"Tif et Tondu" est une bande dessinée lancée en 1938 par le Belge Fernand Dineur (1904-1956) ; son historique de publication est compliqué, la numérotation des tomes évoluant avec le temps. Si, au début, Dineur cumule les postes de scénariste et de dessinateur, cela changera à l'arrivée de Willy Maltaite, alias Will (1927-2000), qui en deviendra l'illustrateur, en 1949. Dineur quitte le titre en 1951 ; il est remplacé par Henri Gillain alias Luc Bermar (1913-1999) et par Albert Desprechins (1927-1992), avant que Maurice Rosy s'installe jusqu'en 1969 ("Tif rebondit").
"Passez muscade" fut, en premier lieu, publié dans le périodique "Spirou" : du nº942 du 3 mai 1956 au nº963 du 27 septembre 1956. Puis Dupuis le rééditera en janvier 1958, sous la forme d'un album de quarante-quatre planches ; c'est le sixième tome de la seconde série classique. Rosy en écrit le scénario (c'est son troisième pour ce titre), Will en assure la partie graphique : le dessin, l'encrage, ainsi que - sauf erreur - la mise en couleur.
À l'issue du tome précédent, le comte Del Marco, devant Tif, Tondu et l'inspecteur Allumette, démasque Choc, qui se cachait sous l'identité du secrétaire particulier, Duchêne : il est arrêté.
Paris, par une belle journée de printemps. Depuis que monsieur Choc est incarcéré, Tif et Tondu sont devenus des célébrités, poursuivies par la presse et invitées à des galas, où le gratin s'agglutine autour d'eux pour les écouter raconter leurs exploits. Mais les deux camarades sont fatigués et leur santé commence à être éprouvée. Plus tard, dans leur salon, une bouillotte sur la tête, ils échafaudent des plans afin d'échapper à ces réceptions. La sonnette les interrompt. Tondu ouvre : des journalistes se bousculent sur le seuil pour recueillir leurs impressions ou les prendre en photo. Nos amis referment leur porte, préparent des bagages, récupèrent la voiture, et filent se mettre au vert...
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Troisième album depuis "La Main blanche" ; troisième épisode avec monsieur Choc. La difficulté, pour Rosy comme pour toute série avec un ennemi juré récurrent, est d'éviter l'écueil de la répétition. Rosy le fait en commençant son scénario avec une bombe : Choc s'est évadé et le visage sous lequel la presse l'avait rendu célèbre n'est pas le sien. L'auteur implique évidemment que la véritable identité de monsieur Choc ne sera jamais connue, le risque étant que le public se lasse le jour où le pot aux roses sera dévoilé. S'ensuit une série de péripéties rocambolesques lors desquelles Choc annonce le premier crime à l'avance - à la façon d'un Arsène Lupin ; cela résulte d'ailleurs en un authentique travail de détective de Tif, Tondu, et de l'inspecteur Allumette sur le lieu du forfait. Le lecteur apprécie l'idée d'être transporté de ville mythique en ville mythique, Paris, Venise, et New York. C'est dans cette dernière que se produit la majeure partie de l'action ; et, ainsi, si "La Main blanche" avait la côte ouest pour cadre, "Passez muscade" se déroule sur la côte est, ce qui achève d'offrir à Tif et Tondu une stature d'aventuriers internationaux. Cela dit, les attentes ne seront pas nécessairement comblées ; Will ne représente que quelques monuments ou décors parmi les plus emblématiques et ne livre que le strict minimum aux amateurs de dépaysement. La linéarité de la narration de Rosy est distincte, bien que les parallélismes entre Tif et Tondu et le gang de Choc permettent d'en limiter le poids. L'auteur cherche un peu la complication là où il n'y a pas lieu d'en avoir - en témoigne la séquence de la statuette du marquis Di Magglio, tirée par les cheveux au vu des efforts disproportionnés afin d'atteindre l'objectif fixé : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? De même, la conclusion, ou plutôt, l'élucidation du mystère de ces audacieux vols s'avère décidément déconcertante : le moins que l'on puisse dire est que Rosy ne s'embarrasse pas d'explications techniques. Quant au professeur Von Broum, inventeur de la technologie, rien n'est dévoilé à son sujet. Enfin, la partie graphique. Will est moins brillant et moins imaginatif dans les décors extérieurs que dans les scènes d'intérieur sans doute à cause du cadre, du quadrillage et de la densité élevée de cases par planche. La diversité du cadre local n'est pas suffisamment utilisée ; c'est dommage. Les séquences d'action sont dynamiques et le découpage demeure d'une clarté exemplaire. Les physionomies sont moins variées, moins travaillées que dans les autres histoires.
"Passez muscade" présente des qualités, mais Rosy malmène la vraisemblance, et son dénouement ressemble davantage à une pirouette qu'à une véritable explication. De quoi rester sur sa faim, d'autant que la partie graphique est limitée par le cadre.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
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Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Oui, les auteurs auraient tort d s'en priver, mais comme tu le dis il faut éviter l'écueil de la répétition. Mais d'une autre côté, en sen tenant à une formule bien établie, cela veut dire que le lecteur attend qu'elle soit reproduite avec la même qualité, et qu'il y ait en plus des surprises. De ce que tu en dis, le compte n'y est pas dans ce tome : ni pour le scénario, ni pour les dessins.
RépondreSupprimerSans transition : joyeux Noël.
Oui, cet album est en dessous des deux précédents.
SupprimerCela dit, je pense que le face-à-face entre Tif et Tondu et Choc n'y est pour rien. C'est plus dans le moyen qu'utilisent Choc et sa bande pour procéder à leurs cambriolages ; c'est un peu bateau et je m'attendais à quelque chose de plus fouillé. Et puis, encore une fois, on n'apprend rien sur le professeur Von Broum.
Quoi qu'il en soit, ça n'entame pas mon enthousiasme pour cette série.