"Crisis : Compagnon" (Urban Comics ; juin 2016)

Paru dans la collection "DC Essentiels" d'Urban Comics en juillet 2016, "Crisis : Compagnon", parfois "Crisis on Infinite Earths : Le Compagnon" , est un ouvrage format 19,0 × 28,5 cm, à couverture cartonnée, qui comprend environ quatre cent quatre-vingt-dix planches en couleurs. Il propose huit histoires complètes en version française. Au sommaire, les "Justice League of America" #21-22 d'août à septembre 1963, les 29-30 d'août à septembre 1964, le "The Flash" #179 de mai 1968, les "Justice League of America" #100-102 d'août à octobre 1972, les #107-108 d'octobre à novembre 1973, le "All-New Collectors' Edition" #C-58, de mai 1978, les "Justice League of America" #183-185 d'octobre à décembre 1980, et les #207-209 avec les "All-Star Squadron" #14-15 d'octobre à décembre 1982, qui constituent un récit intégral en cinq parties. 

Parmi ceux qui ont contribué à cet ouvrage, entre autres, Gardner Fox (1911-1986), Len Wein (1948-2017), Gerry Conway, ou Roy Thomas pour les scénaristes ; pour les dessinateurs, Mike Sekowsky (1923-1989), Ross Andru (1927-1993), Dick Dillin (1928-1980), George Pérez et Don Heck (1929-1995) ; Mike Esposito (1927-2010), Joe Giella, Dick Giordano (1932-2010), ou Jerry Ordway, pour les encreurs ; pour la mise en couleur, Adrienne Roy (1953-2010). 

Dans le sanctuaire secret de la Ligue de Justice d'Amérique ; ses membres de l'équipe se sont réunis en urgence. Batman préside l'assemblée, et expose la raison de leur présence : les Champions du Crime, à savoir Chronos, Felix Faust, et le docteur Alchimie, ont annoncé leur intention d'attaquer : la banque de Powers City, une épave de bateau et un fourgon blindé. Ils ont affirmé qu'ils perpétreraient leurs méfaits au nez et à la barbe de la Ligue. Le Limier martien se joint à Aquaman et Atom afin d'affronter Felix Faust. Batman, Wonder Woman et Green Lantern s'occupent de Chronos, dit le voleur de temps. Enfin, Superman, Flash et Green Arrow se chargent du docteur Alchimie et sa pierre philosophale... 

Terre-1, Terre-2, Terre-3, Terre-Prime, Terre-S, Terre-X, ou encore Néo-Genesis et Apokolips. Ce "Crisis : Compagnon" propose un petit tour du multivers en un chapelet d'arcs tous construits sur un fonds commun. Dans un monde où les terres parallèles sont développées à l'infini comme autant de réalités alternatives, les superhéros de l'une d'entre elles (souvent Terre-1 ou 2) traversent une membrane dimensionnelle pour se rendre sur une autre, sur invitation ou à la suite d'un incident. La plupart du temps, cela amène un quiproquo qui les pousse à affronter d'abord les champions locaux de la justice, avant que les membres de chaque équipe soient dessillés et que tous décident de s'allier contre le véritable ennemi, dictateur capable de voyager dans le temps et d'en modifier le cours, super-vilains, créature cosmique ou Darkseid lui-même ; les lecteurs ont un peu l'impression de suivre une série d'arcs construits sur un thème narratif qui se répète à l'envi. Si DC Comics a justifié les incohérences temporelles de son univers grâce à la multiplicité des mondes parallèles, celle-ci y aura également apporté une complexité sans pareil, qui a résulté en une succession sans fin d'événements éditoriaux s'annulant les uns les autres donnant du grain à moudre, en même temps, à toutes les générations d'auteurs - pour le meilleur et pour le pire - et leur permettant de faire revenir des superhéros condamnés à rester dans la naphtaline devant lutter pour que cet univers conserve son équilibre si souvent menacé. Dans cet ensemble de récits très moyens, tout est investi dans le concept et l'action et aucune place n'est laissée à la mise en valeur des caractérisations ou à l'exploration des psychés des protagonistes, qui s'affrontent dans un manichéisme convenu. Le triptyque Néo-Genesis/Apokolips représente le sommet du recueil. 

Les dessins sont globalement d'une qualité très satisfaisante pour peu que le lecteur apprécie le style ouvertement "camp" des numéros de "Justice League of America" de l'âge d'argent, signés par Sekowsky. Les autres épisodes se caractérisent par ce style de l'âge de bronze, plus réaliste, plus classique, et plus intemporel ; c'est aussi l'occasion de revenir sur les tout premiers "Justice League of America" de Pérez (de 1980), qui devint le dessinateur régulier du titre à la suite du décès de Dillin. 

Jean-Marc Lainé effectue une traduction honorable. Il y a néanmoins un beau contresens : dans "Crisis Between Two Earths", "Red" signifie "Rouquine", et non "Rouge". Enfin, pour "Mobius Chair", "le trône de Moebius" est préférable au "trône Moebius". 

Lassante à force de proposer des intrigues répétitives et des personnages transparents, cette compilation - malgré quelques moments inspirés - a sans doute des vertus pédagogiques, qui ne seront confirmées qu'à la lecture de "Crisis on Infinite Earths". 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz