"Eternal Warrior" ("La Colère du Guerrier éternel" n'est que le sous-titre) est un album consacré à Gilad Anni-Padda, le Guerrier éternel, personnage créé en 1992. Ce recueil à couverture cartonnée, qui compte près de trois cent quarante planches, a été publié chez Bliss Comics en juin 2017. Cette histoire complète ne nécessite qu'une connaissance limitée de l'univers Valiant. Le volume comprend les numéros 1 à 14 de "Wrath of the Eternal Warrior" (de novembre 2015 à décembre 2016) ; il est fractionné en quatre chapitres, "Ressuscité" (#1-4), "Prélude au labyrinthe" (#5 et 6), "Le Labyrinthe" (#7-10), "Un pacte avec le diable" (#11 à 14). La couverture a été composée par le Madrilène Raúl Allén.
Robert Venditti écrit le scénario. Raúl Allén et Patricia Martín, aidés de David Astruga, produisent les illustrations des premier et troisième chapitres. L'Espagnol Juan José Ryp réalise la deuxième partie, et Robert Gill la dernière. Enfin, Borja Pindado, Jordie Bellaire, ou encore Michael Spicer se divisent la mise en couleur.
Les Terres infernales. Le Bafouilleur, un démon quadrupède de la taille d'un chien, à la gueule hérissée de crocs, et à la crinière faite de serpents, ricane. Pour toute réponse, Gilad lui assène un coup de hache dans le crâne, sans forcer. Mais c'est sans effet. L'arme reste fichée dans la tête du monstre, qui se lèche les babines pour goûter son propre sang. D'un ton malicieux, il déclare que ce n'est pas fameux. Le sang, c'est comme le vin ; c'est meilleur avec l'âge. Or, c'est Gilad qui a le plus vieux. Le Bafouilleur attire l'attention du Guerrier éternel sur ce qu'il se passe en contrebas ; des centaines de choses difformes et hideuses essayent d'escalader le roc sur lequel ils se trouvent tous les deux. Ce sont les hordes, qui ont soif du Guerrier éternel ; elles l'attendent, des Champs tourmentés à la porte de Fer. Gilad se contente de rétorquer au Bafouilleur qu'il parle trop, puis il prend appui d'un pied sur la gueule de la bavarde créature pour dégager sa hache...
Avec "La Colère du Guerrier éternel", Venditti propose une série d'histoires captivantes regroupées en trois arcs (le second a un prélude en deux parties) qui se suivent chronologiquement. Voilà des aventures plus grandes que nature, spectaculaires, dans lesquelles l'action est un ingrédient majeur ; Gilad, le Guerrier éternel, équipé d'un arsenal vieillot, mais terriblement efficace (une hache de combat, deux revolvers dévastateurs, un poing américain, et une kyrielle de munitions en bandoulière), se taille un chemin à travers ses ennemis à la force du poignet sans jamais reculer. Conscient de son expérience, de ses connaissances, et de ce sens de la stratégie et de la tactique acquis au fil du temps, Gilad avance, ignorant la peur, sans perdre son sang froid ou se départir de son calme : une force brute, puissante, incorruptible et indomptable. Le troisième chapitre, "Le Labyrinthe", est l'illustration parfaite de ce mélange de confiance en soi et d'opiniâtreté : Gilad subit le traitement que lui inflige son geôlier pendant des jours sans se plaindre, revenant incessamment à la charge alors que sa double condition de cobaye et de "Sisyphe de l'extrême" rendrait fou n'importe qui d'autre. L'immortalité lui permet d'appréhender ces épreuves avec un rapport différent au temps et à la souffrance ; c'est peut-être là que réside la faiblesse de ce récit, les enjeux perdant en ampleur face à ce héros hors norme. Venditti tente de l'humaniser pendant ces quelques moments avec les siens (à l'image de la famille contemporaine, la sienne est mixte et recomposée) ; il évoque la sempiternelle question de la vie privée du super-héros, sans approfondir suffisamment. La partie graphique est aboutie. Allén et Martín, d'un trait réaliste, lisible, produisent des planches sophistiquées qui rappellent plus la BD indépendante que le genre super-héroïque : contrastes accusés, quadrillage étudié, belle diversité de plans et d'expressions, riche palette de tons, arrière-plans simplifiés - jamais négligés. Ryp évolue lui aussi dans le réalisme, avec une tendance à la surexpressivité, et un sens du détail étourdissant. Admirable maîtrise de la perspective dans les deux cas. Gill montre un classicisme assez marqué ; un travail sérieux, soigné, et très satisfaisant.
Bien que la traduction de Florent Degletagne soit correcte au niveau du sens, le texte est méchamment vérolé : cinq coquilles, une faute de mode, deux d'accord, une incohérence tutoiement-vouvoiement, une onomatopée non traduite. Une bérézina.
"La Colère du Guerrier éternel" est une histoire véritablement captivante, qui procure un très bon moment de lecture. D'aucuns pourront penser qu'il manque quelque chose à ces épisodes : une caractérisation plus approfondie du héros, certainement.
Étrangement, je n'ai jamais été attiré par ce personnage, ni par ce scénariste, ce qui fait que j'ai fait l'impasse sur cette série (et la suivante).
RépondreSupprimerLes enjeux perdent en ampleur face à ce héros hors norme. - C'est également une difficulté scénaristique pour un personnage comme Superman, tellement puissant.
Il manque quelque chose à ces épisodes. - Ça m'arrive aussi parfois de ressentir une sensation de trop peu, et dans ces cas-là j'ai souvent du mal à exprimer ce que j'aurais voulu de plus.
Cette question me taraude souvent, à savoir cette sensation de manque ou de trop-peu. Moi aussi, j'ai parfois du mal à mettre le doigt dessus. J'ai trouvé cet album super, mais j'ai éprouvé un pincement de déception en le refermant, sans savoir pourquoi ; au bout d'un temps de réflexion, cette faiblesse de la caractérisation a fini par me sauter aux yeux.
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