mardi 20 octobre 2020

Monster (tome 1) : "Herr Doktor Tenma" (Kana ; octobre 2001)

Sorti chez Kana en octobre 2001, dans sa collection Big Kana, "Herr Doktor Tenma" est le premier tome de la version française du manga "seinen" "Monster". C'est un ouvrage format 12,8 × 18,0 cm à couverture flexible de deux cent quatorze planches en noir et blanc, qui se lit de droite à gauche. Au Japon, "Monster" fut prépublié en magazine de 1994 à 2001, avant d'être édité en volumes reliés de 1995 à 2002. En France, "Monster" est sorti en dix-huit volets entre 2001 et 2005, réédités, entre 2010 et 2012, en une intégrale en neuf recueils, de deux tomes chacun. 
"Herr Doktor Tenma" a été entièrement réalisé (scénario, illustrations et encrage) par le Tokyoïte Naoki Urasawa. Urasawa est également connu pour "Yawara !" ainsi que "20th Century Boys"

République fédérale d'Allemagne, Düsseldorf, Eisler Memorial Hospital, 1986. Le docteur Kenzo Tenma et ses collègues sortent de la salle d'opération nº1. Ils le félicitent pour cette opération magnifiquement réussie, sa dextérité, la pose rapide d'un clip pour anévrisme cérébral et son habileté remarquable. Ils échangent des poignées de mains. Tenma les remercie et ajoute que chacun a fait de son mieux. Un chirurgien souligne l'aide précieuse que le Japonais a apportée au service de neurochirurgie et aux urgences. Tenma est soudainement ébloui par la lumière du jour, qui passe par une fenêtre ; ils ont commencé l'opération au milieu de la nuit et elle a duré plus de six heures. Il n'y a aucune admission externe, aujourd'hui ; Tenma pourra se reposer tranquillement. C'est alors qu'il aperçoit une famille d'origine turque, assise sur un banc, dans le couloir : une dame âgée, son époux, et un garçonnet, sans doute leur petit-fils. La femme est en larmes. Tenma questionne l'infirmière : un travailleur turc n'a-t-il pas été admis au même moment ? La jeune femme répond par l'affirmative. Oui ; c'est le docteur Becker qui l'a opéré. Cela a malheureusement été un échec et le patient est décédé... 

"Herr Doktor Tenma" n'est que le premier d'une série de dix-huit tomes, mais Urasawa accomplit le tour de force d'accrocher le lecteur dès sa première page. La trame est pourtant classique : la descente aux enfers d'un modèle de réussite sociale et professionnelle, qui paiera doublement une décision prise pour rester en accord avec ses valeurs. Issue d'une famille de petits médecins de province au Japon, Kenzo Tenma est un jeune chirurgien singulièrement brillant à qui tout sourit sur le plan privé autant que sur le plan professionnel. Si certains de ses collègues en ressentent de l'amertume - néanmoins sans malveillance, les autres n'éprouvent qu'admiration pour le talent du Nippon. Malheureusement pour lui, ses intérêts privés et professionnels se confondent un peu trop ; et à force de s'approcher du soleil, le virtuose se brûle les ailes. À la suite d'un choix qui change tout, il réalise qu'il a ouvert une boîte de Pandore ; sa chute de piédestal s'accompagne d'une réflexion sur l'éthique médicale (dans un hôpital où règne le cynisme) et sur le désir doublée d'une dimension sociale. Les lecteurs s'attachent immédiatement au personnage du docteur Tenma et leur sympathie pour ce médecin qui décide de mettre ses ambitions de côté au profit de son humanité et qui éprouve une forme d'amour pour ses patients est instantanée. La narration est globalement linéaire ; Urasawa s'affranchit de son poids par des chapitres courts, au séquençage cinématographique. L'atmosphère est nourrie par une tension sinistre tapie dans l'ombre, quel que soit le cadre. Urasawa démontre un talent supérieur dans la conception des seconds rôles, d'une indéniable substance. Les dialogues sont naturels. L'auteur utilise abondamment le vocabulaire de la chirurgie. Graphiquement, Urasawa ne s'éloigne guère des canons du manga : les enfants, le héros et les jeunes femmes expriment une beauté et une grâce idéalisées, tandis que les physionomies d'autres personnages - avec leur nez protubérant ou leur double menton, par exemple - s'approchent de la caricature sans franchir la limite, ce qui leur permet de conserver une touche de réalisme. Le niveau de détail des décors et des véhicules est formidable. Les phylactères avec onomatopées sont omniprésents. 
La traduction a été confiée à Thibaud Desbief. Si en évaluer la qualité est impossible pour quiconque ne lisant pas le japonais, il est évident que son texte est soigné : ni faute ni coquille. Il semble que certains termes techniques utilisés n'existent pas. 

Ce premier numéro pourra engendrer une addiction immédiate ; il se caractérise par une intrigue passionnante, une narration parfaitement maîtrisée, une abondance de seconds rôles particulièrement aboutis, et un travail remarquable sur les décors. 

Mon verdict : ★★★★★

Barbüz
Les BD de Barbüz : sur Facebook - sur Twitter

4 commentaires:

  1. Quel plaisir de retrouver ainsi cette série. J'avais commencé à la lire totalement fasciné, mais aussi frustré de devoir attendre autant de temps entre chaque tome. Du coup, je l'avais mise en pause le temps d'avoir tous les tomes... et je n'en ai jamais repris la lecture. Mon fils a également attrapé le virus et a dévoré Pluto, puis Billy Bat.

    En lisant ton commentaire, je me suis souvenu des physionomies des personnages, et comme tu le dis du niveau de détail formidable pour les décors et les véhicules. Même en sachant que le mangaka doit tuer à la tâche de nombreuses petites mains anonymes, l'intégration entre les personnages et les environnements se fait parfaitement sans solution de continuité, avec un goût de BD francobelge ligne claire extraordinaire pour une telle pagination.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai commencé "Monster" sur la suggestion d'une amie de ma femme. Mon premier manga depuis les premiers numéros de "Lone Wolf & Cub", série que je n'ai pas continuée.

      Supprimer
  2. Tu ne vas pas être déçu et c'est une excellente suggestion que l'on t'a faite. Urasawa est un manga de génie et Monster est l'une de ses plus grandes œuvres. L'intrigue nous prend et nous entraîne jusqu'au dénouement grandiose !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, ô, inconnu de passage. Pour tout dire, j'ai avalé le second tome dans la foulée du premier. Ça me permet aussi de faire une pause dans mes lectures de comics et de BD européenne.

      Supprimer