"Chihuahua Pearl" est le treizième tome de "Blueberry". Cet album à couverture cartonnée de quarante-six planches est sorti chez Dargaud en janvier 1973. C'est le premier d'un nouveau cycle, que la maison d'édition appellera "Le Cycle du trésor des Confédérés", triptyque qui fut produit en 1973-1974.
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).
À l'issue du tome précédent, Blueberry et MacClure mettent la main sur Gustaaf Hazel avant qu'il ne prenne son bateau pour l'Europe. L'or, lui, est reversé aux familles de ses victimes.
Arizona, les monts Lukachukai. Mike Blueberry, rattaché au 2e régiment de cavalerie, remonte vers Fort Navajo après une patrouille en solo. Il longe la frontière mexicaine, à une vingtaine de miles au nord du Rio Grande. Rien d'autre que lui dans ce paysage désolé, désertique et spectaculaire. Deux détonations déchirent soudainement le silence ; le lieutenant, de loin, identifie des soldats de l'armée mexicaine aux trousses d'un individu qui ouvre le feu sur eux. Blueberry intervient, donnant l'ordre aux Federales de s'arrêter. Ceux-ci ne semblant pas vouloir obtempérer, l'Américain tire alors un coup de sommation, les avertissant qu'il s'agit du premier et du dernier. Les autres, reconnaissant l'uniforme, stoppent leurs montures. Blueberry les informe qu'il n'existe aucun accord leur permettant de pénétrer en territoire américain, et, narquois, les enjoint à faire demi-tour. Humilié, l'officier mexicain menace de l'abattre séance tenante. Bluberry rétorque que le risque d'incident diplomatique serait trop élevé ; d'ailleurs, le Mexicain serait mort avant d'avoir dégainé, Blueberry le tenant en respect avec son fusil. L'autre éclate de rire. L'Américain a raison ; certes, il s'est emporté, mais s'il a franchi la frontière, c'est pour un motif capital et extrêmement grave...
Nouveau cycle (le quatrième de la série), nouvelle histoire de trésor. Giraud continue à mettre en scène la cupidité du genre humain, bien que les États viennent ici s'en mêler. Celle-ci se veut donc plus complexe que la précédente, et Blueberry s'y fera de nombreux ennemis des deux côtés du Rio Grande. D'abord, les Federales mexicains du "comandante" Vigo, qui lui promet une revanche. Il est ensuite manipulé par le général Macpherson, à qui il décoche un bon crochet du droit, exprimant ainsi son mépris des officiers. Plus tard, il doit s'occuper d'un opiniâtre chasseur de primes. Il retrouvera également Finlay et sa bande de Jayhawkers, dont il avait fait connaissance à l'occasion des événements contés dans "Le Cavalier perdu". Enfin, et comme si cela n'était pas suffisant, il s'attire, d'emblée, l'inimitié du colonel Lopez, gouverneur et maître des lieux. À cette joyeuse troupe viennent s'ajouter deux protagonistes. La chanteuse Chihuahua Pearl est celle vers qui tout converge, et pas seulement les passions ; pour cause, c'est elle qui détient la clé de l'énigme. C'est le premier rôle féminin important dans la série depuis Miss Marsh dans "L'Homme à l'étoile d'argent", sans aucun doute la faute à la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Le deuxième personnage est Benito Boudini, un prestidigitateur affublé d'un petit rire que l'on devine aigu et dont les tours de passe-passe ont peu de succès, mais aussi un intrigant qui sert d'entremetteur avec Chihuahua Pearl. Son patronyme est évidemment un clin d'œil au prestidigitateur Harry Houdini (1874-1926) ; même l'allitération des initiales a été respectée. Tout ce beau monde se croise et s'entrecroise dans un scénario à l'atmosphère légère, presque badine, où Charlier installe surtout le contexte et ne fait monter la tension d'un cran qu'à la fin. Avoir un dictionnaire espagnol français à portée de main ne sera pas superflu. Le trait de Giraud semble avoir fait un pas supplémentaire vers sa maturité ; l'allure des personnages principaux est proche de leur version finale. L'artiste, à la manière de Morris dans "Lucky Luke", colorise parfois les intervenants d'une teinte unie des pieds à la tête, technique qu'il utilise depuis plusieurs années, mais de façon de plus en plus prononcée ; elle lui permet sans doute de gagner du temps, le rythme de production entre 1969 et 1974 étant élevé (deux titres par an).
"Chihuahua Pearl" marque un retour du Mexique comme terre d'intrigues. Charlier fait revenir certains personnages, et en crée toute une galerie de nouveaux. L'album amorce un cycle qui devrait être relativement complexe du fait du nombre d'invités.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
2 albums par an : je n'en reviens toujours pas, même si à l'époque la cadence de production des albums de musique pop ou rock était tout aussi élevée. Je n'aurais jamais cru retrouver un hommage à Garcimore dans un tel album, et je n'aurais pas cru qu'il était mort aussi jeune. Ton article me fait souvenir qu'il n'est pas si facile que ça de mettre en scène de nombreux personnages dans une BD, de les faire exister et de tisser un motif entremêlant leurs chassés-croisés avec élégance, sans tomber dans une forme de mécanique systématique.
RépondreSupprimerBen tu vois, erreur de ma part ; à l'époque (1973), il est peu probable que Charlier et Giraud aient entendu parler de Garcimore, qui n'avait pas encore atteint la notoriété. Je corrige.
SupprimerDu coup, je suis allé consulter la page wikipedia de Garcimore : effectivement, il ne devait pas encore être connu sur Paris en 1973. Décidément, le western en BD mène à des lectures insoupçonnées.
RépondreSupprimerExact !
SupprimerEn fait, il est presque plus probable que Garcimore ait lu "Blueberry" à l'époque que Charlier se soit inspiré d'un prestidigitateur débutant et pas encore connu à Paris, comme tu le soulignes.