dimanche 27 septembre 2020

Geoff Johns présente Green Lantern (tome 0) : "Origines secrètes" (Urban Comics ; avril 2015)

Publié en avril 2015 dans la collection "DC Signatures" d'Urban Comics, "Origines secrètes" est le dernier de la série de huit volets consacrée au passage du scénariste Geoff Johns sur l'univers Green Lantern, et qui s'arrête donc au numéro sept. C'est un livre au format 17,5 × 26,5 centimètres et à la couverture cartonnée. Ce recueil d'environ cent soixante-dix planches comprend la version française de "Green Lantern: Secret Origin" #29-35 (volume 4), un récit complet en sept numéros tous sortis, en VO, entre mai et novembre 2008. C'est la première édition qui fait l'objet de ce billet. À partir de novembre 2016, cette série a été rééditée en un nombre réduit de tomes : cinq au total, mais ils sont plus denses. 
Johns imagine donc le scénario de cet arc en sept parties. Auteur incontournable de DC Comics lors de la dernière décennie, il se concentre aujourd'hui sur l'écriture pour le cinéma et la télévision. Le Brésilien Ivan Reis a dessiné les sept numéros ; lui et Johns ont collaboré sur plusieurs titres, notamment "Aquaman", ou encore "Justice League". Oclair Albert et Julio Ferreira se divisent la tâche d'encrage. Randy Mayor, enfin, produit la mise en couleurs. 

Tandis qu'il endosse l'uniforme de Green Lantern et charge son anneau à l'aide de la batterie, Hal Jordan se rappelle son enfance. Les retards en classe, les cours séchés, et les journées d'école buissonnière afin d'aller voir voler son père sur les avions de Ferris, les matins. Le blouson que son père lui a laissé avant de décoller, qu'il tient fièrement dans les bras. Le partage du déjeuner avec lui, dans l'habitacle : du rôti de bœuf au raifort, préparé par sa mère. Sa première rencontre avec la petite Carol Ferris. Jusqu'au jour où la sortie aérienne tourne à la tragédie : un joint SPI défectueux et l'huile qui fuit, alors que l'appareil venait d'être révisé. L'ordre de Carl Ferris de continuer la démonstration, car les investisseurs y assistent. L'aéronef qui s'écrase, emportant son pilote Martin Jordan dans une explosion sous le regard d'un Hal pétrifié... 

Quoi de plus normal pour Johns que de refondre les origines d'un personnage dont il aura contribué à refaçonner l'univers ? Le scénariste vedette propose une relecture du mythe en sept numéros, et produit une histoire complète suffisamment universelle pour convaincre les amateurs de longue date et s'adresser aux néophytes avec la clarté que cela exige. Johns réutilise les composants classiques du "Showcase" #22 (octobre 1959), dans lequel le scénariste John Broome (1913-1999) et le dessinateur Gil Kane (1926-2000) créèrent le personnage du Green Lantern Hal Jordan. Les lecteurs s'attendent évidemment à que ces origines soient plus détaillées que celles des héros créés sous l'Âge d'or ou d'argent, souvent sommaires. Johns répond avec professionnalisme à un cahier des charges dont l'objectif est de connecter le personnage aux nouvelles générations de lecteurs. Ici, la famille Jordan, si elle n'est pas dysfonctionnelle, est divisée par le schisme engendré par la profession de pilote d'essai du père, Martin, idolâtré par Hal, avec, de l'autre côté, la mère, Jessica, et les deux autres fils, Jack et James (Jim), dont il est évident qu'ils n'échapperont pas au moule conventionnel pour lequel Hal n'est pas fait. "Green Lantern" apparaît là comme un titre où le concept de famille, au sens élargi du terme, occupe une place centrale ; outre le lien certain avec l'esprit du Green Lantern Corps, Sinestro, en dépit d'un rapport teinté à la fois de défiance, de rivalité et de respect mutuel, ne joue-t-il pas en partie le rôle de mentor laissé vacant par Martin, le père ? Malgré l'impureté jaune et la réglementation des émotions par les Gardiens, deux éléments terriblement infantiles de la franchise, et bien que les scènes sentimentales manquent de sincérité, cet arc de super-héros fraîchement adoubé, classique spectaculaire, rythmé et équilibré est une réussite scénaristique, que le travail de Reis sur la partie graphique vient soutenir. Le Brésilien, dont Johns a affirmé que son trait ressemblait à "une combinaison de ceux d'Alan Davis et de Neal Adams", présente un style réaliste - en dépit d'un aspect musculeux -, servi par des compositions énergiques et pleines de mouvement, mais l'émotion n'est pas un point fort. Les arrière-plans sont optimisés. 
Comme dans les volumes précédents, la traduction a été réalisée par Edmond Tourriol, du studio MAKMA. Elle est très satisfaisante, ce qui n'est pas si fréquent dans ce milieu. Tourriol, bien qu'une faute de ponctuation ait été relevée, a soigné le texte. 

Malgré quelques faiblesses, qu'elles soient historiques, c'est-à-dire inhérentes à la franchise, ou dues aux dessins de Reis, "Origines secrètes" est une lecture qui suscite plaisir et enthousiasme : peut-être l'apogée du travail de Johns sur "Green Lantern"

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. Geoff Johns auteur incontournable de DC Comics lors de la dernière décennie : tellement vrai, j'ai quasiment un réflexe de type pavlovien quand je vois un comics avec son nom en couverture qui déclenche une impulsion d'achat irrépressible.

    Deux éléments terriblement infantiles de la franchise : oui, c'est vrai, dans le même temps le principe même de superpouvoir est infantile. Du coup, ça ne me dérange pas, voire ça fait partie intégrante de mon plaisir de lecture.

    Une combinaison de ceux d'Alan Davis et de Neal Adams : exactement mon ressenti.

    Pour moi, Geoff Johns raconte une histoire (que je croyais déjà connaître) palpitante qui présente un équilibre parfait entre action, superhéros, humour, mythologie des Green Lantern (le secteur 666 n'est pas oublié) et psychologie des personnages. Hal Jordan est une personne qui est en colère. C'est une preuve du talent de Johns que de me montrer comment se manifeste cette colère de manière différente en fonction de l'interlocuteur.

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    1. J'ai la réaction inverse en voyant le nom de Johns. J'ai plus de respect pour son travail que pour celui de Snyder, mais je frôle l'overdose, surtout à cause des séries de la collection "DC Signatures" d'Urban Comics.

      Ce qui me désole au sujet de cette impureté jaune, c'est qu'aucun auteur ne l'a laissée de côté depuis la création du personnage - sauf erreur de ma part. C'est tellement bête, ce truc, sachant qu'il y a forcément du jaune dans le vert.

      Intéressant, ton point sur la colère d'Hal Jordan. Je l'ai toujours perçu comme une grande gueule bravache, l'archétype du mâle américain du Midwest fort en gueule, individualiste, et irresponsable. Green Arrow en colère : oui, ça passe. Green Lantern en colère : pour moi ça manque d'authenticité, Johns ou pas.

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