dimanche 25 août 2019

Nico (tome 1) : "Atomium-Express" (Dargaud ; mars 2010)

"Nico" est une série créée par les Français Frédéric (Fred) Duval et Philippe Berthet en 2010. À ce jour, ce titre ne compte que trois numéros. Le premier volume s'intitule "Atomium-Express" ; il a été publié chez Dargaud en mars 2010. Cet album cartonné compte cinquante-quatre planches. Le dernier volet datant d'octobre 2012, "Nico" peut aujourd'hui être considéré comme moribond, et la probabilité de voir une suite est faible. 
Le scénario est imaginé par Fred Duval, connu pour "Carmen Mc Callum", "Renaissance", "XIII Mystery", "Nymphéas noirs", ou encore "Wonderball". Dessin et encrage sont réalisés par Berthet, qui a travaillé, entre autres, sur "Sur la Route de Selma", "Le Privé d'Hollywood", "Pin-Up", ou "XIII Mystery". "Nico" est leur première collaboration. La mise en couleur a été confiée à Hubert Boulard dit Hubert ("Spirou", ou "Conan le Cimmérien").

Sibérie orientale, la nuit du 3 juillet 1947. Une tribu de nomades, accompagnés d'animaux de bât et de chiens, chemine à travers la steppe. Leurs chiens sont agités. Les cavaliers arrêtent leurs montures. Stupéfaits, ils assistent à un spectacle extraordinaire : deux soucoupes volantes incroyablement luminescentes se livrent à un étrange ballet dans les cieux noirs, créant un formidable contraste. Est-ce un combat ? Parcourue de décharges électriques, la coque de l'une d'elles semble endommagée ; l'engin s'écrase dans le lointain devant l'assemblée médusée. Le deuxième appareil survole le lieu du crash, remonte en chandelle, et s'éloigne par dessus de la côte. Roswell, au Nouveau-Mexique, quarante-sept minutes plus tard. Quatre jeunes gens - deux garçons, deux filles - et leur chien se frayent un chemin à travers les rochers et grimpent en se servant de leurs lampes torches. Ils espèrent apercevoir des soucoupes volantes. Nico, plus âgée, mène le groupe. Dallas, à l'arrière, dit que d'après son père ça serait un coup des Russes...

"Nico" est une uchronie, dont le point de départ est que "l'incident" de Roswell a bien eu lieu, et pas seulement aux États-Unis, mais aussi en URSS. À la suite de cela, les deux camps, les États-Unis du président Truman et l'URSS du secrétaire général Staline (qui prend soin de massacrer les nomades, témoins gênants) révèlent au public la nature extraterrestre des événements. La guerre froide prend une nouvelle dimension, celle de la course à l'exploitation de la technologie extraterrestre. Après l'introduction, le récit nous transporte en 1966. Manhattan est une ville ultramoderne survolée par des aéronefs en tous genres, les avions supersoniques relient New York à Paris en quatre heures, et voitures volantes et technologie GPS sont des réalités. Bien que gravement malade, Staline est toujours vivant, et la révolution cubaine n'a pas eu lieu. Marilyn Monroe n'est pas morte, et Steve McQueen a abandonné l'Actors Studio pour la CIA. Au centre de ceci, Nico, une jeune américaine d'origine allemande recueillie par un agent de l'OSS alors qu'elle errait le Berlin en ruines de 1945. Duval et Berthet s'inspirent évidemment de Christa Päffgen (1938-1988), icône des années soixante, chanteuse, mannequin, actrice, égérie d'Andy Warhol et du Velvet Underground - entre autres. Nico est fidèle aux fantasmes que suscite le modèle : belle, blonde, sculpturale, élégante, hautaine, voire légèrement méprisante. Elle assène des "Spitze!" ("Génial !") tonitruants dans les moments enthousiasmants. Séductrice, athlétique, fonceuse, pleine de ressources, l'agent de la CIA est qualifié d'impatiente par sa hiérarchie, qui estime qu'elle prend des risques inconsidérés en toute circonstance. Malgré le concept (un peu stéréotypé quand même) et un passé familial tragique, le personnage ne soulève pas l'empathie et échoue à conserver un intérêt qui s'effrite au fil des planches. De plus, si le scénario est fluide, l'intrigue reste morcelée ; aucun des enjeux n'est dévoilé. Duval n'alimente le côté sensationnel que par l'intervention de figures historiques là où on ne les attend pas. Berthet nous livre une partie graphique satisfaisante, d'un trait plutôt réaliste qui s'inscrit davantage dans la mouvance de l'école de Bruxelles que dans le style des magazines "pulp" américains. Les physionomies sont banales, mais découpage et séquençage sont limpides, et la mise en couleur offre un plus à l'atmosphère, surtout lors des scènes nocturnes. Le lettrage surprenant, gras et épais, donne la sensation que nos protagonistes discutent en haussant constamment le ton.

Malgré l'univers original, hommage au futurisme des années soixante, et des illustrations soignées, l'intrigue ne captive pas, Nico n'est guère attachante, et le piquant des premières pages s'essouffle un peu, pour faire place à une certaine indifférence. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbuz

4 commentaires:

  1. Je pense que je n'ai rien lu ni de Fred Duval, ni de Berthet, mais j'ai souvent été tenté de lire Pin-Up, sans jamais franchir le pas.Je n'aurais jamais fait le rapprochement entre le prénom Nico et l'égérie du Velvet Underground si tu ne l'avais pas mentionné dans ton article, car ce n'est pas ma culture musicale.

    Les caractéristiques de cette urchronie apparaissent très alléchantes à la lecture de ton commentaire. Avec le temps qui passe et les lectures qui défilent, je me rends compte que je n'ai pas besoin que le personnage principal me soit sympathique pour m'impliquer dans le récit. Par contre, si l'intrigue n'est pas assez étoffée, il faut que je puisse apprendre à connaître le personnage, découvrir ce qui le motive, qu'il ne reste pas un héros d'action interchangeable avec n'importe quel autre. Concernant l'intrigue morcelée, je comprends ton observation. Je peux comprendre qu'un créateur ne puisse pas terminer son œuvre, pour des raisons diverses et variées (par exemple le dernier diptyque de Dick Hérisson est inachevé du fait de la mort de l'auteur, ou le dernier cycle d'Algernon Woodcock est inachevé du fait d'un désaccord entre les 2 auteurs), mais du coup j'attend que chaque tome comprenne assez d'éléments pour être satisfaisant pour lui-même.

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    1. Cet album est tellement émaillé de références culturelles autour des vedettes de la musique pop des années 60 qu'il me semble évident que Duval (Berthet aussi, peut-être) est un mordu de ce genre musical. Ce qui écarte ceux à qui ça ne parle pas, d'office, à moins d'accepter de passer à côté de tous les clins d'œil. En tant que lecteur, je me vois mal me pencher sur un sujet qui ne m'intéresse pas un minimum. Bref, voilà pour la recette de cette série : ça, et le fait que Roswell n'était pas une intox, et que cela a débouché sur un monde dans lequel le progrès technologique a été beaucoup plus rapide que dans le nôtre. Pour le moment, je n'ai pas prévu de lire la suite.

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  2. Je suis en train de lire The Wicked & The Divine de Kieron Gillen & Jamie McKelvie qui intègrent également des références culturelles musicales, à 95% en dehors de ma sphère de connaissance en la matière. Contre toute attente, ça fonctionne quand même : je sais que je rate cette dimension du récit, mais l'intrigue et les personnages se suffisent malgré tout à eux-mêmes. Du coup, je ne me sens pas exclu, même en sachant que ces références sont là (j'ai dû en détecter 2 sur la vingtaine d'épisodes que j'ai lus).

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    1. Je comprends ce que tu veux dire. Effectivement, dans l'absolu, ça ne nuit pas au plaisir de lecture. D'ailleurs, ces éléments servent à enrichir et à épaissir le contexte plutôt que l'intrigue, en général. Il n'est donc pas indispensable de les saisir.
      En revanche, en tant que "blogueur", je trouve que passer à côté de ces points-là peut quand même réduire ta grille d'analyse.

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