mardi 3 septembre 2019

Tif et Tondu (tome 1) : "La Villa Sans-Souci" (Dupuis ; octobre 1985)

"Tif et Tondu" est une bande dessinée créée en 1938 par le Belge Fernand Dineur (1904-1956). Son historique de publication est compliqué, la numérotation des tomes évoluant avec le temps. Si Dineur cumule d'abord les postes de scénariste et de dessinateur, cela change à l'arrivée de Willy Maltaite, alias Will (1927-2000), qui, en 1949, en devient l'illustrateur. Dineur quitte le titre en 1951 ; il est remplacé par Henri Gillain, alias Luc Bermar (1913-1999), puis par Albert Desprechins (1927-1992) avant que Maurice Rosy ne vienne s'installer durablement.
"La Villa Sans-Souci" fut en premier lieu publié dans le journal "Spirou" entre mai 1951 et avril 1952. Le récit ne fut réédité en album qu'en 1985, puis réintégré dans la série en tant que premier tome. Dineur écrit là son dernier scénario. Will assure la partie graphique : le dessin, l'encrage, et la mise en couleur.

Tif se trouve dans une librairie, où il achète plusieurs ouvrages. Parmi ceux-ci, les mémoires de Sherlock Holmes. Une fois ses emplettes terminées, il rentre chez lui, tentant de maintenir sa pile de livres sans les faire tomber. Sans le vouloir, il s'emmêle les jambes dans la laisse d'un chien promené par sa maîtresse. Malgré les excuses de Tif, la dame est furieuse du traitement qui a été infligé à sa Myrza et commence à courir après Tif, qui prend la fuite. La mégère le poursuit jusqu'à son domicile, mais il parvient à bloquer l'entrée de son appartement. Une fois sûr qu'elle est partie, il s'installe dans son canapé et plonge dans la lecture. Le temps passe sans qu'il ne s'en rende compte. Au fil des pages, il réalise néanmoins que Tondu et lui sont "de pitoyables amateurs". Cinq heures plus tard, il est toujours en train de s'informer et son enthousiasme est intact. Trois heures après, dégustant une tasse de café brûlant, il est convaincu d'avoir trouvé sa voie. Fini l'amateurisme ! Tif sent qu'il est fait pour devenir un grand homme, un grand détective...

"La Villa Sans-Souci" est le dernier scénario de Dineur. L'auteur utilise les caractérisations de Tif et de Tondu comme source de gags afin de lancer son intrigue. Tif (le chauve), est un ambitieux qui se prend plutôt au sérieux ; lorsque le récit commence, Tif souhaite devenir "un grand détective". Tondu (le barbu) est plus épicurien, plus jovial, et présente un sens de l'humour affirmé ; il n'hésite pas à railler son camarade ou à organiser des farces assez élaborées pour se moquer de lui et l'inviter à embrasser les bons côtés de la vie. Dineur joue ainsi l'opposition en les confrontant l'un à l'autre ; ces différences et frictions provoquent une situation de rivalité (ni profonde ni sérieuse) entre les deux amis. Cela ne dure que le temps de quelques planches ; son intrigue met d'ailleurs un certain moment à se lancer, et il faut bien douze planches au scénariste pour entrer dans le vif du sujet. La manière, poussive, finit par accoucher d'une histoire à forte saveur de vaudeville, construite sur des quiproquos en chaîne et émaillée de gags. Cette aventure, qui se déroule dans un petit village de province, dans le Nord de la France, relate le démantèlement d'un réseau de contrebande de gnôle et l'affrontement entre les douanes belges et françaises et les trafiquants des deux côtés de la frontière. Entre les deux, Tif et Tondu ; ayant dès le départ maille à partir avec ces trafiquants, et souhaitant faire triompher le bon droit et la justice, nos deux héros iront d'embûche en embûche. Dineur, sur un thème qui reflète la France de toute une époque (les lecteurs des régions frontalières auront sans nul doute entendu de nombreuses anecdotes de leurs parents ou grands-parents, qui passaient la ligne pour aller acheter du tabac, du carburant, ou encore de l'alcool à des prix plus intéressants), nous offre avec "La Villa Sans-Souci" une histoire traditionnelle de gendarme et de voleur dans lesquels nos deux gaillards mettent leur grain de sel. Point de violence ici, car il s'agit d'une série tous publics dans le respect de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, c'est-à-dire sans brutalité, sans effusion de sang, rien qu'avec quelques coups de poing bien placés. La partie graphique présente un découpage limpide et régulier, souvent en gaufrier, avec quatre bandes, chacune comprenant deux à trois cases, ni plus ni moins. Le trait de Will, qui n'a pas encore trente ans et dont c'est le premier album complet, est loin de sa maturité. Les plans, moyens ou américains la plupart du temps, sont peu variés. Encrage et mise en couleur sont rudimentaires. 

Malgré l'amusement ressenti à la lecture de ce récit et la sympathie presque immédiate que suscite ce duo original, rien, dans ces pages, ne laisse supposer que "Tif et Tondu" deviendra l'un des titres les plus connus d'une certaine bande dessinée belge. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbuz

2 commentaires:

  1. Après Les Fantômes de Knightgrave, voici donc la bande dessinée originale... enfin pas tout à fait. J'ai bien apprécié le paragraphe introductif sur les différentes itérations de la série, ce qui m'a permis de mieux comprendre où se situe cet album portant le numéro 1. J'ai également cliqué sur le lien pour Maurice Rosy. Il me semblait avoir reconnu son nom : j'ai lu plusieurs livres pour enfant à ma fille, illustrés par lui, et j'avais été séduit pour son trait doux et expressif.

    Rien, dans ces pages, ne laisse supposer que "Tif et Tondu" deviendra l'un des titres les plus connus d'une certaine bande dessinée belge. - Je vais donc suivre ta série d'articles car je crois n'en avoir jamais lu aucun. Ce sera une découverte pour moi.

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    1. Effectivement, ça fait longtemps que ce titre me fait de l'œil ; j'avais déjà essayé par le passé, mais j'avais pris la série en cours et je n'avais pas accroché. Je me suis dit pendant un moment que je pourrais commencer directement à l'arrivée de Rosy, mais j'ai tenu à lire les deux premiers albums quand même.

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