vendredi 22 mars 2019

The Punisher (tome 8) : "Barracuda" (Panini Comics ; septembre 2007)

"The Punisher" est une série de soixante-quinze numéros en VO (de mars 2004 à octobre 2009), et de dix-huit tomes en VF (d'avril 2004 à janvier 2011), sortis sous le label adulte MAX chez Panini Comics. Publié en mai 2007, "Barracuda" (idem en VO) contient les chapitres #31 à 36 du titre régulier (mai à octobre 2006). Depuis 2013, Panini Comics réédite progressivement cette somme sous un autre format à raison de deux histoires par volume. Le présent billet a pour sujet la première édition, un album à couverture flexible d'approximativement cent quarante pages
Garth Ennis (voir "Preacher", "The Boys", ou "Hellblazer") écrit le scénario. Les dessins sont signés par le Croate Goran Parlov (il réalise son propre encrage) et mis en couleurs par Giulia Brusco.

Frank Castle regarde un cadavre onduler à la surface des flots. Il se demande quelle créature est plus dangereuse qu'un barracuda. Un requin de grande taille émerge, ouvrage sa gueule, et happe le mort. Castle se trouve à bord d'un petit bateau de pêche. Autour de lui, sous un ciel rouge sang, une mer de plomb agitée par un banc de squales, en plein festin, dévorant tous les corps - vivants ou pas - flottant sur l'océan. Une main sort de l'eau, se tend comme pour demander de l'aide - en vain. Le Punisher se souvient du commencement de cette affaire. À l'automne, une importante quantité de cocaïne de qualité supérieure est mise en circulation. Il faut au justicier des mois avant de trouver une piste. Il investit le repaire des trafiquants et les abat sans exception. Il est sur le départ lorsqu'il entend un gémissement venant de la salle de bains. Son fusil prêt, il ouvre la porte sur une pièce crasseuse ; sur le sol gît un homme blanc, nu, les mains attachées dans le dos. Castle lui demande de décliner son identité ; l'autre déclare que ses geôliers allaient le tuer et qu'ils le gardaient pour le violer, chacun leur tour. Impassible, le Punisher l'interroge sur l'endroit où la cocaïne est dissimulée. L'inconnu répond qu'elle se trouve sous le plancher, et que l'un des truands lui en avait fait sniffer sur ses testicules...

Ennis continue à explorer les différentes facettes du crime organisé. Inspiré par l'affaire Enron (2001), il envoie ici Castle - après la mafia italo-américaine, les gangs irlandais, et les proxénètes d'Europe de l'Est - en croisade contre la délinquance en col blanc. L'auteur livre quelques poncifs sur le monde de l'entreprise : luttes de pouvoir, rivalités intestines, querelles d'ego. Il dépeint une brochette d'escrocs cyniques prêts à se lancer dans des supercheries d'ampleur à seule fin de s'enrichir. À la tête de cette organisation, un homme vieillissant, seul, tourmenté, entiché d'une prétendue femme-objet qui se métamorphose en un monstre d'ambition. Entre les deux, un faux fils prodigue poussé à tuer le père - pas uniquement au sens freudien du terme. Tout cela est convenu et serait médiocre s'il n'y avait Barracuda, un colosse afro-américain qui est bien plus qu'un vague reflet déformé du Punisher. Même si Barracuda est un sadique foncièrement crapuleux qui met ses intérêts au-delà du reste, le lecteur ne peut s'empêcher d'éprouver une forme de sympathie coupable pour le gaillard, qui affiche une bonhomie désarmante, un sourire d'enfant gourmand (malgré le message des dents), et qui n'a pas sa langue dans sa poche, d'autant que son langage est particulièrement fleuri. Dénué de valeurs morales, ce lascar pour qui bien et mal sont des principes lointains est néanmoins assez naïf pour s'imaginer un instant se retrouver, par la force des choses, du côté de Castle. C'est, avec Barracuda, la grande réussite du tome : rappeler que personne ne joue dans la division du Punisher. Enfin, la conclusion grotesque, sans demi-mesure, est peu inspirée, hélas. La partie graphique est satisfaisante. Parlov évolue dans un style réaliste, malgré des caractéristiques (les muscles) qui frisent la caricature. Notons le travail sur l'expressivité des visages. L'artiste produit des fonds de vignettes présentant un niveau de détail suffisant. Son découpage, de facture classique, affiche quatre à cinq bandes horizontales, dont chacune contient une ou deux cases.
La traduction est encore de Nicole Duclos. Le résultat est satisfaisant, à l'exception d'une faute qui s'est glissée dans le texte. Côté maquette, l'éditeur regroupe les couvertures originales à la fin ; elles auraient dû être insérées en début de chapitre. 

"Barracuda", c'est un personnage hors norme, des dialogues bruts de décoffrage, irrésistibles, une poupée Barbie dévergondée, nymphomane, retorse, machiavélique, une lutte de pouvoir entre faux mâles alpha, et une critique assez molle du système.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

4 commentaires:

  1. 100% d'accord avec toi pour le personnage de Barracuda qui a emporté toutes mes réticences en lisant cette farce aussi énorme que macabre. Du coup, j'ai plus lu cette histoire comme une farce que comme une critique contre le capitalisme / libéralisme sauvage. Avec le recul, je me suis aperçu que Garth Ennis était encore en deçà de la vérité, de la rapacité du système mis en œuvre par des individus totalement en phase avec cette avidité sans responsabilité. En effet il s'inspire de faits réels : une panne de courant survenue en 2003 aux Etats-Unis, la plus grande catastrophe énergétique de l'histoire du continent, les dommages s'élevant à environ six milliards de dollars américains. La plupart des secteurs technologiques ont ralenti, mais l'industrie a rapidement redémarré le jour suivant (merci wikipedia).

    Du coup, totalement emporté par Barracuda, je n'ai pas boudé mon plaisir. Je n'ai pas su non plus résister à la tentation de lire la minisérie qui lui est consacrée, réalisée par les mêmes auteurs.

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    1. Ah, mais je vais la lire aussi, cette mini-série, je vais la lire aussi... J’ai hâte de retrouver le lascar.

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  2. Barracuda fait également une courte apparition dans la minisérie en 12 épisodes de Nick Fury (2012/2013), également réalisée par Ennis & Parlov.

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    1. N'étant pas vraiment client du SHIELD et de Nick Fury, je n'irai pas jusqu'à lire cette mini-série.
      Je dois avouer que le personnage d'Alice ajouter également beaucoup de piquant à l'histoire, sans générer la même sympathie.

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