vendredi 22 mai 2020

"Shazam" (Urban Comics ; novembre 2014)

Publié dans la collection DC Renaissance d'Urban Comics en novembre 2014, "Shazam" est une histoire complète de ce super-héros anciennement connu sous le surnom de Captain Marvel et qui a été rebaptisé Shazam en 2011, à l'occasion de la "Renaissance DC" ("The New 52"), une démarche de l'éditeur américain visant à rafraîchir son univers et à relancer plusieurs séries au nº1. "Shazam" est un album à couverture cartonnée, au format 17,5 × 26,5 centimètres, et qui comprend (approximativement) cent soixante-dix planches - sans compter les douze pages de bonus. Il est composé de treize récits de compléments, tous issus des périodiques VO "Justice League" #7-11, 0, 14-16, et 18-21 (mai 2012 - août 2013). 
"Shazam" est écrit par Geoff Johns, l'un des scénaristes majeurs de ces dix dernières années chez DC Comics. L'ouvrage est illustré par le Britannique Gary Frank, qui a réalisé le dessin et l'encrage. Ce n'est pas la première collaboration de ce talentueux duo, qui a produit plusieurs histoires pour le personnage de Superman, ainsi que "Batman : Terre-un". La mise en couleur est confiée à Brad Anderson et cette couverture est signée par le Brésilien Ivan Reis

Le docteur Sivana visionne un ensemble de témoignages curieux, dont celui d'un homme d'une trentaine d'années qui a commencé sa journée comme les autres. Il s'est rendu au travail en métro. Il estime n'avoir rien fait de particulier, bien qu'il ait fait l'aumône à un mendiant et ait été galant envers une jeune femme travaillant dans le même bâtiment. Il a pris l'ascenseur ; il a ressenti une décharge électrique en appuyant sur le bouton du neuvième. Les lumières se sont éteintes, la cage s'est mise à chuter rapidement puis a stoppé et ses portes se sont ouvertes. L'homme s'est trouvé dans une pièce majestueuse, au plafond soutenu par des piliers autour desquels s'enroulaient des torchères en forme de dragon. Au sol, le symbole d'un éclair ; deux armures montent la garde au pied d'un escalier menant à un étage. Il a entendu héler son nom... 

Shazam, anciennement Captain Marvel, fut créé par le dessinateur C. C. Beck (1910-1989) et le scénariste Bill Parker (1911-1963) en 1939 ; il apparut pour la première fois dans le "Whiz Comics" #2 (février 1940) de la maison Fawcett Comics. L'éditorial d'Urban Comics est dense, mais oublie (ou omet ?) de préciser que Fawcett Comics dut cesser la publication des histoires du héros à la suite d'une plainte déposée par National Comics (ancien nom de DC Comics), qui affirmait que Captain Marvel était "une copie illégale de Superman". Ayant perdu ce procès, et ses ventes sur le déclin, Fawcett céda les droits de plusieurs personnages à Charlton Comics en 1953 ; cela n'empêchera pas National Comics d'acquérir la licence d'exploitation du justicier en 1972 et d'intégrer celui-ci dans leur univers. Aucune aventure de ce super-héros n'a donc été publiée entre 1953 et 1973. Cette année-là, National Comics lance une nouvelle série qui durera cinq ans et demi et trente-cinq numéros. Ce n'est qu'en 1985 que le personnage et sa famille seront définitivement intégrés dans l'univers de DC Comics, à l'issue de "Crisis on Infinite Earths". Pour actualiser les origines du Shazam de la Renaissance DC, Johns a saupoudré son histoire d'une petite dose de causticité, d'humour bon enfant, et d'une pincée de tragédie. Causticité à l'égard de certains aspects du système des familles d'accueil, de la naïveté des êtres humains, et de l'innocence supposée des enfants. Humour bon enfant, lorsque Billy/Shazam découvre ses pouvoirs et la façon dont il les utilise sur les conseils "avisés" de son ami Freddy, avant de comprendre les responsabilités que cela implique. Et enfin, tragédie avec le destin du jeune Aman et la vérité derrière les origines de Black Adam. Johns produit une histoire accessible, mais dont le scénario linéaire manque d'équilibre : rien n'est dit sur le Dr Sivana. Deux invraisemblances : les membres de la "famille" de Shazam maîtrisent leurs pouvoirs instantanément et les Sept Péchés capitaux (à peine présentés et sous-exploités) s'évanouissent facilement. Frank compose une partie graphique remarquable, au style reconnaissable entre tous, entre réalisme classique, minutie, détail, belle palette d'expressions et les sourires "Ultra Brite" un peu figés. 
La traduction d'Edmond Tourriol est irréprochable : un plaisir. L'éditorial est riche et soigné (malgré une petite boulette : "en charge" est un anglicisme et il aurait fallu employer "chargé de") ; les bonus (douze pages d'esquisses de Frank) sont généreux. 

Voici une introduction satisfaisante à un super-héros très lié au monde de l'enfance. Le rafraîchir est un défi que Johns relève avec brio, mais le scénario ne résiste pas aux relectures. Elles feront toujours ressortir de nouvelles imperfections narratives. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
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4 commentaires:

  1. J'avais été plus sévère que toi. Gary Frank est en pleine forme et s'encre lui-même (sans Jon Sibal), mais il se désintéresse progressivement des décors.

    Pour un lecteur qui connaissait déjà le personnage de Billy Batson, Le récit semble vouloir s'écarter du ton bon enfant associé à ce personnage, pour une ambiance plus réaliste, et plus noire, puis qui incorpore tous les composantes habituelles du personnage jusqu'à ce que les différences disparaissent, laissant comme un goût de tour de passe-passe pas très honnête. Pour un lecteur ne connaissant pas le personnage, il découvrira un superhéros très familial, en léger décalage avec la promesse de brutalité de la couverture.

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    1. Et pourtant ! J'ai revu ma note à la baisse lors de cette seconde lecture. J'avais attribué quatre étoiles à la suite de ma première lecture, et ici, à l'occasion de la seconde, il m'est apparu comme une évidence que je ne pouvais pas aller au-delà de trois. Je doute qu'il y ait une troisième lecture un jour, mais nul doute que ma note sera encore plus sévère le cas échéant.

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  2. J'en déduis que tu ne seras pas client du tome 1 Rebirth écrit par Geoff Johns et dessiné par Dale Eaglesham publié en novembre 2019 par Urban. Malgré ma note de 2 étoiles pour le tome objet de ton article, j'étais curieux de lire la suite. Est-ce qu'il faut que je consulte ? :)

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    1. S'il faut que tu consultes, allons-y ensemble, alors, car en tant que lecteurs de séries, nous ne sommes plus à une contradiction près.
      Tu as vu juste, néanmoins : je ne lirai pas la suite. D'abord, parce que les quelques commentaires que j'ai lus jusqu'ici sont très partagés, voire polarisés. Ensuite, je ne suis pas entièrement convaincu par le trait de Dave Eaglesham et son expressivité exagérée, qui se rapproche d'une certaine forme de caricature.

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