jeudi 5 septembre 2019

Grant Morrison présente Batman (tome 7) : "Batman Incorporated" (Urban Comics ; mars 2014)

"Batman Incorporated", sorti dans la collection "DC Signatures" d'Urban Comics en mars 2014, est le septième volume de la série consacrée au Batman de Grant Morrison. Cet album cartonné de deux cent trente planches approximativement (sans compter la trentaine de pages de bonus) comprend les versions françaises des "Batman Incorporated" #1 à 8 (janvier à octobre 2011), ainsi que "Batman, Incorporated: Leviathan Strikes!" (de février 2012).
Morrison écrit tous les numéros. Yanick Paquette dessine les #1, 2, 5, et le #3 avec l'aide de Pere Pérez ; son travail est encré par Michel Lacombe. Chris Burnham illustre les #4, 6, 7, ainsi que la conclusion du "Batman, Incorporated: Leviathan Strikes!", dont la première partie est confiée à Cameron Stewart. Le #8 est réalisé par Scott Clark et David Beaty. Enfin, Nathan Fairbairn se voit attribuer la tâche de mise en couleur, à l'exception du #8. 

À l'issue du tome précédent, le cheikh Ibn Ali Farouk, pour avoir compromis une base au Yémen, est abattu par Omar, son jeune fils, sous le contrôle mental de Léviathan. Batman est à l'écoute.
Tokyo. Monsieur Inconnu, justicier japonais, est prisonnier de Lord Death Man, un homme affublé d'un costume de squelette, et ses sbires. Prostré sur une chaise, encore vêtu de son manteau de son chapeau et la partie supérieure du visage recouverte d'un loup, il se réveille lentement, tiré de son sommeil par les criminels. À côté, sur une petite table, une boîte de médicaments et un verre gradué, à moitié rempli d'une substance non précisée. À la vue des deux moignons horriblement déformés au bout de ses bras, il demande, dans un hurlement de terreur, où se trouvent ses mains. Lord Death Man, grandiloquent et railleur, répond qu'elles sont en enfer, qu'elles attendent le reste de sa personne et qu'il va commencer par les yeux. Malgré les suppliques de sa victime, le criminel saisit le récipient et le lui brise sur le visage...

Morrison présente une grande fresque, celle de la création d'une nouvelle équipe de super-héros dérivée de la Bat-Famille. Ce qui frappe, c'est d'abord la diversité au sein de Batman, Inc., véritable melting-pot sous le leadership indiscutable de Batman. Le lecteur apprécie de voir les nouveaux membres prêter serment ; les recrues sont immédiatement attachantes, bien qu'elles ne reçoivent pas toutes le même niveau d'attention. En face, Léviathan, une organisation criminelle qui infiltre toutes les couches de la société dans tous les pays. Ce récit d'espionnage, qui se déroule sur plusieurs époques (passées, futures), est émaillé de clins d'œil à la Continuité et de références historiques. C'est un conflit qui se produit sur tous les continents : Amériques, Asie, Pacifique, Europe, et Afrique. La bataille se déroule non seulement dans le monde physique, mais aussi dans l'espace numérique, sur Internet. L'intrigue, complexe, est affublée des tics narratifs de Morrison ; l'auteur, quand il n'utilise pas la technique de l'ellipse, mélange les lignes temporelles, compresse sa narration, et ne s'embarrasse pas de transitions. Le lecteur devra mobiliser sa mémoire, et focaliser son attention sur les détails sous peine de perdre le fil de l'histoire et d'échouer à en relier les points. Néanmoins, le scénariste subjugue par sa créativité, la diversité de son rythme narratif, sa capacité supérieure à faire émerger une intrigue puissante et captivante d'éléments (faussement) décousus. Autre caractéristique de son œuvre, ce mélange d'humour britannique irrésistible, de violence iconoclaste - conceptuelle (le thème du mal absolu) et physique (car il y a des morts) - et de réalisme cru (le quotidien désastreux des réserves amérindiennes). La partie graphique jouit du travail d'artistes aux styles aussi remarquables que différents. Le trait de Paquette est classique et réaliste, avec des contours épais et un encrage marqué. Celui de Burnham flirte avec la surexpressivité, présente un niveau de détail plus élevé dans un découpage original, et montre un sens de l'impact épatant. Les illustrations de Clark et Beaty sont froides, lisses, comme l'exige cet univers-là. Stewart, excellent, produit un chapitre irrésistible, rempli de références aux stars de la pop.
La traduction est d'Alex Nikolavitch. Le texte pâtit d'expressions adaptées littéralement ("faire sens" pour "avoir du sens", "intact" pour "indemne") et est pollué par les fautes dont une d'accord, une de nombre, une d'orthographe et une de conjugaison.

"Batman Incorporated", comme "Batman contre Robin", propose une série d'épisodes ardus, mais particulièrement riches. Le déchiffrement du récit pourra représenter un plaisir en soi en plus de l'énergie, l'originalité, le talent présents dans ces pages.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

6 commentaires:

  1. Voilà un article qui vient à point pour me rappeler que je n'ai pas lu ces épisodes, ni les suivants. J'avais mis ce tome de côté en attendant d'avoir la fin sous le coude, et je ne m'y suis jamais remis. Il me reste également à lire la fin de ses épisodes de Superman parus à la même époque. Ton article me rappelle bien pourquoi j'avais souhaité attendre : une série d'épisodes ardus, mais particulièrement riches. Je voulais être sûr de ne pas perdre le fil.

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    1. Les tomes 8 et 0 m'attendent ; ce sera pour très bientôt, puisqu'ils sont sortis en 2014 et que je lis les publications d'Urban Comics par date de dépôt légal.

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  2. La date de dépôt légal, c'est original : c'est un critère de sélection que je n'avais pas encore pensé à retenir pour mon choix d'ordre de lecture. :)

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    1. :-)
      Je n'ai rien trouvé de mieux ni de plus objectif pour ventiler mes lectures Urban Comics (car il n'y a que chez eux que j'applique cette règle). Ça m'évite de trop me focaliser sur un personnage, une série ou un artiste.

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  3. Encore un excellent tome de la part de Morrison qui arrive à nous faire adhérer à ces nouveaux batmen, ce qui aurait pu être ridicule sous la plume d’un auteur moins talentueux. J’ai particulièrement aimé l’épisode dans la réserve indienne et celle dans le Web 3.0.

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    1. Très, très bon tome, effectivement, avant le point d'orgue des épisodes qui suivent : la seconde "saison" des épisodes de "Batman, Incorporated".
      J'avais adoré les épisodes de la réserve indienne, moi aussi, sans doute ce que j'avais préféré dans ce tome-là.

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