lundi 17 juin 2019

James Bond (tome 3) : "Hammerhead" (Delcourt ; mars 2018)

"Hammerhead" est le troisième volume de la nouvelle série consacrée à James Bond en cours de publication chez Delcourt. Cet album à couverture cartonnée (au format 18,9 × 28,3 cm) de cent trente-cinq planches est sorti en France en mars 2018, dans la collection Contrebande de l'éditeur. En VO, "Hammerhead" est un arc complet en six numéros, sortis entre octobre 2016 et janvier 2017 chez Dynamite Entertainement. Bien que Delcourt continue la numérotation, cette histoire ne s'inscrit pas dans le cadre de la série régulière, et se situe en dehors de sa continuité.
Le scénario a été écrit par Andy Diggle. Le Britannique est connu pour "The Losers", "Swamp Thing", "Hellblazer", ou encore "Daredevil", entre autres. Illustrations et encrage ont été réalisés par l'Italien Luca Casalanguida (fumetti "Detective Dante", "Unita' speciale"). La mise en couleur a été confiée à Chris Blythe.

Caracas, au Venezuela, la nuit. La forme d'un parachutiste se découpe dans la pleine lune, qui darde ses rayons sur la sinistre "Torre de David", un bidonville vertical de quarante-cinq étages. Un homme au faciès patibulaire, couvert de tatouages, monte la garde, armé d'un fusil d'assaut Kalachnikov AK-47. Il peine à remarquer la silhouette masquée et silencieuse qui descend lentement en planant dans sa direction, et lorsqu'il se retourne, il est trop tard ; il s'effondre, abattu d'une balle dans le crâne. James Bond atterrit sur le corps de sa victime. Il ôte ses lunettes de vision nocturne, puis informe son contact radio que l'infiltration vient de réussir. Tandis que son interlocuteur est sur le point de lui transmettre des consignes, Bond l'interrompt pour l'avertir qu'il coupe la communication. Il active la fonction de triangulation de son ordinateur de poignet, puis descend en rappel, après avoir fiché son grappin dans le béton. Parvenu à l'étage indiqué par son émetteur, il fixe un mouchard à la paroi, puis se dissimule derrière un pylône métallique. Dans la pièce, un homme, Saxon, est en communication avec un certain Kraken, qui lui reproche de ne pas avoir rempli sa part du contrat...

"Hammerhead", bien plus que les deux tomes précédents, s'inscrit pleinement dans la lignée des films consacrés à l'agent secret, tout en cherchant à rester fidèle au personnage créé par Ian Fleming. Cette histoire s'ouvre en effet sur une séquence de neuf pages qui sert de préambule à l'intrigue principale, à laquelle elle est bien sûr entièrement connectée. Contrairement aux deux premiers albums de la série, où les adversaires de Bond pouvaient surprendre par la banalité de leurs ambitions criminelles, "Hammerhead" renoue avec la tradition du génie malfaisant qui échafaude des plans pour diriger le monde. Ici, l'antagoniste de 007 a pour intention de rendre sa grandeur perdue à l'Angleterre. Curieusement, pour y parvenir, son projet principal n'est rien moins que raser Londres. Vouloir détruire la capitale d'un pays censé retrouver sa gloire d'antan pourra être perçu comme une incohérence du récit. Bond est égal à lui-même, mais l'exagération n'est pas loin ; l'agent au permis de tuer bat tout le monde, les sbires, la technologie, et survit là où tous les autres meurent. La lassitude gagne au fil des pages, d'autant que l'antagoniste n'apporte rien de nouveau. Le propos n'est pas tout à fait vain, car Diggle exprime, par la bouche de ses personnages, ce qu'il pense des nations occidentales nouant des alliances avec des régimes peu fréquentables, entre autres pour leur vendre de l'armement, en fermant leurs yeux sans courage sur la façon dont elles l'utilisent. Le scénariste rappelle encore l'importance de la question de l'arsenal nucléaire et du vieillissement et de l'entretien de celui-ci. La partie graphique s'avère décevante. Casalanguida évolue dans un style qui peut être qualifié de réaliste, avec une légère tendance à l'accentuation des traits. Malgré un savoir-faire évident, le résultat pâtit d'un manque de finitions ; les arrière-plans (paysages, bureaux) sont réduits à leur plus simple expression et le niveau de détail des visages est assez frustrant. Sans doute le dessinateur aurait-il pu collaborer avec un encreur ? La mise en couleur est terne.
Le travail de traduction de Philippe Touboul était irréprochable dans "Vargr" et "Heidolon". Là, plusieurs fautes polluent son texte : accord, orthographe, ou coquilles improbables, sans oublier la traduction elle-même trop souvent platement littérale.

"Hammerhead" est une double déception, scénaristique parce que l'intrigue est rapidement prévisible et qu'elle singe les codes de la franchise cinématographique avec évidence, et artistique parce que les illustrations de Casalanguida manquent de fini.

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbuz

3 commentaires:

  1. Andy Diggle m'ayant déjà déçu, je ne me suis pas intéressé à la suite des 2 aventures écrites par Warren Ellis. Je vois que je n'ai rien à regretter. En fait ce n'est pas tout à fait vrai : j'ai été très tenté par James Bond: The Body, illustré par Luca Casalanguida, Rapha Lobosco, Valentina Pinto, Tom Napolitano et Eoin Marron, surtout pour le scénariste Alex Kot. Mais en feuilletant le tome le niveau des dessins m'a dissuadé.

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    1. Au risque de me disperser, je continuerai pourtant la série, bien que le tome suivant soit réalisé par la même équipe artistique.
      Je lirai également la suite, "Black Box", dont l'intrigue semble intéressante et plus éloignée des schémas traditionnels.

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  2. Visiblement Delcourt ne s'est pas lancé dans les miniséries dérivées comme celle consacrée à Felix Leiter. En VO, il y a maintenant 2 séries James Bond : Une écrite par Greg Pak, et une par Jeff Parker (sur les débuts de Bond).

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