dimanche 31 mars 2019

The Punisher (tome 9) : "L'Homme de pierre" (Panini Comics ; janvier 2008)

"The Punisher" est une série de soixante-quinze numéros en VO (mars 2004 à octobre 2009) et de dix-huit tomes en VF (d'avril 2004 à janvier 2011), sortis sous le label adulte MAX chez Panini Comics. Publié en janvier 2008, "L'Homme de pierre" ("Man of Stone" en VO) contient les chapitres #37 à 42 du titre régulier (de novembre 2006 à avril 2007). Depuis 2013, Panini Comics les réédite sous un autre format à raison de deux histoires par volume. Le présent billet a pour sujet la première édition, un album à couverture flexible d'approximativement cent quarante pages.
Le scénario est écrit par Garth Ennis ("Preacher", ou "Hellblazer"). Les dessins, signés par Leandro Fernández, sont mis en couleurs par Dan Brown et Giulia Brusco. Fernández avait déjà œuvré sur les troisième, cinquième, et septième tomes, "Kitchen Irish", "Le haut est en bas et le noir est blanc", et "Les Négriers".

William Rawlins allume une cigarette. Il se tient sur le seuil d'un bar vide à l'exception de types costauds peu amènes. Narquois, il annonce son nom et leur demande de le préciser à ce Russe qu'il vient voir. Un sbire s'enquiert de la réponse de son patron, installé dans une salle contiguë, et, après un instant, y fait entrer Rawlins. Lorsque ce dernier réalise que celui qui le reçoit est le général Nikolaï Alexandrovitch Zakharov, le choc est de taille.
Le Punisher est à genoux, les mains liées dans le dos. Face à lui se tiennent John James Toomey et ses hommes. Toomey gère la moitié du trafic de crack à New York. Le FBI n'a jamais réussi à obtenir la moindre photo de lui. Le malfrat est si haut placé dans l'échelle qu'il ne voit jamais sa drogue. Pour amener cette légende urbaine à sortir, Castle a dû monter une arnaque. Lorsque Toomey demande qui a capturé le Punisher, un jeune afro-américain se désigne. Le caïd félicite le type, qu'un truand lui présente sous le nom de Dingo, précisant qu'il est un ami. Dingo raconte comment ça s'est passé : d'un coup de poêle à frire, au moment où le justicier allait pénétrer chez lui par la fenêtre... 

Il sera utile d'avoir à l'esprit les événements de "Mère Russie" et de "Le haut est en bas et le noir est blanc". C'est la quatrième collaboration entre Ennis et Fernández, et la quatrième réussite. "L'Homme de pierre" est peut-être le sommet de la série jusque là, bien que les références à une certaine continuité puissent être agaçantes lorsque trop de temps s'écoule entre la lecture des différents numéros. Ennis, dans un scénario aux nombreuses analepses, dévoile ici les alliances contre-nature des occupants américains ou anglais afin de maintenir un semblant d'ordre en Afghanistan. Il étale au grand jour, d'un mépris rageur, la condition de la femme et certaines coutumes encore bien implantées dans cette contrée reculée oubliée par la compassion. Mais "L'Homme de pierre", c'est surtout un règlement de compte, un duel plus grand que nature à la grosse artillerie sous le soleil de ce pays maudit. D'un côté, Zakharov, officier russe de la veille école à son crépuscule, qui a poussé la notion de crime de guerre à un certain paroxysme sans le moindre scrupule. Le général, doté d'un physique massif, engoncé dans sa gabardine, est entouré de militaires dévoués et a accès à de l'armement lourd, notamment à des Mil, ces fameux hélicoptères de combat. Zakharov et ses hommes pécheront par excès de confiance ou de naïveté, par refus de sortir du code de conduite du soldat. De l'autre, Castle, rusé, qui dissimule un atout de taille. Après le feu d'artifice, une page se tourne pour le Punisher, qui conclut l'histoire en réglant - dans le sang, faut-il le préciser - les comptes des uns et des autres. Les fidèles de cette série auront le sentiment que la violence est peut-être mieux canalisée. Néanmoins, Ennis ne peut s'empêcher d'inclure une nouvelle scène de mutilation génitale (ou presque). La partie graphique de Fernández est réussie. L'artiste encre son propre travail, présente un trait réaliste avec des visages soignés, une jolie palette d'expressions faciales, parfois exagérées, et offre un découpage clair. La mise en couleurs souligne les contrastes entre ombre et lumière. 
La traduction est de Nicole Duclos. Le résultat est satisfaisant, bien qu'elle garde l'orthographe anglaise des noms propres russes. Côté maquette, l'éditeur regroupe les couvertures originales à la fin ; elles auraient dû être insérées en début de chapitre. 

"L'Homme de pierre" est un excellent album plein d'action qui réserve quelques surprises de taille, et qui permet à Ennis de solder une partie de sa continuité en y faisant disparaître quelques personnages alliés ou ennemis plus ou moins récurrents.

Mon verdict : ★★★★

Barbuz

4 commentaires:

  1. Est-ce la peine de le dire ? Pour moi, c'est du 5 étoiles comme toi. J'étais un peu moins satisfait du travail de Leandro Fernadez qui donne parfois l'impression de ne pas savoir représenter le décor minéral des montagnes en Afghanistan, ou le manque de plausibilité de Zakharov immobile sous une grêle de balles. Par contre, sa narration est d'une grande efficacité.

    Outre les éléments que tu relèves (dont la presque émasculation), j'y avais aussi vu l'utilisation de la violence sadique comme un outil professionnel, sans émotion particulière contre celui sur lequel elle s'exerce, le cercle vicieux de la violence (Castle a beau éliminer tout le monde, les ondes continuent de se propager, générant des motifs de violence pour ceux qui sont affectés, sans fin possible), et l'horreur totale de l'Afghanistan sacrifié par la communauté internationale en connaissance de cause pour que les soldats puissent prendre l'exercice. J'avais également été marqué par les mécanismes psychologiques que Castle met en place pour pouvoir continuer sa guerre, en particulier le moment où il réaffirme la distance qui existe entre lui et O'Brien, magnifique de sécheresse et de justesse. Enfin, il m'avait semblé qu'avec ce tome, Castle s'affirme plus comme personnage principal et plus comme Deus ex machina tuant tout le monde.

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    1. Jusqu'ici, c'est pour moi l'album le plus abouti.
      Concernant cette série, j'ai aussi fait le choix d'aller jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au dix-huitième tome, et de ne pas me cantonner à l'ère Ennis.

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  2. Après les 60 épisodes de Garth Ennis (plus les 2 miniséries), j'ai perdu mon intérêt pour découvrir ce que pourrait en faire d'autres scénaristes, même ceux que je tiens en haute estime, tellement cette version m'a marqué. Du coup, j'ai fait le chemin inverse : lire du Punisher pré Garth Ennis... enfin pas tout à fait. Je me suis replongé dans Cercle de Sang et Zéro Absolu de Steven Grant & Mike Zeck. Je viens également de me replonger dans les premiers épisodes écrits par Mike Baron, d'abord dessinés par Klaus Janson, puis par Whilce Portacio...

    ... et je vais relire du Punisher d'Ennis car Marvel vient enfin de rééditer les épisodes Punisher Marvel Knights d'Ennis (dans un format compatible avec mes conditions de lecture dans les transports en commun) que je vais découvrir pour la première fois.

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    1. Ça m'intéressera toujours de lire un bon album, mais je sais qu'à l'issue des dix-huit tomes je n'aurai sans doute pas envie de revenir au personnage avant un bon moment.
      Tiens, je suis étonné que Panini Comics n'aient pas encore proposé d'intégrale.

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