"Les Contes du septième souffle" est une série en quatre tomes parue chez Vents d'Ouest (maison Glénat) dans la collection "Équinoxe" de l'éditeur entre 2002 et 2006. Elle consiste en une adaptation et une transposition de quatre contes européens emblématiques - dans l'ordre "La Barbe bleue", "Blanche-Neige", "Pinocchio" et "Le Vaillant Petit Tailleur" - à l'époque d'Edo, au crépuscule du Japon féodal. "Aohige" en est le premier volet. C'est un album au format 24,0 × 32,0 cm et à la couverture cartonnée de quarante-six planches plus un carnet d'esquisses.
"Aohige" a été entièrement écrit par le Belge Éric Adam. Il est connu pour avoir scénarisé quelques recueils de "Lucky Luke", de "Rantanplan", et de "Marsupilami", et pour avoir coécrit "Le Triangle secret : Hertz". Les illustrations sont signées Hugues Micol. Le Parisien a travaillé sur "D'Artagnan !", déjà avec Adam. Il a été révélé par "Scalp", un "one-shot" pour lequel il s'est vu attribuer le prix Töpffer international 2017. Enfin, la mise en couleur est composée par Véronique Dorey, qui a collaboré avec : Frank Margerin, Nicolas de Crécy, Dupuy-Berberian, etc.
Quatre samouraïs déambulent dans Edo. Une foule compacte se presse à travers une artère importante ; de chaque côté de la rue, des estrades, des lampions, de grandes affiches bigarrées. L'un des compagnons exprime son amour de cette cité ; il ne s'en lasse pas. Il a l'impression qu'ici, tout est possible. Il sent qu'il pourrait y réaliser de grandes choses. Goguenard, l'un des camarades demande à quoi il pense exactement. L'autre répond qu'il n'a pas d'idée précise, "des choses extraordinaires, géantes, des exploits !" Son ami l'invite à commencer en leur offrant un gobelet de saké ; ils entrent alors dans une auberge dont l'intérieur est très sombre. Plusieurs groupes de clients, tous masculins, sont déjà installés, assis en tailleur à même le sol. L'aubergiste s'approche et le samouraï commande du saké...
Adam s'inspire donc librement de "La Barbe bleue" pour "Aohige", premier album de la série. Les lecteurs en retrouvent certains éléments-clés, les plus symboliques du conte, mais Adam en a modifié beaucoup de choses, à commencer par le cadre qu'il situe à l'époque d'Edo (de 1600 à 1868), qui marque le crépuscule du Japon féodal. Le personnage principal se nomme Toho Daisuke (le nom précède le prénom, à la japonaise). Adam en fait l'incarnation même du samouraï, courageux, voire intrépide, loyal, taraudé par l'honneur et capable de compassion. Daisuke a appris l'art du sabre à l'école de Hashiba Yukinari, un maître renommé qui fut lui-même le disciple de Tsukahara Bokuden. La mort de Toho Hideaki, son père, et le doute concernant l'honorabilité de celle-ci restent auréolés d'un mystère qu'Adam distille habilement afin d'entretenir l'intérêt des lecteurs pour un personnage qu'ils découvrent au fil des pages. En bon samouraï errant, Daisuke est solitaire ; il n'a pour unique famille qu'une sœur, Myoegi ; c'est elle qu'Adam emploie comme vecteur de l'aventure. Myoegi matérialise toute la différence avec le conte d'origine. Ici, il n'est point question d'une relecture sous l'angle de l'infidélité féminine ou de la tentation sexuelle ; d'ailleurs, dans "Aohige", ce n'est pas Myoegi qui est soumise à l'épreuve, mais bien son frère, Daisuke, qui semble prêt à renoncer à sa lucidité et à fermer les yeux pour retrouver l'honneur sous un autre nom de famille, ainsi qu'un père, au fond. Adam écrit une histoire captivante, émaillée de nombreuses séquences de combat, mais qui souffre d'un moment de faiblesse et de vulgarité dans le dialogue entre Aohige et Myoegi - ou ce monologue explicatif d'Aohige - à l'approche du dénouement. Certaines explications s'avèrent superflues ; l'auteur aurait dû faire preuve de plus d'élégance et de finesse. La partie graphique est surprenante. Micol a essayé de recréer l'ambiance des estampes de cette époque-là, quitte à produire un style figé qui rend difficile la transcription du mouvement ; une fois l'œil habitué, le récit n'en pâtit plus, d'autant que Micol a un sens de la composition qui sert à merveille un certain naturalisme. Son niveau de détail est satisfaisant : décors, armures, paysages ou encore objets de la vie quotidienne, etc. Son découpage est clair et son quadrillage sans fioriture ; l'artiste utilise souvent un gaufrier pour les combats. Quelques scènes à retenir : l'auberge, et cette superbe vue sur le fort, avec Daisuke en équilibre sur des rochers. La coloriste a choisi une palette de tons variée, mais appropriée à chaque situation.
"Aohige" inaugure une série sur le Japon féodal, caractérisée par une approche scénaristique originale et une partie graphique en hommage aux estampes. L'ouvrage se lit sans déplaisir malgré une maladresse de texte et un sens psychologique restreint.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
Je me souviens vaguement d'avoir lu au moins le premier tome il y a une quinzaine d'années. Je sait que Cyrille M, l'un des collaborateurs sur Bruce Lit, est un grand amateur de Hugues Micol. Je note l'histoire captivante, avec ce moment de vulgarité qui visiblement t'a fortement marqué.
RépondreSupprimerEn tant que lecteur, je ne peux pas m'empêcher d'avoir un a priori sur les bandes dessinées de sabre réalisées par un européen. Je me dis qu'un auteur japonais est plus légitime car il baigne déjà pour partie dans la même culture.
C'est ce que je recherchais, justement : une bande dessinée de sabre réalisée par un Européen, pour ne pas avoir à lire un manga. Dans un registre proche, j'ai fait l'acquisition du premier numéro de "La Voie du sabre", adapté de la saga de Thomas Day.
SupprimerCela dit, j'ai réussi à mettre la main sur quelques tomes de "Lone Wolf & Cub" ; j'y reviendrai dès que possible.