"Dingo Romero" est un album au format italien (dimensions 20 × 30 centimètres) en noir et blanc (sauf la couverture cartonnée) d'un peu moins de quatre-vingt-dix planches, sorti chez Les Rêveurs en janvier 2008. Cette maison d'édition de bandes dessinées et de livres illustrés, créée en 1997, a son siège en Île-de-France, et son catalogue est distribué en Belgique et en Suisse.
"Dingo Romero" est entièrement produit par l'Argentin Lucas Nine (scénario et dessins). Nine est réalisateur de films d'animation (courts ou moyens métrages) et illustrateur de livres pour enfants. Né à Buenos Aires en 1975, il est le fils de Carlos Nine (1944-2016). Lucas Nine a déjà publié quelques œuvres chez Les Rêveurs, dont "Thé de noix" (2011), "Jose Luis Borges, Inspecteur de Volailles" (2018), "Budapest ou presque" (2019), et ce "Dingo Romero", sa première bande dessinée (2004).
Maman Melon se tient dehors, devant son auberge, à scruter le paysage. Benito, un petit garçon coiffé d'un sombrero, l'interroge sur ce qui l'inquiète. Elle prie la Sainte Vierge, car Dingo Romero arrive. Sous le feu de ses questions, elle affirme que le chien bandit arrive directement depuis la rase pampa, et qu'il est passé par Julepillo et Saciadero. Mais l'enfant ne voit rien venir. Maman Melon continue ; Dingo Romero s'est déjà rendu chez les Seigneurs, et elle est certaine qu'il s'est gardé un souvenir de son passage chez eux. Le bandit vient avec ses deux compères, Racramé et Porqhépic. Captivé, le garçonnet lui demande si les Sept Braves seront présents. Elle répond par l'affirmative, et ajoute que les Frères Sansons seront là, eux aussi. Elle lui ordonne d'avertir les clients de l’auberge, de s'y cacher et de ne pas en sortir, car bientôt arrivera le chien fou. Sous les arches, des musiciens, des marchands, ou quelques étrangers scrutent les environs avec inquiétude, mais ne voient ni n'entendent rien. Dingo Romero finit par apparaître à l'horizon. Il chevauche sa monture ; derrière lui, six cavaliers portant chacun une lance au bout de laquelle une tête a été fixée...
Curieux concept que celui de "Dingo Romero". Le format italien est inhabituel. Le contenu pourrait s'apparenter autant à la bande dessinée qu'au livre illustré. L'œuvre est en noir et blanc. L'album s'ouvre sur une dizaine de pages de nature humoristique qui nous apprennent qui est Dingo Romero, la façon dont il se vêt, le langage qu'il parle, les maladies qu'il porte, son addition à l'alcool. Nine explique en quoi ce canidé est un symbole, qui sont ses compagnons d'armes, et la place qu'il occupe dans les légendes urbaines et autres mythologies populaires. Le scénariste conclut sur quelques mots au sujet de cette contrée imaginaire fortement empreinte d'un inconscient collectif latino-américain avant d'entrer dans le vif du sujet. Avec ce chien bandit de grand chemin (le registre n'est pas celui du domaine animalier, cependant) et ces échanges sans queue ni tête, le public entend vite qu'il tient là une œuvre atypique, satirique, jouant avec les frontières du grotesque, et aux racines culturelles profondes. Hélas, si l'intrigue de fond est compréhensible, bien que largement décousue, la plupart des discussions et l'humour tour à tour primaire ou hermétique laisseront le lecteur de marbre et ne parviendront pas à générer d'émotion particulière, si ce n'est l'ennui, voire l'indifférence. La partie graphique accentue ce côté touffu. Nine est un dessinateur talentueux, avec une vraie touche personnelle. Le trait est très vivant, reflétant le mouvement avec aise, mais avec un aspect brouillon. Les contours des silhouettes ne sont pas systématiquement finis, et l'encrage est très irrégulier ; de fortes pointes de noir, parfois trop appuyées, ont été ajoutées çà et là. Ce style graphique caricatural faisant la part belle aux contrastes entre ombre et lumière laisse supposer des influences expressionnistes. Les compositions peuvent manquer terriblement de lisibilité, malheureusement. Le découpage, variable, oscille entre pleines pages, structure en gaufrier, et compte rarement plus de sept vignettes par planche généralement divisées en deux bandes.
La traduction est réalisée par Thomas Dassance. Le texte est soigné et aucune faute de français n'a été relevée. Bien que Dassance effectue un travail remarquable, le vocabulaire propre à l'univers de Nine résonne difficilement dans l'esprit du lecteur.
Lucas Nine est un dessinateur de talent, mais la fluidité de sa narration est chaotique. À moins d'être versés dans la langue de Cervantès et la culture sud-américaine, les lecteurs passeront à côté de références ou de jeux de mots, qui restent obscurs.
Mon verdict : ★☆☆☆☆
"Dingo Romero" est entièrement produit par l'Argentin Lucas Nine (scénario et dessins). Nine est réalisateur de films d'animation (courts ou moyens métrages) et illustrateur de livres pour enfants. Né à Buenos Aires en 1975, il est le fils de Carlos Nine (1944-2016). Lucas Nine a déjà publié quelques œuvres chez Les Rêveurs, dont "Thé de noix" (2011), "Jose Luis Borges, Inspecteur de Volailles" (2018), "Budapest ou presque" (2019), et ce "Dingo Romero", sa première bande dessinée (2004).
Maman Melon se tient dehors, devant son auberge, à scruter le paysage. Benito, un petit garçon coiffé d'un sombrero, l'interroge sur ce qui l'inquiète. Elle prie la Sainte Vierge, car Dingo Romero arrive. Sous le feu de ses questions, elle affirme que le chien bandit arrive directement depuis la rase pampa, et qu'il est passé par Julepillo et Saciadero. Mais l'enfant ne voit rien venir. Maman Melon continue ; Dingo Romero s'est déjà rendu chez les Seigneurs, et elle est certaine qu'il s'est gardé un souvenir de son passage chez eux. Le bandit vient avec ses deux compères, Racramé et Porqhépic. Captivé, le garçonnet lui demande si les Sept Braves seront présents. Elle répond par l'affirmative, et ajoute que les Frères Sansons seront là, eux aussi. Elle lui ordonne d'avertir les clients de l’auberge, de s'y cacher et de ne pas en sortir, car bientôt arrivera le chien fou. Sous les arches, des musiciens, des marchands, ou quelques étrangers scrutent les environs avec inquiétude, mais ne voient ni n'entendent rien. Dingo Romero finit par apparaître à l'horizon. Il chevauche sa monture ; derrière lui, six cavaliers portant chacun une lance au bout de laquelle une tête a été fixée...
Curieux concept que celui de "Dingo Romero". Le format italien est inhabituel. Le contenu pourrait s'apparenter autant à la bande dessinée qu'au livre illustré. L'œuvre est en noir et blanc. L'album s'ouvre sur une dizaine de pages de nature humoristique qui nous apprennent qui est Dingo Romero, la façon dont il se vêt, le langage qu'il parle, les maladies qu'il porte, son addition à l'alcool. Nine explique en quoi ce canidé est un symbole, qui sont ses compagnons d'armes, et la place qu'il occupe dans les légendes urbaines et autres mythologies populaires. Le scénariste conclut sur quelques mots au sujet de cette contrée imaginaire fortement empreinte d'un inconscient collectif latino-américain avant d'entrer dans le vif du sujet. Avec ce chien bandit de grand chemin (le registre n'est pas celui du domaine animalier, cependant) et ces échanges sans queue ni tête, le public entend vite qu'il tient là une œuvre atypique, satirique, jouant avec les frontières du grotesque, et aux racines culturelles profondes. Hélas, si l'intrigue de fond est compréhensible, bien que largement décousue, la plupart des discussions et l'humour tour à tour primaire ou hermétique laisseront le lecteur de marbre et ne parviendront pas à générer d'émotion particulière, si ce n'est l'ennui, voire l'indifférence. La partie graphique accentue ce côté touffu. Nine est un dessinateur talentueux, avec une vraie touche personnelle. Le trait est très vivant, reflétant le mouvement avec aise, mais avec un aspect brouillon. Les contours des silhouettes ne sont pas systématiquement finis, et l'encrage est très irrégulier ; de fortes pointes de noir, parfois trop appuyées, ont été ajoutées çà et là. Ce style graphique caricatural faisant la part belle aux contrastes entre ombre et lumière laisse supposer des influences expressionnistes. Les compositions peuvent manquer terriblement de lisibilité, malheureusement. Le découpage, variable, oscille entre pleines pages, structure en gaufrier, et compte rarement plus de sept vignettes par planche généralement divisées en deux bandes.
La traduction est réalisée par Thomas Dassance. Le texte est soigné et aucune faute de français n'a été relevée. Bien que Dassance effectue un travail remarquable, le vocabulaire propre à l'univers de Nine résonne difficilement dans l'esprit du lecteur.
Lucas Nine est un dessinateur de talent, mais la fluidité de sa narration est chaotique. À moins d'être versés dans la langue de Cervantès et la culture sud-américaine, les lecteurs passeront à côté de références ou de jeux de mots, qui restent obscurs.
Mon verdict : ★☆☆☆☆
Barbuz
À mon tour de te demander comment tu as pu tomber là-dessus ?
RépondreSupprimerVoilà une bande dessinée que, si je l'avais bu, je n'aurais vraisemblablement pas eu la curiosité de feuilleter. Auteur argentin, est-ce à dire que l'humour argentin se transpose difficilement en France ? J'avoue que c'est une culture qui m'est totalement étrangère. Je suis allé regarder quelques pages sur internet, comme tu le décris, le graphisme est aussi personnel qu'étrange. Mais à la lecture de ton article, le titre Jose Luis Borges, Inspecteur de Volailles a éveillé une forte curiosité en moi.
Quand j'ai découvert la BD numérique, et plus précisément Izneo, je me suis rué sur la plupart de leurs promotions. C'est comme ça que je suis tombé sur cette BD ; elle m'a coûté 2 ou 3 euros, et je me suis dit qu'elle me permettrait de sortir, pour une fois, des sentiers battus (j'avoue que j'ai moins le goût de l'expérimentation que toi).
SupprimerPour son univers, Nine a créé des nouveaux mots ; il est probable que la sonorité rappelle quelque chose en espagnol. Mais en français, j'ai trouvé que l'exercice était vain. Dans l'ensemble, j'ai trouvé que c'était confus et que l'humour était lourdaud.
Il semblerait, en effet, que "Jose Luis Borges, Inspecteur de Volailles" soit une réussite. Si jamais tu le lis, je serais ravi de savoir ce que tu en as pensé.
Vil tentateur... ma pile de lecture est déjà bien assez haute comme ça, sans que je ne rajoute cet album évoquant la rencontre absurde entre un métier improbable et un individu dont le patronyme évoque celui de Jorge Luis Borges dont j'ai beaucoup aimé le recueil Fictions. Résister, je le dois.
RépondreSupprimerIl s'agit justement d'un épisode de la vie de l'écrivain, dont Nine tire ici une bande dessinée.
SupprimerVoir l'avant-dernier paragraphe de cette section de l'article : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Luis_Borges#D%C3%A9buts_litt%C3%A9raires
Voilà, je viens de dévoiler l'argument ultime :-) ...
Merci beaucoup pour l'information. Zut ! Le vocabulaire me fait défaut : je ne sais pas quel est le terme qualifiant l'état au-dessus de vil tentateur. Ta dernière remarque m'a bien fait sourire.
RépondreSupprimerAu-dessus de "vil tentateur" ? Ah ! Je ne sais pas, moi... "Présence" :-) ?... Parce que si tu savais le nombre d'achats et donc de lectures que je te dois !...
SupprimerJe ne m'attendais pas à une telle réponse. Penser que mon pseudo pourrait ainsi passer à la postérité. :)
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