mardi 22 novembre 2016

Blueberry (tome 6) : "L'Homme à l'étoile d'argent" (Dargaud ; octobre 1969)

"L'Homme à l'étoile d'argent" est le sixième tome de la série "Blueberry". Cet album indépendant est sorti en octobre 1969. Il suit ce qui été appelé le "Cycle des premières guerres indiennes" par l'éditeur. Du point de vue chronologique, l'action narrée ici se déroule en 1868 (trois ans après la guerre de Sécession).
"Blueberry" (précédemment "Lieutenant Blueberry") est une série créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par le dessinateur Jean Giraud alias Gir ou Mœbius (1938-2012).

À l'issue du tome précédent, Blueberry, après moult péripéties, parvenait à sauver la paix in extremis, en convainquant Cochise et les Apaches d'accepter de reprendre les pourparlers.
Mac Clure arrive en vue de Silver Creek, une petite ville frontière située à deux journées de cheval de Fort Navajo. Il chevauche un âne en chantant tandis qu'un second, transportant son barda, est attaché à sa monture. Mac Clure se réjouit d'avoir enfin l'occasion de se désaltérer (comprendre : étancher sa soif de whisky au saloon du coin). Une fois parvenu aux portes de la ville, il lance son âne au trot, mais réfrène son enthousiasme lorsqu'il comprend que les habitants de la ville, qui semble déserte, se terrent chez eux. Il est aussitôt hélé par deux cavaliers goguenards qui lui expliquent que les étrangers ne sont pas les bienvenus à Silver Creek. Mac Clure faisant mine de se rebiffer, le cow-boy Murphy et son comparse mexicain le saisissent par sa redingote, l'envoient prendre un bain dans l'abreuvoir le plus proche et font fuir ses deux ânes à coups de cravache ou de revolver. Lorsque Mac Clure, outré, menace les deux voyous de porter plainte au shérif, les deux hommes, amusés, se proposent de l'y emmener eux-mêmes et le font en tirant des coups de feu sous ses pieds. Mac Clure atterrit à grand fracas dans le bureau du shérif Harrisson. Le shérif semble à cran, au bout du rouleau. Il explique à Mac Clure que Sam Bass, son frère Bud, de riches propriétaires terriens et leurs hommes terrorisent les habitants de Silver Creek, afin qu'ils cèdent leurs terres aux Bass. Les deux frères ont engagé quelques fines gâchettes et Harrisson raconte à Mac Clure que ses deux prédécesseurs ont été assassinés. Deux shérifs en un an. Mac Clure avale verre sur verre tandis que le shérif monologue nerveusement. Résolu à affronter les Bass, Harrisson saisit une carabine. Mac Clure, enhardi par l'alcool, décide soudainement de prêter main-forte au shérif...

Charlier dépeint, avec amusement et férocité, une petite ville dans la population apeurée se soumet au diktat imposé par Sam Bass, un riche propriétaire terrien et sa petite armée privée. Outre Blueberry et Mac Clure, seules deux personnes vont se dresser contre les Bass : Rusty, un jeune as de la gâchette qui manque d'expérience, et Miss Marsh, une institutrice aussi courageuse et énergique que sentimentale. Ça a déjà été dit, mais Charlier s'inspire, pour son scénario, du film "Rio Bravo" (1959) de Howards Hawks, avec John Wayne et Dean Martin dans les rôles principaux ; les acteurs sont d'ailleurs représentés en case nº6 de la planche nº28. Pour le reste, Charlier n'hésite pas à forcer le trait ; les habitants de Silver Creek apparaissent ainsi comme des couards opportunistes, qui ne montrent du caractère que lorsqu'ils sentent le vent tourner en leur faveur. Quant à Blueberry, il est égal à lui-même ; il n'hésite pas à se gausser de ceux qui veulent l'aider, mais finit par reconnaître la valeur de ces alliés inespérés. L'inextinguible soif de gnôle de Mac Clure va apporter son lot de complications, mais le vieux renard saura se reprendre lorsqu'il le faudra. Notons enfin que Sam Bass (1851-1878), un voleur de trains et un hors-la-loi, a réellement existé.
Le style graphique de Giraud continue à progresser vers les sommets ; c'est sensible dans les postures des personnages, plus naturelles. Notons le travail étonnant sur la diversité des physionomies, l'impeccable découpage, qui offre une action d'une limpidité irréprochable, et le travail sur la couleur, remarquable. S'il fallait absolument retenir quelques planches, ce serait la scène du saloon dans son ensemble, notamment la première case, qui voit Blueberry entrer tranquillement les mains dans les poches de sa veste. L'affrontement entre Rusty et les Bass est un autre bel exemple.

"L'Homme à l'étoile d'argent" est un western d'un classicisme à l'épreuve du temps, plein d'action et d'humour, qui comprend les ingrédients indispensables à la réussite d'un tel exercice de style, des références au cinéma ainsi qu'à l'histoire du Far West.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Blueberry finit par reconnaître la valeur de ces alliés inespérés : une autre facette du héros, pas forcément si solitaire que ça visiblement.

    L'impeccable découpage : j'en déduis que les flèches pour passer d'une case à l'autre ont disparu ? J'ai regardé récemment une émission de la chaîne Cartoonist Kayfabe au cours de laquelle Ed Piskor et Jim Rugg pointaient du doigt une séquence se déroulant sur deux pages en vis à vis, où l'enchaînement logique entre les cases n'était pas une évidence (Fallait-il ire la page de gauche, puis celle de droite, ou par bande de gauche à droite sur deux pages). Ils estimaient que ça représentait un obstacle insurmontable pour tout lecteur qui n'est pas familier avec les BD.

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    1. Il n'y a en effet aucune flèche directionnelle dans cet album. Il faut dire que le quadrillage de Giraud est classique : quatre bandes horizontales la plupart du temps, avec, parfois, une case qui occupe la hauteur de deux bandes. L'artiste a dû penser que le sens de lecture coulait de source.

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