mercredi 30 juin 2021

Batman et Robin (tome 5) : "La Brûlure" (Urban Comics ; août 2016)

Publié chez Urban Comics le 26 août 2016, dans la collection "DC Renaissance", "La Brûlure" est le cinquième des sept numéros du "Batman & Robin" de la "Renaissance DC" ("The New 52"), démarche de DC Comics lancée en 2011, pour rafraîchir son univers. Cet ouvrage au format 17,5 × 26,5 centimètres et à couverture cartonnée compte cent quarante-cinq planches, couvertures incluses ; il comprend les versions françaises des "Batman and Robin" - du volume 2 - #24 à 28 (de décembre 2013 à avril 2014), ainsi que le "Batman and Robin Annual" - volume 2 - #2, datant de mars 2014. 
Peter Tomasi écrit les scénarios de tous les numéros, annuel inclus. Patrick Gleason dessine les "Batman and Robin". L'encrage est confié à son complice Mick Gray, que Keith Champagne assiste dans le numéro #26 ; John Kalisz compose la mise en couleur. Doug Mahnke dessine le spécial. Parmi les encreurs, en plus de ceux de Gray et Champagne, figurent les noms de Christian AlamyMark Irwin, et Tom Nguyen. Tony Aviña, enfin, signe la mise en couleur. 

Double-Face est allongé sur son lit, l'œil droit fermé. Une mouche verte atterrit sur la moitié préservée de son visage puis survole une commode, où sont posés le fameux dollar, une balle d'arme à feu et un cadre contenant une photographie de Gilda Dent. Elle continue son parcours autour de deux armes automatiques et leurs chargeurs et d'un flacon d'acide. Elle revient vers Double-Face et atterrit sur son globe oculaire gauche - l'attaque dont il a été victime a dissous la paupière ; Double-Face l'écarte d'un geste de la main. Il s'assied sur le bord du lit, prend le dollar d'argent et le propulse en l'air en détendant le pouce comme un ressort. Pile. Il insère la balle dans le barillet d'un revolver et le fait tourner après l'avoir rabattu. Il appuie le canon sur sa tempe ; le chien est tiré. Dent réfléchit. La mouche verte est posée sur le portrait de Gilda, dont le regard et le sourire sont si bienveillants. Il presse la détente : rien ! Il extrait la balle et la redépose sur le meuble... 

Le personnage de Harvey Dent / Double-Face (en version originale, "Two-Face") fut créé par Bill Finger (1914-1974) et Bob Kane (1915-1998) dans le "Detective Comics" #66 d'août 1942. Malgré quelques variations notamment sur ses parents, ses origines sont demeurées plus ou moins inchangées durant soixante-dix ans et c'est toujours un jet d'acide sulfurique au visage qui a métamorphosé l'ambitieux procureur allié de Batman en super-vilain ennemi juré du Chevalier noir ; cela démontrait encore la mainmise de la pègre sur Gotham City, jusque dans ses tribunaux. Fallait-il vraiment réécrire ces origines, réussies dès le début ? Si oui, dans quel but ? En proposer de meilleures ? Remettre le personnage au goût du jour ? L'exercice soulèvera la perplexité des lecteurs de longue date et il y a de quoi. Tomasi bouscule tout ce qui avait été écrit jusque-là, en dévoilant une histoire qui affiche de nombreuses similarités, mais aussi des différences importantes. La première est la création d'Erin McKillen, amie d'enfance de Bruce Wayne et cheffe d'un gang irlandais. C'est elle - plus que Double-Face - que l'auteur met au centre de sa trame. S'il y a là quelques trouvailles scénaristiques, le récit, même s'il multiplie les scènes-chocs, est dénué d'émotions et Tomasi, malgré son écriture intelligente, n'évite pas l'écueil des coïncidences qui mènent aux invraisemblances. Pour conclure, le recul aura donné raison aux sceptiques ; car le personnage de McKillen n'a pas encore été réutilisé depuis cet arc, et il est hautement improbable qu'il le soit un jour. En fait, tout cela ressemble fort à un pétard mouillé. Double-Face ne méritait en effet ni de voir son passé remodelé, ni de se faire voler la vedette par cette Irlandaise teigneuse. La qualité de la narration et des dialogues n'y changera rien, d'autant que l'annuel est vraiment fade. 
Les planches de Gleason regorgent de talent et d'inventivité. C'est avec plaisir que les lecteurs retrouveront ce travail notable sur le contraste entre ombre et lumière, avec ses généreux aplats de noir, ce quadrillage audacieux et créatif, ou ces perspectives variées. Le portrait de Double-Face est frappant, en tout cas bien plus que la physionomie finalement convenue de McKillen, une rouquine au visage dur. Le trait de Mahnke présente des similarités, mais il est plus lisse et moins organique. 
La traduction est à nouveau confiée à Alex Racunica alias Alex Nikolavitch, qui est le traducteur attitré de "Batman et Robin". Le résultat est d'une qualité absolument irréprochable, car son texte soigné ne comprend ni faute, ni coquille, ni anglicisme. 

En dépit de quelques solides éléments narratifs, de la qualité de l'écriture et d'une partie graphique somptueuse, "La Brûlure" décevra par la vanité de l'exercice, l'une des caractéristiques que plusieurs des séries de la "Renaissance DC" ont en commun. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 

3 commentaires:

  1. 3 étoiles pour toi, 4 pour moi avec ma propension à être plus facilement séduit : ça se tient.

    Le crossover Flashpoint a remis à zéro les compteurs de la continuité de l'univers partagé DC. Le présent tome a pour objet d'établir les nouvelles origines de Two-Face dans cette continuité vierge. - Je pense que le but était là.

    Pour ma sensibilité, Peter Tomasi a réussi le pari pas évident, de revoir les origines de Two-Face en leur apportant quelque chose, plus de drame, tout en restant bien intégré à la mythologie de Batman. Il faut également un peu de recul pour se rendre compte que la narration de Patrick Gleason n'est pas juste dans l'objectif d'épater le lecteur et qu'elle s'avère très efficace et divertissante à chaque page. Le lecteur peut regretter que les auteurs n'aient pas su valoriser l'origine de Gilda Dent (tirant sa source dans le film Gilda de Charles Vidor, 1946). Par contre il reste sous le charme vénéneux d'Erin McKillen, dont il espère le retour rapide. Là, ta précision pour le fait qu'il n'en a rien été relativise l'intérêt du personnage.

    En revanche, mon avis diverge pour l'annuel : cette histoire est l'occasion pour Peter Tomasi d'écrire un récit centré sur le premier Robin, l'une des premières affaires dans laquelle il assiste Batman, mais teinté du regard narquois de Damian Wayne. Le récit est rapide avec une pointe de sarcasme propre à Damian, délicieux de bout en bout. Il est difficile de savoir qui a dessiné quelle page entre Mahnke et Gleason, même si certains visages fournissent un indice révélateur (la page où Grayson s'ennuie ferme au lycée est du Mahnke). Il est visible qu'ils se sont bien amusés à transcrire l'énergie de la jeunesse et la grotesquerie du supercriminel.

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    1. Ton commentaire me fait penser à notre discussion récente sur le suivi des épisodes en hebdomadaires ou en mensuels, et la comparaison avec le ressenti à la lecture de l'album. Là, je me souviens que cet arc avait eu un effet beaucoup plus intense sur moi quand je l'avais lu en magazine, dans les "Batman Saga". Je dois reconnaître que j'étais très amateur de tout ce que produisaient Tomasi et Gleason à l'époque ; je n'avais peut-être pas le recul sur ces "New 52" que j'estime avoir aujourd'hui.

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    2. J'avais également énormément aimé cette série par Tomasi & Gleason du New 52, malgré mon profond regret de l'abandon de la continuité précédente.

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