité et d'enchaînement. Toujours, cette variété des plans, du découpage, des physionomies, ou encore des paysages. Enfin, la colorisation de Graza souligne les contrastes et approfondit les atmosphères, met les dessins en valeur et participe à cette réussite.

Malgré quelques airs de déjà-vu, "Le Barbare" est sans doute l'aventure la plus captivante depuis la conclusion du "Cycle du Pays qâ". Van Hamme y reprend, avec brio, les grands ingrédients de la série, dont il retrouve l'alchimie le temps d'une histoire.

Mon verdict : ★★★★

Barbuz

2 commentaires:

  1. Hé bien quel rebondissement inattendu ! La série reprend du poil de la bête du point de vue de l'intrigue, jusqu'à mériter 5 étoiles.

    Ton commentaire rend cette lecture très alléchante, en ce que l'histoire montre comment la vie des personnages est entièrement soumise aux circonstances et aux forces qui régissent la société dans laquelle ils se trouvent.

    Je viens de me rendre compte que finalement Grzegorz Rosiński n'aura réalisé qu'un seul album en couleur directe avec un scénario de Jean van Hamme, j'avais l'impression qu'il en avait fait plus. J'avais lu La vengeance du comte Skarbek qui correspond à son passage à cette technique. Finalement la collaboration entre lui et Graza Kasprzak aura duré du tome 19 à 28, soit de 1993 à 2004, une bonne décennie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais déjà lu et relu "Le Barbare" il y a des années, et l'enthousiasme est intact.
      C'est en effet au tome 29 - le dernier que je commenterai - que Rosiński passe à la couleur directe.
      J'ai récemment lu "Aniel", le dernier album du maître, dans "L'Immanquable" ; l'art est intact, mais le scénario de Yann n'est pas particulièrement captivant.

      Supprimer