dimanche 5 juillet 2020

"Doctor Mirage" (Bliss Comics ; février 2019)

"Doctor Mirage" est en album à la couverture cartonnée et au format 17,5 × 26,5 cm, sorti chez Bliss Comics en février 2019. Cet ouvrage de deux cent vingt planches compile les versions françaises de deux arcs. Le premier, intitulé "Docteur Mirage", reprend les "The Death-Defying Doctor Mirage" #1-5 (de septembre 2014 à janvier 2015). Le deuxième, "Secondes vies", contient les "The Death-Defying Doctor Mirage: Second Lives" #1-4 (de décembre 2015 à mars 2016). Ce recueil comprend une quinzaine de pages de bonus divers, variantes de couvertes, dessins en noir et blanc
Jennifer (Jen) Van Meter écrit les scénarios. Elle est connue pour "Hopeless Savages", "Amazing Spider-Man Presents: Black Cat", et "Black Lightning: Year One". Les illustrations (dessin et encrage) sont réalisées par le Madrilène Roberto de la Torre avec, dans les deux derniers chapitres du second arc, l'aide de Diego Bernard et Al Barrionuevo au dessin, et de Tom Palmer et Brian Level à l'encrage. La mise en couleur, enfin, a été confiée à David Baron

Assises sur des chaises, cinq femmes attendent dans une salle de discussion. Elles parlent de ce qui est arrivé à l'être aimé, celui qu'elles ont perdu. Elles évoquent la difficulté à refaire sa vie, les petites habitudes qui manquent, l'importance des souvenirs et le poids de la culpabilité. Sur le seuil de la pièce, Shan Fong, avant de rejoindre le groupe, échange quelques messages avec son agent Leo Bern. Elle lui reproche d'avoir organisé cette séance ; ce n'était pas à lui d'en décider, et puis, elle ne sent pas capable de l'animer. Mais Leo a estimé qu'elle en avant besoin ; ces femmes veulent que Shan les aident et elles sont contentes de payer. Leo l'encourage. Elle peut y arriver. Elle se reprend, respire et avance. Elle est interpellée par une participante : la séance peut-elle commencer, maintenant qu'elles sont toutes présentes ? Après une ou deux questions d'ordre pratique, le docteur Mirage leur confirme qu'elle ne leur promet rien : elle n'est pas un charlatan... 

Voilà un synopsis alléchant sur le papier. Spirite et enquêtrice du paranormal, le Dr Shan Fong parvient à parler aux morts, mais pour une raison mystérieuse et qu'elle-même ne s'explique pas, ne réussit pas à établir le contact avec Hwen, son défunt mari. Van Meter présente deux arcs qui s'inscrivent dans la continuité chronologique l'un de l'autre ; ces aventures complètes ne requièrent aucune connaissance de l'univers Valiant. En vérité, le docteur Mirage avait vécu une première incarnation dans les années quatre-vingt-dix ; c'était Hwen qui était docteur Mirage, et son épouse s'appelait Carmen Ruiz. Cet album propose donc une relecture entièrement nouvelle du personnage, féminisé et actualisé. Shan Fong, qui vit seule avec un chien dans une villa moderne sur la côte californienne, traverse une période psychologiquement éprouvante depuis la mort de son mari. Van Meter, par le biais d'analepses, évoque certains événements-clés de leur vie commune pour apporter contexte et substance à cette version revisitée du Dr Mirage, mais se contente cependant du minimum. L'entourage de la spirite consiste principalement en son agent Leo, un quinquagénaire bienveillant qui veut relancer l'émission télévisée que Shan animait avec Hwen, et qui lui propose un contrat juteux. Outre une réflexion sur la nature de l'amour, il y a là des idées séduisantes, dont le pendant occulte de l'opération Paperclip. Mais l'auteure, entre mondes parallèles et créatures fantastiques, ne réussit pas à trouver le ton juste. Elle insuffle de discrètes touches comiques qui empêchent l'intrigue de basculer vers la pure fiction d'épouvante. Serait-ce le pré carré de Shadowman ? À ce ton s'ajoute une écriture bavarde, qui utilise des concepts qui resteront hermétiques pour la plupart ; un glossaire aurait été bienvenu. Couplé à une linéarité pesante, cela pourra susciter l'ennui chez le lecteur, qui parviendra difficilement à s'immerger sans réserve dans ce récit. Graphiquement, c'est abouti ; de la Torre présente un trait réaliste, qui convient probablement davantage à des environnements urbains que fantastiques, au fond. La palette d'expressions de l'artiste n'est pas la plus large qui soit ; son découpage, malgré une ou deux scènes indéchiffrables, est assez clair. 
La traduction de Benjamin Rivière (MAKMA) est honorable, mais son texte comprend une faute de genre ("charlatane") et une de mode (indicatif contre conditionnel). La maquette de Bliss Comics, soignée, est impeccable - malgré l'absence d'éditorial. 

"Doctor Mirage" fait illusion l'espace de quelques planches, mais échoue à contenter les lecteurs à la recherche d'une atmosphère horrifique ; malgré les bonnes idées, les arcs souffrent de maniérisme, d'une linéarité assez lourde, et d'un style volatile. 

Mon verdict : ★★☆☆☆ 

Barbüz 
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2 commentaires:

  1. Cette fois-ci, mon ressenti n'a pas été le même, mais il est vrai que j'avais bien aimé la version de 1993/1994, pour des raison que j'ai complètement oubliées depuis.

    Pour la première partie, j'avais trouvé que Jen van Meter et Roberto de la Torre captent l'attention avec une enquête paranormale un peu tordue, tout en présentant les 2 personnages principaux et en installant les bases de la série pour de futures histoires. L'ambiance est vite prenante, et la dynamique de la vie après la mort est assez simple pour ne pas être immédiatement ridicule et puérile. Mais Shan Fong n'acquière pas assez d'épaisseur psychologique.

    Pour la deuxième partie, ils ont bien conçu la mise à jour du Docteur Mirage, avec une dynamique chaleureuse entre les 2 époux, des personnages secondaires complexes (Linton March, Leo Bern), un enjeu évident (que Hwen Mirage puisse retrouver un corps) qui s'imbrique naturellement avec les missions à effectuer. Ce deuxième tome permet de mieux apprécier la pertinence de l'approche graphique de Roberto de la Torre, sans séquence dans l'au-delà (ou les Limbes), mais avec une mise en image astucieuse et convaincante des phénomènes surnaturels. Au final, il s'agit d'une histoire divertissante à qui il ne manquerait qu'un soupçon d'ambition philosophique pour devenir indispensable.

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    1. J'ai été déçu par l'atmosphère et la tonalité générale. En fait, je m'attendais à une bande dessinée dans le registre horrifique, et j'ai trouvé que c'était bien trop léger, pas assez noir malgré certaines scènes. Aussi curieux que cela puisse paraître, j'ai préféré le second arc, mais globalement je n'ai pas réussi à me passionner pour ces aventures. Mon plaisir de lecture a été contrarié par la pesanteur de la linéarité. Je crois que j'ai attendu trop longtemps avant de le lire. Tant pis.

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