"Un grand bourgogne oublié" est un ouvrage de bande dessinée, paru en septembre 2014 dans la collection Grand Angle de la maison Bamboo Édition. Cet album (format 22,0 × 30,0 cm) à la couverture cartonnée comprend un récit complet de quatre-vingt-treize planches en noir et blanc avec des nuances de gris, auxquelles s'ajoutent huit pages de bonus qui présentent les personnages et lieux-clés et revient sur la genèse de ce projet.
"Un grand bourgogne oublié" a été réalisé par Emmanuel Guillot, Hervé Richez et Boris Guilloteau. Guillot est le propriétaire du domaine Guillot-Broux à Cruzille, épicentre de l'histoire ; le Nordiste Richez a écrit le scénario ; le Tourangeau Guilloteau a produit les illustrations (dessin, encrage, un peu de couleur).
Après avoir stationné sa fourgonnette devant une imposante bâtisse, Emmanuel Guillot en décharge cinq bouteilles de vin. Il est invité par ses amis Christophe et Françoise ; accueilli par Christophe depuis le perron, Manu le félicite pour son "nouveau palais". Lorsque son hôte lui demande ce qu'il a apporté, Manu montre sa "production maison", même s'il sait que Christophe aime le vin comme lui le phylloxéra. Il pénètre dans le salon, une pièce rustique, avec des poutres apparentes au plafond et une cheminée massive. Accrochés au mur, des trophées de chasse lui rappellent le film "Greystoke" ; Christophe et Françoise ont dû payer cet endroit une fortune ! Christophe dément. Françoise, installée dans un fauteuil, l'informe que ce pavillon de chasse appartenait à André Purtzman, un riche industriel "un peu volage". Manu coupe court à l'explication ; ses amis se sont offert une garçonnière. Françoise acquiesce et ajoute que la famille Purtzman avait honte de ce personnage encombrant, et qu'elle a vendu le pavillon "sans même le visiter" ! Manu, qui transpire, se plaint du poids des bouteilles, qu'il porte toujours dans ses bras, et demande à Christophe s'il dispose d'une cave...
"Un grand bourgogne oublié" est l'histoire d'une double quête. Il y a tout d'abord celle du sol, du territoire ; Manu Guillot, le protagoniste principal, cherche à acquérir un domaine qu'il convoite depuis longtemps, et qu'il loue depuis des années. Les auteurs évoquent les organismes à l'œuvre dans ce type de situation, les puissantes et pourtant méconnues Safer, les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural. Guillot et Richez mettent en scène les conflits de personnalités et de familles qui peuvent envenimer de tels dossiers, et ainsi finir par empêcher la concrétisation de projets, et donc la réalisation de rêves. L'élément aurait pu être approfondi. Il y a ensuite la bouteille, une belle inconnue qui ravit les palais. Guillot et Richez n'insufflent pas suffisamment de cadence, de tension, de suspense autour de ce vin et ne retranscrivent pas assez l'obsession intérieure qu'il engendre. Malgré des idées intéressantes et des encarts pédagogiques à la fois inattendus et trop clairsemés (sur les vignes franches de pied, l'égrappage), "Un grand bourgogne oublié" échoue à captiver sans réserve ; il ne s'agit ni d'un drame ni d'une comédie, en dépit d'éléments humoristiques très nombreux. L'enquête manque de rythme et d'un enjeu plus marquant - sans doute parce qu'elle semble être l'affaire et la fixation d'un seul homme avant tout - même si ses amis le suivent dans cette quête. Les dialogues reflètent une bonne humeur permanente, et sont criblés d'anglicismes puérils qui finissent par agacer. Avec cet entrain continu et ces réactions caricaturales, les caractérisations sont victimes de maniérisme au détriment du développement des personnalités des protagonistes. Au fond, Guillot et Richez donnent l'impression d'avoir voulu composer une "bande dessinée de copains". Pour la partie graphique, Guilloteau déploie un trait semi-réaliste qui insiste sur l'expressivité pour renforcer l'aspect comique. Cette façon dont il traduit la claque gustative que subit Manu en découvrant ce vin est une trouvaille remarquable : une corne d'abondance, dans un soleil levant, avec une multitude de fruits, de fleurs, de feuilles, d'oiseaux et d'insectes, menée par deux angelots jouant de la trompette, dans des tons rosés. Ce thème revient dès que les l'exercice se répète. Le découpage est limpide, et le quadrillage est standard, mais l'illustrateur varie les dimensions des cases. Le niveau de détail est très satisfaisant.
"Un grand bourgogne oublié" se lit sans déplaisir malgré ses défauts (manque de tension et de rythme, caractérisations convenues, linéarité marquée). Il y a de bonnes idées, mais le scénario ne captive pas et ne suscite pas l'enthousiasme sans réserve.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
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J'ai bien sûr noté le succès du manga Les gouttes de dieu, même si je n'en ai pas lu un seul tome. J'ai vaguement eu conscience de la flopée de séries françaises qui ont suivi : In vino veritas, Château Bordeaux, Clos de Bourgogne, Bodegas, Vinifera, etc. Sans oublier Les ignorants, d'Etienne Davodeau (que je n'ai pas lu non plus).
RépondreSupprimerJe découvre donc complètement cette BD dont ton commentaire donne l'impression d'être un peu éparpillée, d'avoir voulu couvrir trop de dimensions, de la comédie aux passages pédagogiques, et à force qui trop embrasse mal étreint. Enfin, je dois avouer n'éprouver aucun intérêt pour l’œnologie alors que mon grand-père paternel fut un viticulteur.
Ben comme ça, tout est dit.
SupprimerJe me suis longtemps intéressé aux "Gouttes de Dieu". Cela dit, quarante-quatre tomes (je crois) dans un format auquel je ne suis pas habitué du tout (voire auquel je suis réticent) et surtout en noir et blanc... j'ai fini par passer et me dire que je trouverais des histoires aussi intéressantes côté français.
L'équipe qui a commis cet album en a réalisé un autre, "Quand viennent les cicadelles..." ; pas une suite à proprement parler, mais qui se déroule en Bourgogne aussi. Je crois d'ailleurs qu'il y a des personnages communs d'un scénario à l'autre.