mardi 21 juillet 2020

"Thor" : L'Intégrale 1962-1963 (Panini Comics ; juin 2002)

Sorti en juin 2002, le premier volume de l'intégrale consacrée à Thor par Panini Comics comprend deux cent cinquante planches approximativement. Ce tome à couverture cartonnée et jaquette amovible reprend les versions françaises des histoires de Thor des "Journey into Mystery" #83 à 100 d'août 1962 à janvier 1964. 
Stan Lee (1922-2018) crée les scénarios, dont cinq avec Robert Bernstein (1919-1988). Larry Lieber, son frère, écrit les dialogues de la plupart des numéros. Jack Kirby (1917-1994) en illustre neuf, Joe Sinnott (1926-2020) cinq, Don Heck (1929-1995), trois, Al Hartley (1921-2003), un. Parmi les encreurs, Dick Ayers (1924-2014), outre Sinnott et Heck ; et enfin, Stan Goldberg (1932-2014) est souvent mentionné comme coloriste - lorsqu'il y a les crédits. 

La côte norvégienne, en journée. Le docteur Donald Blake observe les vaguelettes venues mourir sur le rivage, et n'aperçoit pas le vaisseau spatial silencieux qui se pose dans une clairière située non loin de l'endroit où il se trouve. En sortent trois curieuses créatures, humanoïdes, bien qu'aux silhouettes grotesques et trapues : ce sont les hommes de pierre de Saturne. Enfin la Terre ! Le premier remarque instantanément la particularité de l'atmosphère, qui leur est favorable. Si, sur Saturne, leur force est déjà grande, l'oxygène de la Terre la décuple : l'un deux déracine un arbre sans effort apparent, un deuxième saute du sommet d'une falaise et se réceptionne sur ses pieds sans douleur. Avec leurs corps de pierre, ils n'ont rien à craindre. Et puis ils peuvent aussi compter sur leurs armes : préparer le terrain pour l'invasion future sera facile ! Pourtant, ils ne réalisent pas qu'ils sont observés par un vieux pêcheur qui a vu ces monstres, et qui rentre précipitamment au village pour donner l'alerte. Hélas ! Personne ne le croit. Les créatures venues de l'espace ? Les balivernes d'un vieux fou ! Le docteur Don Blake, qui a entendu, est persuadé de la sincérité du pêcheur, et décide d'explorer les lieux le lendemain... 

Lee crée une version moderne de Thor, qu'il lance dans des histoires qui font rarement plus d'une douzaine de pages. Il affronte des extraterrestres, des robots, ou des savants fous, et contribue à la lutte contre le communisme. Le dieu du Tonnerre opère seul : ni super-équipe ni acolyte. Sa nature divine est ici indiscutable. Personne ne la remet en question, ni les autorités ni l'homme de la rue. Plusieurs éléments-clés de l'univers de Thor sont déjà présents. Son alter ego, le Dr Donald Blake, est un austère gringalet chétif qui ne sourit guère. Il est épris de son infirmière, Jane Foster. Les habitués des productions Marvel de l'époque savent que leur relation restera platonique. Là, les amours de Thor/Blake sont contrariées non seulement par le besoin vital de maintenir le secret sur son identité, mais aussi par la figure paternelle. Loki entre en scène rapidement (#85), et devient aussitôt incontournable. Les fourberies que le scélérat conçoit pour se débarrasser de son frère passionneront autant sinon plus que la façon dont celui-ci triomphera de ces pièges à l'aide de son marteau et de sa jugeote. Pour éviter que la dynamique Thor-Loki ne s'essouffle, Lee crée d'autres antagonistes, pour le meilleur (Cobra et Mister Hyde) ou pour le pire (les Kronans, les Xartans ou Sandu). Le panthéon scandinave est peu exploité. Outre Loki, seuls Odin (souvent utilisé comme deus ex machina) et Heimdall sont présents. À partir du #97, des récits de complément de cinq pages évoquent de grandes légendes de la mythologie nordique et offrent de la substance au héros. Enfin, les dialogues sont plus sérieux que le standard Marvel de l'époque ; Lee a eu la bonne idée de les confier à son frère Larry. La partie graphique est au-dessus de la moyenne de ce que produisait Marvel, peut-être parce que les épisodes sont plus courts. Ces planches sont d'un superbe classicisme ancré dans les années cinquante plus que dans les années soixante. Bien que le trait de Kirby soit éloigné de ce qu'il proposera plus tard, ce lyrisme épique et explosif de ses compositions se reflète déjà dans les compléments. Sinnott, surtout connu comme encreur, présente ici des planches d'une qualité remarquable. Les illustrations de Heck sont en deçà ; celles de Hartley, encore plus. 
La traduction d'Élisabeth Delannoy et de Laurence Belingard est honorable : une seule faute (d'orthographe) et deux onomatopées non traduites. L'éditeur intercale les couvertures originales en fin du volume plutôt que de les insérer entre les épisodes. 

Bien que les trames narratives soient les mêmes que celles des autres franchises Marvel de l'époque et que certains mécanismes soient dupliqués à l'envi, ces épisodes, malgré tout, parviennent à offrir un super-héros à la caractérisation rafraîchissante.

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz
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3 commentaires:

  1. J'ai du mal à croire au dessin ornant la couverture, tellement il est trompeur sur le contenu !!!

    Le panthéon scandinave est peu exploité. - L'impression que j'ai retenu des commentaires que j'ai pu lire est que c'est Jack Kirby qui a développé la dimension mythologique par le biais des récits courts Tales of Asgard. Je n'ai jamais lu ces derniers, mais ils sont souvent cités comme exemple de Kirby porté par son inspiration.

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    1. C'est la couverture de la première (et seule à ce jour ?) réédition ; il me semble qu'elle est signée Olivier Coipel. Je ne sais pas pourquoi Panini Comics France a souhaité rééditer les premiers tomes de ses intégrales (et seulement les premiers tomes) avec une couverture différente de l'édition originale. Ça a été le cas avec les Vengeurs, Spider-Man, les Quatre Fantastiques, les X-Men, et Captain America. Enfin, ils ne sont pas à une incohérence éditoriale près, tu me diras.

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    2. Oui, j'avais bien reconnu un dessin d'Olivier Coipel, ce qui me semble trompeur pour des histoires datant de 1962-1964. Il y a longtemps que j'ai cessé la lecture en VF, donc je n'ai pas d'avis sur Panini France. Mais même en VO, il arrive que des séries ne se terminent pas ou ne soient pas entièrement rééditées en recueil (j'ai quelques exemples frustrants en tête).

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