vendredi 14 juin 2019

Wunderwaffen (tome 1) : "Le Pilote du diable" (Soleil ; mars 2012)

"Wunderwaffen" est une série publiée chez Soleil Productions en 2012, et toujours en cours à ce jour. "Le Pilote du diable" est le premier tome. Cet album de quarante-six planches (sans compter les sept de bonus) est sorti en mars 2012. L'éditeur a lancé une intégrale, dont chaque recueil groupe trois numéros.
Le Français Richard D. Nolane produit le scénario. Auteur et écrivain prolifique dans le domaine du fantastique et de la science-fiction, il est connu notamment pour les bandes dessinées "Millénaire", "Harry Dickson", "Les Tigres volants", "Vidocq", "Zeppelin's War", ou encore "La Grande Guerre des mondes". Les illustrations sont signées par le Bosnien Milorad Vicanović-Maza, dit Maza ("Jour J", entre autres). Nolane et lui coopèrent aussi sur "Space Reich", un titre dérivé de "Wunderwaffen". La mise en couleur est réalisée par Digikore Studios (des Indiens).

Tout change en 1944, lorsque le maréchal Joukov et plusieurs membres de son état-major meurent brutalement. L'offensive soviétique est grippée. En conséquence, le débarquement allié du 6 juin 1944 est un échec complet. Les fronts se figent, à l'Est comme à l'Ouest. Les leaders politiques, Churchill en tête, ne cachent plus que cette guerre sera très longue. Le 8 mai 1945, Hitler échappe à un nouvel attentat, qui lui coûte son bras gauche et le défigure partiellement. Le 17 décembre 1945, les nazis ferment Auschwitz-Birkenau et lancent les travaux de la "Zone spéciale" d'Auschwitz. Le 29 mars 1946, Himmler crée le Sonderbüro 13, chargé des "Programmes invisibles du Reich".
Côte allemande de la mer du Nord, le 30 août 1946. Une escadrille de Boeing B-29 Superfortress, escortée par des Lockheed P-80 Shooting Star, vole à trente mille pieds et se dirige vers Hambourg. Les pilotes des bombardiers, impatients, redoutent les vingt dernières minutes. L'un d'eux avoue même à son copilote qu'il regrette le Japon, ce à quoi celui-ci lui répond qu'il aurait fallu lâcher "la purée" d'Hiroshima sur l'Allemagne nazie...

"Wunderwaffen" est une uchronie, genre populaire ces dernières années. Un as de la Luftwaffe va, malgré son courage et son talent, s'attirer l'inimitié du Führer, pour qui il n'éprouve lui-même que dégoût et mépris. Évidemment, le capitaine (Hauptmann), puis major Walter Murnau - clin d'œil à Friedrich Wilhelm Murnau (1888-1931) - est un antinazi en plus d'être un virtuose du manche à balai. En cela, "Wunderwaffen" ne se distingue guère des autres titres consacrés à des pilotes de la Luftwaffe telles que "Le Grand-Duc". Nolane utilise un archétype, voire un fantasme, celui du valeureux aviateur de la Luftwaffe, parcourant les cieux dans son aéronef, et par là même détaché de la réalité des exactions de la Gestapo ou des tragédies des camps de concentration. Mais l'histoire est complexe et rythmée ; Nolane développe deux intrigues autour de deux personnages aussi différents que possible. D'abord Murnau, dont la caractérisation est fade. En revanche, cette série met en scène un Hitler véritablement sinistre, d'une haine et d'une folie glaçantes, et obnubilé par la question juive. Les autres pontes du Troisième Reich (Himmler, Göring) sont sans consistance, à l'exception de Goebbels, qui permet à Nolane d'évoquer la propagande du régime. Dans ce récit de héros tombé en disgrâce, le scénariste joue avec les nerfs du lecteur. Ensuite, l’énigmatique Jacques Bergier côté allié. Figure historique, Bergier (1912-1978) fut un espion et un écrivain français, rescapé des camps, connu comme coauteur de l'ouvrage culte "Le Matin des magiciens" (1960). Là, il est chargé d'une mission par De Gaulle. Les deux sous-intrigues sont connectées par les Wunderwaffen, cet arsenal secret des nazis, ici en état de fonctionnement. Le passionné d'aviation sera ébahi de voir ces incroyables appareils en action, fruits d'une ingénierie allemande qui subjugua les alliés au point que ces derniers organisèrent l'opération Paperclip. Nolane propose d'ailleurs un fascinant dossier illustré en fin d'album. Les dessins de Maza sont inégaux. Bien que les aéronefs et les scènes de combat et de voltige, dans le style réaliste qui est le sien, soient époustouflants, l'artiste est trop juste lorsqu'il s'agit de reproduire des postures naturelles. À cela s'ajoutent des visages aux traits irréguliers et ratés en maints endroits, un encrage qui manque de caractère et de netteté, et une mise en couleur fade, impersonnelle.

Entre appareils légendaires, espionnage, ou secrets d'États, "Wunderwaffen", malgré une partie graphique décevante, promet d'être une uchronie qui captivera tout lecteur prenant la peine de chasser les nombreuses références qui y ont été semées.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Je n'aurais pas cru que cette série en soit déjà à son tome 15. J'ai été initié à ce type d'uchronie avec Le maître du Haut Château de Philip K. Dick.

    N'ayant pas de goût particulier pour l'aviation, je n'avais pas feuilleté cette BD sur les étalages de la FNAC et je suis content de pouvoir ainsi découvrir de quoi il retourne.

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    1. Oui, d'ailleurs, l'influence du "Maître du Haut Château" est ici très perceptible, comme dans beaucoup de séries d'uchronie, je suppose.
      A priori, je ne devrais pas aller plus loin que ce premier tome, en tout cas pour l'instant (téléchargement gratuit offert par Iznéo).

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