lundi 22 juillet 2019

Geoff Johns présente Superman (tome 3) : "Retour au XXXIe siècle" (Urban Comics ; octobre 2013)

"Retour au XXXIe siècle" est le troisième tome de la quasi-intégrale consacrée par Urban Comics à la période de Geoff Johns sur Superman. Cet album d'à peu près cent soixante-dix planches est sorti en octobre 2013 dans la collection Signatures de l'éditeur. Il comprend les "Action Comics" #858-864 (décembre à juin 2008).
Johns écrit les scénarios. Gary Frank en illustre six ; le dernier (#864) est confié à Joe Prado. John Sibal s'occupe de l'encrage. Dave McCaig, puis David Curiel se chargent de la mise en couleur.

An 3008. Sur un monde lointain, deux extraterrestres réalisent qu'ils n'ont pas d'avenir ; leur planète est déchirée par la guerre civile. Les factions en présence ne devraient pas tarder à utiliser la totalité de leur arsenal. Le mari souhaite donc envoyer leur nourrisson sur Terre ; cette planète n'a-t-elle pas accueilli le dernier fils de Krypton, il y a plus d'un millier d'années ? Sous leur soleil jaune, l'enfant a obtenu d'incroyables pouvoirs, grâce auxquels il a pu rendre à la Terre l'affection et l'amour qui'l avait reçus au centuple. Encore aujourd'hui, Superman reste un idéal universel, le symbole de la vérité et de la justice. Son épouse accepte l'évidence et dépose son bambin dans une petite capsule spatiale, qui s'envole dans les profondeurs de l'espace alors que leur civilisation se désagrège. La navette s'approche à grande vitesse de la Terre, pénètre l'atmosphère, s'embrase, et finit sa course en atterrissant sur le ventre dans un champ de maïs à côté de Smallville, après avoir fait chavirer une camionnette à bord duquel se trouve un couple de Terriens déjà âgés, Juun et Mara. Juun, sous le choc, s'enquiert aussitôt de la santé de son épouse ; elle va bien. Ils descendent prudemment du véhicule. Juun remonte le sillon laissé par l'engin. Mara le suit, mais reste quelques pas derrière. Elle lui demande ce que c'était ; un météorite, un satellite ? Arrivés au bout, ils aperçoivent avec stupeur un jeune alien, en train de s'extraire de l'habitacle de sa capsule...

"Retour au XXXIe siècle" se compose d'un arc complet ("Superman and the Legion of Super-Heroes" en VO), composé de six numéros, puis d'un épisode de transition, "Batman and the Legion of Super-Heroes". Le plat de résistance met en scène une super-équipe fascisante, la "Ligue de Justice" version XXXIe siècle, qui a érigé une doctrine, une propagande et un mensonge d'État en Histoire officielle, à savoir que les extraterrestres (donc les étrangers) sont les ennemis des humains. L'uniforme de leur leader, Terrien, leur terminologie ou les couleurs du brassard qu'ils arborent ne laissent aucun doute à ce sujet, et leur manipulation de l'Histoire ainsi que leurs pratiques d'enseignement sont édifiantes. Ce récit évoque également la notion d'échec par le biais des "recalés" de la Légion, avant tout des hommes et des femmes brisés aux destins dramatiques : ainsi, Terrien est un obsédé du contrôle vivant dans la crainte permanente que son rêve ne s'effondre, Golden Boy n'est considéré par sa mère que comme une source de revenus, Radiation Roy, complètement défiguré, est un amoureux transi dont les appétits sexuels sont condamnés à demeurer insatisfaits, et Storm Boy a recours a de la chirurgie sans anesthésie afin d'accroître ses pouvoirs. Beaucoup d'analogies sont possibles (compétition sportive, culte de l'apparence, etc.). Johns demande jusqu'où l'homme peut aller plutôt que d'accepter l'échec, et ce qu'il est prêt à s'infliger pour obtenir reconnaissance et admiration. C'est un scénario cohérent, structuré avec métier, qui offre son lot de retournements de situations et monte en puissance de façon maîtrisée. Frank (qui s'inspire de Christopher Reeve pour Superman) nous ravit de son trait réaliste ; il nous épargne l'hypertrophie musculaire et produit des corps gracieux aux proportions et aux postures parfaites, mais ses sourires sont comme figés. Le tandem résout le problème de l'abondance de protagonistes à l'aide de cartouches colorés récurrents qui indiquent nom, origine et pouvoirs. Le dernier chapitre est bavard et sibyllin. Le style de Prado, qui se résume par de la gonflette et des visages larges et plats, est aux antipodes de celui de Frank, et provoque une rupture visuelle en fin de volume. 
La traduction de Thomas Davier est très satisfaisante ; son texte semble avoir été épargné par les fautes ou les coquilles. En guise de bonus, l'éditeur a ajouté, en fin d'ouvrage, les couvertures alternatives, ainsi que trois pages de crayonnés de Frank.

"Retour au XXXIe siècle" est un troisième tome qui aurait eu plus d'impact si l'éditeur français n'avait pas jugé bon d'insérer un épisode de transition annonçant la suite. Là, les différences en matière de ton, de style pourront décontenancer les lecteurs.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Mince, ça fait déjà 10 ans que j'ai lu ces épisodes dont je garde un bon souvenir, mais très flou. J'avais bien apprécié de pouvoir retrouver l'improbable équipe de la Légion, et ces superhéros recalés, dans une version plus sombre, même si le régime politique manquait un peu de subtilité. Gary Frank était très impressionnant dans sa capacité à rende compte de tous les détails des costumes et de conserver des cases lisibles malgré le nombre de personnages.

    Dommage que la Légion soit reprise par Brian Michael Bendis cette année... J'attendrai l'itération suivante pour renouer avec ces personnages.

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    1. Encore, une fois, dommage que l'éditeur français ait intégré "Action Comics" #864 en guise d'accroche en fin de tome ; sans ça, j'ajoutais une étoile. Mais concernant le contraste entre le coup de crayon de Frank et celui de Joe Prado, il n'y a rien à faire ; pour ma part, ça passe mal.
      J'avais été plus enthousiaste à ma première lecture, il y a six ans ; avec le recul, je trouve que tout ça manque est un brin trop sage et manque un peu de folie.

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