samedi 22 février 2020

Green Arrow (tome 1) : "Machine à tuer" (Urban Comics ; juillet 2014)

"Machine à tuer" est un album à couverture cartonnée d'approximativement cent quatre-vingts planches, publié dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics, en juillet 2014. C'est le premier volume du "Green Arrow" de la "Renaissance DC", une démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers, et relancer toute une gamme de séries. Ce recueil inclut les "Green Arrow" #17-24, ainsi que le #23.1 (d'avril à décembre 2013). Il ne compte aucun bonus. 
Le Canadien Jeff Lemire écrit le scénario. L'Italien Andrea Sorrentino réalise les illustrations (dessin et encrage). Il est connu pour "I, Vampire". Marcelo Maiolo produit la mise en couleur. Lemire et Sorrentino renouvelleront la collaboration avec "Old Man Logan". Sorrentino et Maiolo ont déjà travaillé ensemble, sur "I, Vampire". 

Les hautes-terres de Black Mesa, dans l'Arizona, aujourd'hui. Oliver Queen en traverse la partie désertique à pied, sous un soleil de plomb. Il ne porte qu'un pantalon et des chaussures ; il se sert de sa tunique comme foulard, pour se protéger la tête. Son torse et ses épaules sont emmaillotés dans des bandages. Queen avance péniblement. Il se remémore cette époque où il était riche et où il avait tout. Queen le millionnaire. Queen le prodige. Queen le petit prince. Tout cela est terminé. Ce n'était que mensonge. Queen se rappelle ce temps où il était le super-héros Green Arrow, peu importe ce que cela puisse encore signifier. Il s'en souvient comme la tentative d'un "gosse de riche" de réaliser quelque chose qui ait du sens. Mais c'était une plaisanterie. Un amusement coûteux. Il enfilait son costume pour interpréter le rôle de quelqu'un qu'il ne serait jamais. Aujourd'hui, il n'est personne. Juste un homme qui possédait tout et qui est sur le point de mourir seul. À ces pensées, il s'effondre. Seattle, trois semaines plus tôt. Queen, remonté, entre dans le bureau de Walter Emerson, PDG de Queen Industries, malgré la tentative de barrage de l'assistante personnelle de ce dernier. Oliver a appris à la radio qu'Emerson a vendu l'entreprise... 

"Machine à tuer" est le premier album de cette série publiée chez Urban Comics, mais il n'en reprend pas les tout premiers épisodes (les #1-16) ; l'éditeur français a en effet décidé de faire l'impasse sur les premiers numéros VO, dont la qualité artistique avait été éreintée par la critique et le public. Lemire se voit confier la suite par DC Comics. Il opère un changement radical en dépoussiérant Green Arrow, revisitant, et enrichissant significativement l'univers de ce dernier. Même s'il les modernise, le Canadien prend garde à ne pas toucher à certains fondamentaux (dont ce groupe industriel, ou l'île Starfish, par exemple). Et s'il dépouille Queen de ses ressources financières, il ne le prive cependant pas d'alliés, et présente, à cette fin, un mélange de ses créations (Naomi Singh, Henry Fyff, Magus) et de figures existantes (dont Shado, de "The Longbow Hunters", avec des origines différentes) dans un cocktail cohérent. Lemire rafraîchit Vertigo et amène de nouveaux antagonistes, dont Simon Lacroix, alias Komodo, Emiko - dont la caractérisation peut partiellement rappeler Damian Wayne, le respect de la discipline en moins, et surtout, les Outsiders, avec lesquels l'auteur va opérer une évolution en profondeur de la mythologie de Green Arrow, avec une touche d'exotisme, de mystère, et de mysticisme qui vient enrichir l'ensemble. Lemire ne se contente pas de cette relecture. Il assemble ces ingrédients (avec un zeste d'iconoclasme en plus) et en tire une histoire intéressante, fluide, compréhensible, et solide, malgré des énormités (certains combats ou scènes invraisemblables). Le scénariste emploie beaucoup l'analepse, un procédé qui lui permet de casser la linéarité du récit, sans en abuser ; l'intrigue reste équilibrée. Enfin, côté caractérisation, ce Green Arrow est plus lisse que la version que l'on connaissait. Soulignons les qualités du style graphique de Sorrentino (on pourra discerner l'influence de Jae Lee, sans l'aspect figé) ; l'artiste compose des planches étonnantes. Le quadrillage sophistiqué et l'utilisation originale de l'insert mettent les détails en évidence. Les aplats de noir produisent un encrage prononcé, ce qui pourra rendre le déchiffrage ardu ; il faut étudier les cases, attentivement. Les couleurs sont ternes.
La traduction de Benjamin Rivière (alias KGBen, du studio MAKMA) est largement satisfaisante, et son texte est soigné ; aucune faute de français n'a été relevée, mais une coquille s'est incrustée. Le travail éditorial brille par son absence, en revanche. 

Malgré quelques défauts, cet album procurera un véritable plaisir de lecture. Lemire réinvente Green Arrow, tout en proposant une intrigue de plus en plus palpitante, qui s'enrichit à chaque page ; belle réussite, que l'art de Sorrentino vient couronner. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. J'avais également mis étoiles sur cinq également du fait du scénario.

    Certains combats ou scènes invraisemblables - Pour une fois, j'avais réussi à mettre le doigt sur ce qui m'avait fait sortir du récit : au bout du troisième affrontement entre Green Arrow et Komodo, le lecteur a bien compris que Lemire introduira des renversements de situation comme bon lui chante pour aboutir au résultat qu'il s'est fixé. La page d'avant, Magus certifie à Oliver Queen qu'il n'a aucune chance de battre Komodo, la page d'après Queen cueille Komodo par surprise comme le premier novice venu. Affrontement suivant, Komodo fiche 5 flèches dans le corps de Green Arrow qui gambade comme si de rien n'était la page suivante. Puis Green Arrow se jette dans une grosse conduite avec une flèche qui dépasse à angle droit de sa jambe, sans qu'elle ne se brise dans les parois, pourtant étroite.

    J'avais aussi pensé à Jae Lee pour Andrea Sorrentino qui avait déjà illustré une autre série du New 52 : I vampire. Avec le recul, je trouve que la mise en couleurs de Marcelo Maiolo apporte beaucoup aux dessins.

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    1. Effectivement ; je suis content de voir que nous avons "tiqué" sur les mêmes scènes improbables.
      Cela dit, je suis satisfait de voir que mon enthousiasme est du même niveau que lors de ma première lecture de ces épisodes, à l'époque de la sortie de cet album.

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