vendredi 21 février 2020

Seul au monde (tome 1) : "Chanteloube" (Glénat ; août 2019)

"Chanteloube" est le premier des cinq volumes de "Seul au monde", série de bande dessinée tirée du récit autobiographique de Sébastien Destremau, sur sa course du Vendée Globe en 2016-2017 et sur sa vie. Cet album grand format à la couverture cartonnée est sorti chez Glénat en août 2019 et comprend cinquante-quatre planches. Cette série porte le titre du livre de Destremau (et Henri Haget) paru aux éditions XO en juin 2017. 
"Chanteloube" est entièrement réalisé (adaptation, dessin, et mise en couleur) par le Toulonnais Serge Fino. Fino est connu pour des titres tels que "Les Ailes du Phaéton", "Les Maîtres saintiers", "L'Or des marées", ou encore "Les Chasseurs d'écume", dont quelques-uns, déjà, ont eu l'univers maritime pour objet. 

L'Atlantique Nord, en plein jour. La nuit précédente, Sébastien Destremeau et le voilier monocoque TechnoFirst-FaceOcean, son bateau, ont essuyé un front ; des trombes d'eau sont tombées, et le vent a tourné, à 180º. Maintenant, ils ont la mer de face. La situation est délicate. Direction les Açores. Destremeau essaie de se rassurer, mais s'inquiète pourtant des coups de sa coque sur les vagues, qui résonnent dans sa cabine. Ayant la sensation que ces ondes de choc montent jusqu'à son crâne, il serre les dents. Le navigateur a peur de la casse, car il y en a souvent, à cet endroit-là, surtout parmi ceux qui se croient déjà arrivés et qui brisent leur quille sur la dernière vague. Direction Les Sables-d'Olonne. Ce matin-là, il a reçu un courriel de Claire, sa sœur, qui lui prodigue quelques conseils pour pêcher. Destremeau s'en amuse ; il s'étonne que la restriction de nourriture émeuve tant les gens. Il fait un repas par jour, et il sait qu'il peut encore diminuer ses rations. Le Mél de sa sœur, qui l'a fait rire, est un petit miracle, de ceux que réserve le Vendée Globe. Dimanche 5 mars 2017. Son bateau a contourné les Açores. Le navigateur continue à tenir son journal de bord... 

"Chanteloube" est le premier des cinq volets de l'adaptation du livre de Destremau en bande dessinée. "Chanteloube" est construit sur trois lignes chronologiques, dont chacune couvre une période de la vie de Destremau. La première est celle des derniers jours de la course du Vendée Globe 2016-2017 ; l'action se déroule début mars 2017. Fino y met en scène le quotidien de Sébastien Destremau sur son bateau, ses inquiétudes face aux caprices de la météo et aux éventuels problèmes techniques, et surtout cette quête intérieure dont il revient (cet ingrédient insuffisamment développé sera sans doute expliqué dans la suite). Bien que Destremau soit absolument seul contre les éléments, le lecteur ne ressent pas l'impression de solitude attendue ; en effet, Fino transcrit les monologues, les pensées ou les introspections dans de nombreux cartouches, afin de meubler ses vignettes, en employant ce ton monotone inhérent aux journaux de bord. L'auteur, plutôt que de paraphraser le matériau d'origine, aurait pu privilégier quelques cases, voire quelques planches sans paroles. L'atmosphère de cette partie n'a donc rien de prégnant, d'autant que l'enjeu est inexistant, car le lecteur, même s'il n'a pas suivi la course, sait déjà que Destremeau a terminé dernier ; c'est précisé en quatrième de couverture, et rappelé dans la dernière case de la troisième planche. La seconde est constituée de souvenirs d'enfance, et de tranches de vie de famille du navigateur, avec ses parents et sa fratrie. Destremau y revient sur la relation particulièrement tendue et sans amour qu'il entretenait avec son père (la scène du disque de Coluche est édifiante), sur l'attitude équivoque de sa mère, et sur l'absence de réaction de ses trois frères et de sa sœur. Cette partie-là, malgré une forme de mélancolie universelle qui s'en dégage, n'est pas suffisamment émouvante. Enfin, la troisième et dernière est celle qui conte la décision de participer au Vendée Globe (prise le 9 novembre 2012) et les années de préparation à cette course qui a lieu tous les quatre ans. Elle souligne les difficultés, surtout de nature financière, du projet ; c'est certainement le chapitre le moins intéressant. Pour sa partie graphique, Fino utilise la technique de la couleur directe. Il emploie souvent la méthode de l'incrustation dans le découpage. Bien que les paysages et les scènes en haute mer de Fino soient superbes et qu'il maîtrise la perspective et la diversité des plans, sa quête de réalisme se fait parfois au détriment de l'expressivité des visages. Certaines teintes recouvrent le dessin d'un voile terne. 

"Chanteloube" pâtit d'une narration trop proche du style d'un journal de bord. Il est probable que le texte d'une adaptation qui pèche par excès de fidélité n'ait pas été assez retravaillé. Cet album peine à captiver. Reste les beaux paysages, signés Fino. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. Adaptation qui pèche par excès de fidélité, pas été assez retravaillée - Pas facile comme exercice, mais cette remarque me parle. La façon de raconter dans la BD n'est la même que dans un roman, ou un journal de bord. L'adaptateur se retrouve au pied du mur, devant trahir, respecter certains éléments, en réaménager d'autres. Le pire que j'ai lu en la matière était des adaptations de classiques de la littérature en comics, où le "scénariste" reprenait des pavés de textes pour ne pas trahir le style de l'écrivain, et l'artiste illustrait comme il le pouvait, montrant les personnes et les actions, pas toujours en phase avec le texte.

    Si l'occasion se présente, je feuilletterai cette BD pour apprécier la peinture directe pour profiter de ces beaux paysages.

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    1. Effectivement, pas facile. Je pense que Fino, par respect et peut-être par amitié pour Destremau (après tout, ils sont Toulonnais tous les deux), n'a pas voulu réinterpréter le texte du navigateur. Possible aussi que le navigateur n'ait vu dans cette bande dessinée qu'une simple déclinaison de son journal de bord, tuant ainsi dans l'œuf toute éventuelle volonté d'en faire une véritable adaptation en bande dessinée, quelque chose de différent, avec toutes les exigences que cela implique. Ajoute à cela le fait que Fino est plus un dessinateur qu'un scénariste...
      En voilà un, d'album, que j'ai eu du mal à commencer, et du mal à terminer. Il a ses qualités, mais j'ai été déçu.

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