vendredi 23 octobre 2020

Blueberry (tome 24) : "Mister Blueberry" (Dargaud ; novembre 1995)

"Mister Blueberry" est le vingt-quatrième tome de "Blueberry". Il est sorti aux éditions Dargaud en novembre 1995. C'est un album au format 22,5 × 30,0 centimètres et à couverture cartonnée de quarante-six planches. À l'origine, "Blueberry" avait changé de titre encore une fois, pour "Mister Blueberry". Pour finir, Dargaud intégra cet épisode et les quatre suivants dans la série "classique", qui compte désormais vingt-huit numéros. 
"Blueberry" est une série lancée par le scénariste belge Jean-Michel Charlier (1924-1989) et l'illustrateur français Jean "Gir" Giraud (1938-2012). Depuis le décès de Charlier, Giraud préside dorénavant seul aux destinées du titre. C'est là son premier volume réalisé en solo en tant que scénariste même s'il en produit également la partie graphique (les dessins et l'encrage). Enfin, c'est Florence Breton qui a composé la mise en couleur. 

À l'issue du tome précédent, Blueberry se contente de la moitié de son magot de 150 000 $ ; en bon prince, il laisse l'autre moitié à Chihuahua Pearl, mais elle repart avec Duke Stanton. 
Tucson, juillet 1881. Le train en provenance de Denver entre en gare : à son bord, l'écrivain John Meredith Campbell et son secrétaire Billy. Si ce dernier se plaint des conditions de voyage, Campbell semble plutôt amusé à la pensée des deux jours de diligence pour Tombstone et de la traversée d'une contrée sauvage, où ils rencontreront certainement des hors-la-loi ou des Peaux-Rouges. Un homme soigné les accueille sur le quai : Tom Dorsey, directeur du Tombstone Epitaph. Il a été chargé d'organiser la partie finale du périple. Il leur annonce qu'un chariot les attend ; devant la grimace de Campbell, tourmenté à l'idée de continuer dans un véhicule aussi rudimentaire, Dorsey l'informe que la ligne de la Wells Fargo a été "suspendue". Billy attire alors son attention sur un type tout habillé de noir... 

Cycle ultime - à ce jour-, celui de "Mister Blueberry" comprend cinq tomes dont celui-ci est le premier. Premier constat : le temps, depuis "Arizona Love", s'est écoulé. Neuf années ont passé ; l'action se déroule sur quelques jours de juillet 1881. Giraud, pour le cadre de son album, a choisi la ville de Tombstone dans l'Arizona, rendue célèbre par la fusillade de l'OK Corral. Aux côtés de Blueberry, les lecteurs retrouvent donc d'authentiques légendes de l'Ouest, les frères Earp - Virgil et Wyatt - et Doc Holliday. L'auteur a néanmoins pris quelques libertés avec l'histoire (ainsi qu'avec la taille des moustaches, semble-t-il...) ; Virgil et Wyatt ont eu plusieurs frères, mais aucun ne se prénommait Simon - sauf erreur. Quoi qu'il en soit, le propos de Gir est évident : Blueberry est un monstre sacré, au moins autant que les précités. Comme si cela ne suffisait pas, le point de départ est le voyage d'un écrivain venu de Boston pour coucher sur papier la saga de notre ex-lieutenant de cavalerie, déjà poétisée par l'ex-première dame elle-même. Le scénario, surprenant et plus complexe qu'il n'y paraît, se décline en trois pistes : le projet de vengeance des Boone père et fils ; la question indienne, qui a toujours été centrale dans la série, ici sous-jacente, et dont il ne fait nul doute qu'elle va prendre de l'ampleur ; et l'affrontement entre les Earp et les Clanton. À ces trois fils conducteurs s'ajoutent un prétexte - le livre de Campbell - et un début de romance. La caractérisation de Blueberry évolue, mais le personnage est fidèle à lui-même. S'il n'a perdu ni son humour pince-sans-rire ni son flegme, il semble avoir gagné en sérénité ; il paraît plus prudent, plus sage. Assez étonnamment, il n'est ici qu'un témoin passif qui passe toute l'histoire assis à sa table de jeu, dont il ne se lève qu'au dénouement. La partie graphique est absolument réjouissante. Oui, il faut louer le sens de la composition, le niveau de détail très satisfaisant (malgré des cases remplies de figurants), les paysages, les cadrages, mais sans oublier que Giraud a un don pour créer des physionomies incroyables, et qu'il ne lui faut que quelques coups de crayon pour réussir à donner du relief aux visages. En revanche, la manie très agaçante des phylactères en gouttière - une technique qui permet de libérer de l'espace dans les vignettes - rend la lecture compliquée, et il faudra s'y reprendre à plusieurs reprises avant de déchiffrer une bande correctement. Breton, la coloriste, effectue là un travail absolument admirable : planche 29, les lecteurs auront l'impression d'assister à ce ravissant lever de soleil sur les mesas. 

"Mister Blueberry" est un tome convaincant ; Blueberry a encore quelque chose à dire, bien que d'aucuns trouveront que Giraud fasse preuve de facilité en raccrochant la saga à celles des légendes de l'Ouest ; pour garantir l'immortalité du personnage ? 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Dois-je en conclure que tu vas lire les 5 tomes de ce cycle ?

    Blueberry n'est ici qu'un témoin passif qui passe toute l'histoire assis à sa table de jeu : c'est culotté de la part de l'auteur de mettre son héros dans ce rôle passif.

    La partie graphique est absolument réjouissante. - Cela veut-il dire que tu trouves aussi que Jean Giraud a continué à évoluer, à progresser, par comparaison avec André Juillard ?

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    1. Bonne conclusion, oui. Et après, je tirerai ma révérence à cette série incontournable dont j'aurai chroniqué les vingt-huit tomes avec passion. Mais nous n'en sommes pas encore là !
      Je trouve effectivement que Giraud continue à progresser et que son style acquiert de plus en plus d'identité, de personnalité.
      Je mets Charlier sur un piédestal ; c'est pour moi l'un des plus grands conteurs francophones de la seconde moitié du vingtième siècle ; du coup, je suis presque embêté de reconnaître que Giraud s'en sort plus que bien au scénario, et bien embarrassé d'avouer que Charlier ne m'a pas manqué.

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