"La Mine de l'Allemand perdu" est le onzième tome de "Blueberry". Cet album cartonné de quarante-six planches est sorti chez Dargaud en janvier 1972. C'est le premier des deux volumes de ce que l'éditeur a appelé (plus tard) "Le Cycle de l'or de la Sierra", un diptyque qui fut entièrement produit en 1972.
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).
À l'issue du tome précédent, le général Dodge intervient à temps pour sauver ce qu'il reste du 7e de cavalerie de la terrible attaque indienne. Allister promet des retrouvailles à Blueberry.
Palomito, à la frontière avec le Mexique,1868. Cette petite ville est surtout peuplée de desperados, de mineurs, ou de prospecteurs. Blueberry, détaché de son unité de cavalerie, y a été envoyé pour y maintenir l'ordre, en remplacement du dernier shérif en date, abattu dans le dos. Dans son bureau, le lieutenant trompe son ennui en jouant au poker avec ce vieux tricheur de MacClure ; il vient de perdre trois mois de solde. Blueberry regarde un instant par la fenêtre et exprime sa rancœur à l'égard du général Allister ; cette crapule a la haine tenace et le bras long. C'est à lui que le militaire doit de moisir dans ce trou à rats de Palomito, avec MacClure comme seule compagnie. Sur une plaisanterie de Jimmy, qui se sert une rasade de whisky, les deux partenaires commencent une nouvelle partie, lorsque deux coups de feu sont tirés dans leur direction. Le premier projectile fait éclater la bouteille de Jimmy, le second passe à quelques centimètres de son crâne. Blueberry, pensant d'abord qu'on les a pris pour cible, réagit prestement en se jetant en arrière. Il comprend rapidement qu'il s'agit de tirs perdus d'une fusillade au saloon, la seule distraction de ce patelin. Deux autres détonations retentissent. Décidé, Blueberry traverse la rue séparant le bureau du saloon...
Le rythme de publication de la série, à cette époque-là, est élevé ; la flamme de l'inspiration ? Toujours est-il qu'entre 1969 et 1974, le tandem créatif sortira pas moins de deux albums par an. "La Mine de l'Allemand perdu", c'est bien plus qu'une simple chasse au trésor. C'est un scénario qui aborde le thème de la cupidité et ce que celle-ci pousse l'homme à faire (trahir ses proches n'est qu'un exemple), et qui est bâti sur la question de confiance ; jusqu'à quel point faut-il être crédule ? Cette interrogation gravite autour du personnage de "Prosit" Luckner, un "vieillard" fort en gueule et haut en couleur mené par la soif de l'or, qui manipule et utilise quiconque croise sa route, se soucie des dommages collatéraux comme d'une guigne, et fait preuve d'un cynisme ou d'un pragmatisme dont les autres finissent par être les victimes. Charlier construit une intrigue qui se scinde en trois lignes narratives selon les groupes de protagonistes ; la première, avec l'Allemand et Jimmy MacClure, la seconde avec Wally Blount et Cole "Crazy" Timbley, les chasseurs de prime, dont la caractérisation - entre l'aîné insidieux et menaçant et son compère, prêt à dessouder le premier venu - est remarquable, et la troisième, avec Blueberry, qui opère en solo. Trois fils, donc trois ambiances, trois séries de dia-mono-logues, etc. Le rythme n'est pas parfait ; la mise en route de l'aventure compte quelques temps morts et finit par traîner. Mais Charlier parvient à distiller une tension sourde, progressive, qui monte crescendo jusqu'aux dernières pages, exercice d'autant plus réussi que le mystère au sujet de Luckner et de sa mine d'or demeure entier. Il est peut-être décevant que le scénariste utilise Guffie Palmer en tant que deus ex machina. Enfin, notons que l'auteur recourt abondamment aux bulles de pensée pour retranscrire la réflexion de Luckner au sein de son tandem avec MacClure, la collaboration entre les deux lascars s'avérant rapidement dysfonctionnelle. Graphiquement, c'est réussi. Giraud n'est pas encore parvenu au sommet de son art, mais il est évident que la cadence élevée de publication lui offre une opportunité d'exercice intensif. La richesse des premières planches et la scène du saloon sont admirables. La capacité du dessinateur à représenter des fonds de case détaillés est épatante. La mise en couleurs, terne dans l'ensemble, aurait dû être mieux soignée.
"La Mine de l'Allemand perdu" est le premier volet d'un diptyque très prometteur. Charlier commence à maîtriser les ficelles du métier de narrateur avec une réelle virtuosité. Le trait de Giraud est efficace, mais il n'est pas encore arrivé à maturité.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Le retour de Blueberry et du western sur ton site, quasiment 2 ans après (je suis aller regarder parce que je ne m'en souvenais plus) l'album précédent. 2 albums par an : un rythme effectivement très élevé, y compris pour Jean Giraud. En regardant la couverture, je me demande s'il s'agit de la couverture originale, ou si Giraud en avait refait une série à l'occasion d'une réédition ?
RépondreSupprimerCôté western, récemment j'avais lu le premier tome de "Bouncer", mais c'est vrai que mon dernier "Blueberry" remontait !
SupprimerPour la couverture, bonne question. J'ai regardé sur BDGest, et il semblerait qu'il s'agisse de la couverture d'origine. Sauf erreur de ma part, et d'après ce que j'ai vu, je ne pense pas que les couvertures aient changé au fil des rééditions.
Merci pour cette précision sur les couvertures parce que je suis épaté par leur puissance d'évocation.
RépondreSupprimerJe voue un culte, entre autre, à celle du dixième tome.
SupprimerEt encore... Faut voir le portrait de Geronimo en couverture du tome 26...