mercredi 25 novembre 2020

Black Panther : "Le monde va disparaître !" (Panini Comics ; janvier 2018)

"Le monde va disparaître !" est un recueil de bande dessinée publié en janvier 2018 dans la collection "Marvel Vintage" de Panini Comics France. Cet ouvrage au format 17,5 × 26,5 centimètres et à la couverture cartonnée d'environ deux cent trente pages en couleur (sans inclure les deux planches de crayonnés en bonus) consacré au personnage de la Panthère noire ("Black Panther" en VO) compile les versions françaises des premiers numéros de la série éponyme bimestrielle créée pour le personnage : les "Black Panther" #1-13, sortis, en VO, entre janvier 1977 et janvier 1979. 
Le scénario est écrit par l'iconique Jack Kirby (1917-1994). Kirby réalise les dessins. Son travail est encré par Mike Royer, l'un des encreurs les plus emblématiques de Kirby. Kirby et Royer avaient déjà collaboré, sur "Le Quatrième monde", "OMAC", "Kamandi", sans oublier "Le Démon". À la suite du départ de Kirby, le #13 est produit par une nouvelle équipe : Jim Shooter et Ed Hannigan à l'écriture, Jerry Bingham aux illustrations et Gene Day à l'encrage. La mise en couleur est répartie entre Dave Hunt (1942-2017), Petra Goldberg, Irene Vartanoff, Glynis Wein, Roger Slifer (1954-2015) ainsi que George Roussos (1915-2000) - ici, il œuvre aussi sous son pseudonyme Sam Kato - et la Française Françoise Mouly

La Panthère noire et Abner Little pénètrent dans le salon d'Alfred Queely, un collectionneur qui vit en reclus, et le trouvent mort dans un fauteuil, l'air hagard, un bibelot en forme de grenouille dans la main droite. Tout autour d'eux, c'est le capharnaüm ; il y a là des traces de lutte. Désordonnée, la pièce est sens dessus dessous : meubles cassés, renversés, etc. La Panthère noire note que Queely semble avoir été frappé à la poitrine de la lame d'une épée. Little, qui affiche une compassion minimale, s'empresse de s'emparer de cette grenouille. Ils ne se sont pas aperçus que derrière un pan de mur se cache un guerrier vêtu d'une étrange armure et armé d'une épée : il surveille les impromptus visiteurs... 

En 1976, Kirby revient chez Marvel pour un contrat de trois ans. Parmi les titres qui lui seront confiés, "Black Panther", qui voit ainsi naître sa propre série. Le "King" en produira les douze premiers numéros. Le bimestriel ne survivra pas longtemps à son second départ de Marvel, et sera annulé à l'issue du #15. Au sommaire, quatre arcs qui s'enchaînent directement en un fil narratif continu : la grenouille du roi Salomon (quatre chapitres), l'eau sacrée (trois), Jakarra (trois) et Kiber le cruel (trois). Ces histoires, comme l'explique l'introduction, n'ont pas grand-chose avec le type de récit propre à Marvel, surtout le premier. T'Challa y est le jouet de collectionneurs qui rivalisent pour s'emparer d'un bibelot magique et se procurer une fiole d'eau de jouvence. Il est probable qu'il s'agisse d'une analogie avec les dégâts de la colonisation, les collectionneurs - dépeints comme des prédateurs puérils - pouvant être assimilés à des nations désireuses de s'approprier les ressources ou trésors d'autres contrées juste pour assouvir leurs besoins et leurs envies, sans s'inquiéter des répercussions de leurs actes ou projets. T'Challa apparaît ici comme un combattant extraordinaire particulièrement résistant et comme un héros serviable et de bonne volonté, qui garde toujours son calme et ne cède jamais à la colère, mais qui est - curieusement - souvent ingénu ; Kirby en fait un Ulysse loin de son pays et de ses responsabilités, qui devra surmonter maints obstacles avant de retrouver le chemin de son foyer. Son scénario est rythmé par une action ininterrompue au détriment du réalisme. Si les temps morts sont évités, la cadence pourra lasser. Ensuite, bien que l'auteur insuffle un peu d'humour avec Abner Little, il écarte émotion et romance. Enfin, il fournit de la substance à l'organisation politique du Wakanda. Lorsqu'il entame ces épisodes, le "King" a soixante ans. Son style carré, massif et puissant, emblématique d'une époque, n'appartient qu'à lui-même, même s'il se conjugue à tous les personnages. Il a la chance - ça n'a pas toujours été le cas - d'avoir en Royer un encreur hors pair (qui bénéficie, peut-être, du rythme bimestriel). La mise en couleur dans des tons vifs, chauds, contrastés parachève cette partie graphique d'une réussite époustouflante ! 
La traduction est signée Laurence Belingard. Elle est honorable, malgré quelque tournures perfectibles, une incohérence entre tutoiement et vouvoiement ainsi qu'une faute de mode (un conditionnel à la place d'un futur). La maquette est sans bavure. 

"Le monde va disparaître !" vaut davantage pour sa somptueuse partie graphique que pour la qualité des intrigues et de sa narration, mais il faut avouer que la somme se lit sans déplaisir. L'éditeur, enfin, aurait pu ajouter ici les deux numéros restants. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz 
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2 commentaires:

  1. Je partage entièrement tes constats, mais pas du tout ton ressenti. Je suis entièrement en ce qui concerne Mike Royer, vraiment un encreur extraordinaire pour respecter les traits de Kirby.

    Cette partie graphique d'une réussite époustouflante ! - Entièrement d'accord et d'ailleurs c'était tout ce que j'étais venu chercher.

    Pour les collectionneurs, j'y avais plus vu une allusion aux collectionneurs de comics, encore une projection de mes propres habitudes.

    Ton commentaire arrive à un moment où j'ai mis le prochain tome Epic Collection de Black Panther sur ma liste d'achats potentiels. En effet j'avais lu les épisodes 1 à 10 en noir & blanc dans la collection Essential, en 2012.

    Mon avis de l'époque - Jack Kirby s'empare du personnage, ne garde que quelques allusions aux Wakanda, son costume et ses mouvements de panthère, et il le projette dans une aventure à grand spectacle inspirée des pulps les plus débridés. L'imagination est au pouvoir, la science-fiction fait bon ménage avec les mythes et légendes et les civilisations disparues. Kirby invente une galerie de collectionneurs haut en couleurs : Mister Little, Pincess Zenda, le conte Andreas Zorba, le colonel Nigel Pigman et Silas Mourner. À peine cette histoire de grenouilles résolues dans le tombeau démesuré du Roi Salomon, que Black Panther se retrouve contraint et forcé de se mettre à la recherche de la fontaine de Jouvence. C'est reparti à la recherche d'une autre civilisation oubliée et de ses merveilles technologiques, pendant qu'au Wakanda le demi-frère de T'Challa usurpe le pouvoir. Impossible de résister à l'énergie déployée dans ces tribulations, à l'exotisme de cette anticipation décomplexée. Et derrière le mélange composite de légendes et de science-fiction, le lecteur retrouve quelques thèmes chers à Kirby, tels que l'importance du passé pour le temps présent, et l'hypothèse amusante d'anciennes civilisations disposant de technologies de pointe. Kirby en profite également pour mettre en scène les conséquences de l'obsession des collectionneurs pour qui la fin justifie les moyens. il ajoute une légère dose d'humour parodique en imaginant une version des 3 mousquetaires composée d'africains.

    Ces histoires sont d'autant plus savoureuses pour les jeunes lecteurs comme pour les anciens, que Kirby est dans une forme éblouissante pour les illustrations, avec un encrage en parfaite adéquation de Mike Royer. Tout le savoir faire de Kirby resplendit sur chaque page. On retrouve sa capacité surnaturelle à rendre une texture telle que la pierre ou le métal. Rien que les roches composent une étonnante mosaïque visuelle aussi bien minérale que flirtant avec l'abstraction. Il s'en donne à cœur joie pour donner forme aux technologies fantaisistes qui marient anticipation avec reliques archéologiques, avec une réussite exceptionnelle pour le magnifique chariot ailé. Les costumes des personnages dégagent un exotisme aussi artificiel qu'irrésistible, comme dans un film kitch et naïf. Kirby dépeint tout avec un premier degré entraînant, plein de mouvement, sans en devenir étourdissant.

    Pour ces épisodes, Jack Kirby utilise le personnage de Black Panther dans une aventure évoquant aussi bien Indiana Jones qu'une forme de récit fantastique où le merveilleux attend le lecteur au détour de chaque scène. Il mélange allègrement des éléments disparates pour en faire un récit cohérent qui réenchante le monde. À nouveau le lecteur peut croire que notre belle planète abrite de nombreux secrets aussi mystérieux qu'étonnants. Le lecteur s'émerveille devant les actions héroïques de Back Panther, plonge dans un monde fantasmagorique riche en surprises. Il découvre une société secrète de collectionneurs à la recherche de trésors mythiques. Il est subjugué par la capacité de ce créateur hors pair à faire du neuf à partir de mythes séculaires.

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    1. Effectivement, je vois que tu as trouvé à ces histoires beaucoup plus d'intérêt que moi. Je pense que j'étais loin de ton enthousiasme - encore plus à la lecture du #13, sans doute, qui n'est ni écrit ni illustré par Kirby.

      Cette interprétation à propos de la colonisation n'engage que moi, tu t'en doutes bien.

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