mercredi 12 juin 2019

"Le Cycle des épées" (Delcourt ; août 2007)

"Le Cycle des épées" est un album cartonné de près de cent quatre-vingt-dix planches, paru dans la collection Contrebande de Delcourt. Il est tiré du recueil VO sorti chez Dark Horse en mars 2007, qui lui compile les quatre numéros de la mini-série Marvel Epic "Fafhrd and the Gray Mouser", d'octobre 1990 à janvier 1991.
L'adaptation de ces nouvelles culte de l'écrivain Fritz Leiber (1910-1992), mettant en scène ses personnages Fafhrd et Souricier Gris, est scénarisée par Howard Chaykin. Les dessins sont produits par Mike Mignola et encrés par le vétéran Al Williamson (1931-2010) ; enfin, Sherilyn Van Valkenburgh réalise la mise en couleur.

Cité de Lankhmar, tard le soir. Deux voleurs, Fissif et Sleyvas, remontent une rue sombre et peu engageante en direction de leur Maison. Un garde du corps les précède de quelques pas, et deux autres ferment la marche. Un étrange rongeur, Slivikin, les suit, poussant d'inquiétants couinements. Fissif n'est pas rassuré. Il maintient qu'ils auraient dû occire leur dernière victime. Sleyvas lui rappelle la première loi de la Guilde : "Ne jamais tuer la poule aux œufs d'or". Visiblement agacé, son complice acquiesce et récite le reste du texte. Sleyvas s’étonne de voir son collègue si nerveux, alors que l'escorte des trois spadassins leur garantit un retour sans encombre ; ces trois fines lames auront raison de quiconque tenterait de s'emparer de leur butin. Krovas, leur grand maître, sait bien ce qu'il fait. Mais Fissif ne parvient pas à faire abstraction de la présence de Slivikin, le familier de Hristomilo, même si le curieux rongeur est là pour leur sécurité. Le grassouillet voleur donne libre cours à ses inquiétudes ; le sorcier a une mine terrifiante et une réputation qui l'est encore plus. Sleyvas lui ordonne de se taire, car tout va bien ; ils vont traverser la rue de l'Or. Son compagnon, en attirant son attention sur une sculpture située en hauteur, sous une arche, qui lui aurait cligné de l'œil, l'agace une nouvelle fois. Slyeyvas veut lui demander d'arrêter ses fadaises, lorsque deux des quatre statues se mettent à s'animer et leur plongent dessus. Fissif appelle Slivikin au secours...

Cet album est un recueil d'adaptations de nouvelles de Fritz Leiber dans le genre "merveilleux héroïque" dont il est considéré comme l'un des pères et auquel il aura en tout cas contribué de manière significative. Il semblerait que les auteurs et l'éditeur américain aient souhaité présenter une anthologie, plutôt qu'une intégrale des histoires de l'écrivain. Il faut préciser que "Le Cycle des épées" s'étend sur une période d'une cinquantaine d'années, entre 1939 et 1988. Au programme figurent ainsi, en plus de deux récits sans titre, sept aventures : "Mauvaise rencontre à Lankhmar" ("Ill Met in Lankhmar", 1970), "La Malédiction circulaire" ("The Circle Curse", 1970), "La Tour qui hurle" ("The Howling Tower", 1941), "Le Prix de l'oubli" ("The Price of Pain-Ease", 1970), "Le Bazar du bizarre" ("Bazaar of the Bizarre", 1963), "Jours maigres à Lankhmar" ("Lean Times in Lankhmar", 1959), et "Quand le roi des Mers est au loin" ("When the Sea-King's Away", 1960). Sur les sept livres du cycle, seuls trois sont représentés. Le résultat est intéressant, bien que le choix des nouvelles soit forcément discutable. Par ce choix de renoncer aux deux épisodes des origines ("The Snow Women" et "The Unholy Grail"), Chaykin limite, de facto, le contenu de cette mini-série à un public de connaisseurs ; les autres, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas lu l'œuvre de l'Américain, resteront ainsi hermétiques à cette atmosphère - elle ne peut être ici que partiellement rendue - qui mêle adroitement, entre autres, mondes crépusculaires et corrompus (la ville concentre le pire de l'homme), cape et épée, fantastique, humour décalé et autodérision, en mettant en scène deux compagnons aussi opposés qu'inséparables, et pourtant facette d'une même pièce. Mignola, qui allait lancer "Hellboy" deux ans plus tard, propose un trait qui n'a pas encore atteint sa pleine maturité. Son style expressionniste transcrit péniblement la vivacité du mouvement et ne reflète pas la dimension épique des récits de Leiber, perception renforcée par l'utilisation régulière d'aplats de noir et par une mise en couleur fade. 
La traduction et le texte d'Anne Capuron sont satisfaisants, bien qu'il y ait deux fautes de mode. Il s'agit certainement d'une question de droits, mais il est dommage que l'éditeur n'ait pas intégré les couvertures originales des numéros de Marvel Epic.

"Mauvaise rencontre à Lankhmar", "La Tour qui hurle" ou encore "Le Bazar du bizarre" représentent le sommet de cette anthologie, qui reste somme toute insuffisante, et dont la partie graphique n'est malheureusement pas complètement convaincante.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. N'étant pas aussi fin connaisseur que toi de l'œuvre de Fritz Leiber (j'ai dû lire 1 tome, peut-être 2), je n'avais pas su exprimer aussi clairement ce qui manque dans cette adaptation. Mais j'avais aussi ressenti un sentiment de frustration, ayant eu l'impression de devoir attendre la quatrième histoire pour retrouver l'autodérision spécifique à l'écriture de Leiber.

    Même ressenti que toi également pour les dessins de Mike Mignola, encore en période de transition, et pour la mise en couleurs un peu boueuse et terne. Par contre, j'avais trouvé qu'Al Williamson avait bien su adapter son encrage aux spécificités des dessins de Mignola.

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    1. Amateur du genre, je n'ai pourtant lu Fritz Leiber que sur le tard, c'est-à-dire cette année. J'ai lu le premier tome paru chez Bragelonne : "Épées et démons".
      Au fond, c'est avec cette BD que j'ai vraiment découvert son univers.

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