jeudi 28 mars 2019

Blueberry (tome 14) : "L'Homme qui valait 500 000 $" (Dargaud ; juillet 1973)

"L'Homme qui valait 500 000 $" est le quatorzième tome de "Blueberry". Cet album à couverture cartonnée de quarante-six planches est sorti chez Dargaud en juillet 1973. C'est le deuxième volet de que la maison d'édition appellera "Le Cycle du trésor des Confédérés", triptyque qui fut produit en 1973-1974.
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).

À l'issue du tome précédent, Chihuahua Pearl, alias El Chuchillo, informe Blueberry que l'homme qui connaît la cachette de l'or des Confédérés est détenu au bagne-forteresse de Corvado.
Le "comandante" Vigo écoute le rapport de ses hommes. Ceux-ci ne traînent pas ; ils ont déjà récupéré les deux chevaux avec lesquels l'ex-tunique bleue s'est enfuie. Un "peon" se les était appropriés ; Vigo menace de le faire pendre, sauf s'il lui raconte tout, mais l'autre est têtu. Quelques coups finissent par pousser le paysan à parler ; il leur apprend que le Yankee partait pour la Casa Roja. Les "Federales" s'y rendent donc sans tarder et interrogent le réceptionniste, qui leur montre le registre sur lequel Blueberry s'est inscrit sous son vrai nom. Vigo exulte : cet imbécile se croyait en sécurité et pensait les avoir semés dans la sierra. L'employé, rudoyé, leur révèle encore que l'Américain, expulsé de la ville par le gouverneur Lopez, l'a quittée à l'aube. Le "comandante" ordonne à son bras droit, Garcia, de retrouver la direction prise par Blueberry et offre mille pesos pour tout renseignement intéressant. Pendant ce temps, il ira rendre visite au colonel Lopez. Une fois à Corvado, Vigo et ses hommes réalisent que le pénitencier, qui fait également office de palais à Lopez, est une véritable forteresse. Blueberry, dissimulé dans les hauteurs rocheuses face à l'établissement, les observe à la jumelle, et comprend vite que l'arrivée des "Federales" ne va pas lui faciliter l'affaire...

Il est nécessaire d'avoir encore en tête les événements de "Chihuahua Pearl" avant d'entamer la lecture de "L'Homme qui valait 500 000 $". Seconde suggestion ; il sera avisé de se munir d'un dictionnaire espagnol français afin d'appréhender toutes les subtilités des échanges. Cet album bourré d'action et sans temps mort est pour Blueberry celui de toutes les épreuves. Il tombe en effet entre les mains du gouverneur Lopez, qui, par jalousie, par haine, le soumet à la torture ; l'ex-tunique bleue subit ainsi, dans l'ordre, le fouet, une forme particulièrement sadique de pilori, l'eau pimentée lorsqu'il a soif, l'internement dans une cellule trop petite pour qu'il puisse se tenir debout et pas assez large pour qu'il puisse s'allonger. Pour survivre à cet enfer, l'ex-lieutenant n'a d'autre choix que de lâcher une partie du secret, qui lui permet - enfin - d'infiltrer le pénitencier, ce qui implique les travaux forcés, et les cages surpeuplées de détenus. Cela a déjà été écrit ailleurs, mais les Mexicains - contrairement aux Amérindiens, qui bénéficient, dans la série, d'un regard nettement plus bienveillant - sont ici présentés sous un mauvais jour, quel que soit leur camp, d'ailleurs ; les "peones" sont têtus et menteurs, les "Federales", brutaux et expéditifs, et les officiers, irascibles, sadiques, et terriblement arrogants. Blueberry tombe ensuite de Charybde en Scylla ; malgré les coups et les menaces, son extraordinaire résilience le fait tenir, et son sens de l'humour lui permet de garder la tête haute, alors que ses geôliers cèdent à la colère. Graphiquement, il est probable que Giraud ait dû précipiter certaines cases pour respecter ses échéances. L'artiste, à la Morris, colorise (trop) souvent les personnages d'une teinte unie des pieds à la tête, technique qu'il utilise depuis longtemps, mais qui atteint ici une forme de paroxysme. Certains enchaînements manquent de visibilité. C'est notamment le cas de la transition entre les neuvième et dixième planches, peu limpide, ou de la quarante-quatrième, où l'action du coup donné à Blueberry n'est pas claire du tout. Giraud rend cependant justice à son propre talent avec certaines vignettes admirables : entre autres, le portrait du "comandante" Vigo fumant le cigare (quatrième planche), la scène du garde, avec une case centrale remarquable (vingt-quatrième) ou encore l'étonnant paysage du gouffre de Trevor (quarante-deuxième).

"L'Homme qui valait 500 000 $" tranche avec le ton un peu plus léger de "Chihuahua Pearl". Malgré une partie graphique parfois hâtive, c'est du grand western, avec ses rivalités, sa spectaculaire évasion et son énigme autour de ce mystérieux prisonnier.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. L'eau pimentée lorsqu'il a soif, l'internement dans une cellule trop petite : presque du Garth Ennis. :)

    Avec tes commentaires, je prends conscience de la durée de la période pendant laquelle Jean Giraud a réalisé des albums de Blueberry. Je ne m'étais jamais posé la question, pensant qu'il s'agissait uniquement d’œuvres de jeunesse. En fait, il en a réalisé régulièrement de 1965 à 2005, soit 40 ans.

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    1. Il a également été scénariste sur les derniers albums de la série (à partir du vingt-quatrième tome), en plus d'assurer la partie graphique.

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