Paru en février 2019, le premier album de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage de Captain Marvel inclut les versions françaises de quatorze numéros, à savoir les "Marvel Super-Heroes" #12-13 (de décembre 1967, mars 1968) ainsi que les "Captain Marvel" #1-12 (de mai 1968 à avril 1969). Cet ouvrage au format 17,7 × 26,8 centimètres, à la couverture cartonnée et avec jaquette amovible, comprend un peu moins de deux cent quatre-vingts pages en couleurs, sans compter les couvertures originales de la série régulière comme bonus, à la fin du recueil.
Stan Lee (1922-2018) écrit le premier épisode et Roy Thomas les cinq suivants, puis Arnold Drake (1924-2007) récupère le poste. Gene Colan (1926-2011) illustre les six premiers numéros et passe le crayon à Don Heck (1929-1995) à qui Dick Ayers (1924-2014) succède. Frank Giacoia (1924-1988), Paul Reinman (1910-1988), Vince Colletta (1923-1991), John Tartaglione (1921-2003) et Syd Shores (1916-1973) se partagent la tâche d'encrage. Concernant la mise en couleur, Stan Goldberg (1932-2014) n'est crédité que dans le "Marvel Super-Heroes" #12, mais il est à parier qu'il a œuvré sur la suite ; Michael Kelleher, Greg Theakston (1953-2019), Laurie Smith et Dale Crain ont produit la restauration graphique.
Un vaisseau spatial kree s'approche de la Terre ; parti de la galaxie sur laquelle règnent les Krees, il vient de traverser la moitié de l'univers. À bord, le colonel Yon-Rogg donne ses ordres au capitaine Mar-Vell : qu'il enfile sa combinaison et qu'il se prépare à atterrir. Le docteur Una lui administrera une potion oxygénante. Una est étonnée ; seulement à Mar-Vell ? Celui-ci explique qu'il sera seul à atterrir et que le colonel lui a ordonné d'accomplir cette mission en solo. Una est surprise : c'est contre la procédure habituelle. En aparté, Marv-Vell essaie de rassurer sa bien-aimée ; c'est vrai, elle a raison. Mais la vérité est que Yon-Rogg l'aime aussi ; connaissant leur idylle, il est prêt à tout pour les séparer...
"Captain Marvel" est une franchise qui démarre avec un niveau de qualité inhabituel chez Marvel. Lee écrit un seul épisode et se retire du titre qu'il délègue à Thomas. Celui-ci, avec Colan, va produire quelques numéros réellement passionnants. "Captain Marvel", c'est d'abord une mission sur un monde inconnu ; Lee imagine un miroir du récit classique de science-fiction, qui consiste à envoyer un Terrien sur un monde extraterrestre. Ici, c'est l'extraterrestre - le Kree Mar-Vell alias Captain Marvel - à qui son commandement confie une mission sur Terre. "Captain Marvel" c'est également de la romance. Là où les héros des autres franchises de la Maison des idées sont incapables de libérer leurs sentiments, l'amour entre Mar-Vell et Una est la cible de la jalousie et de l'ambition de Yon-Rogg ; un triangle amoureux, qui ne cesse d'être exploité, voire surexploité jusqu'au dénouement tragique et qui, assez vite, devient un carré avec Carol Danvers. Évidemment, il y a cette inimitié profonde et tenace entre le machiavélique Yon-Rogg et le valeureux Mar-Vell. Thomas mêle adroitement les genres (surtout science-fiction et espionnage) ; pendant sa période, le lecteur se régale. Cela se complique avec l'arrivée de Drake, dont les histoires ne sont pas nourries par l'atmosphère plus sombre qu'il y a dans celles de Thomas ; par exemple la solitude du protagoniste est moins tangible. Dans un premier temps, Drake capitalise sur le matériau dont il hérite en déclinant les menaces (autres extraterrestres, monstres, robots), puis parvient à mettre un terme à une situation sans fin, en accouchant d'un dénouement fantaisiste qui ne fera pas forcément l'unanimité.
Les numéros illustrés par Colan sont à thésauriser. Non seulement ils reflètent la maîtrise du mouvement - quelle incroyable fluidité ! - et la science du clair-obscur de l'artiste, mais ces planches ont aussi cette saveur de la science-fiction grand public des années soixante, un peu comme si elles en avaient en partie capturé l'essence. Cela se gâte avec l'arrivée de Heck, qui ne produit pas là son meilleur travail, et encore plus avec Ayers, qui est peut-être plus encreur que dessinateur, et qui façonne des compositions dont les finitions ne sont pas souvent soignées, et dans lesquelles les silhouettes sont parfois marquées par la rigidité et le manque de relief.
Thomas Davier a effectué la traduction ; c'est l'un des meilleurs professionnels du circuit comics. Son texte est satisfaisant. Notons - néanmoins - une faute de genre et un faux-sens. Les couvertures originales ont été insérées entre les chapitres : enfin !
"Captain Marvel" est une série dont les premiers numéros bénéficient d'une équipe artistique de choix : Thomas et Colan. Cela se sent dans la qualité des épisodes, qui commence malheureusement à flancher à l'arrivée de Drake et de Heck puis d'Ayers.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
Je n'ai dû lire que 2 ou 3 de ces épisodes, sûrement le premier, et les autres je ne saurais dire. Ton article est donc une quasi découverte.
RépondreSupprimerLee imagine un miroir du récit classique de science-fiction : je n'y avais pas pensé ainsi, et pourtant c'est tout à fait ça, l'étranger dans un pays étrange, une variation sur les lettres persanes.
Quelques numéros passionnants : je suis allé voir et Thomas est né en 1940, il n'a donc pas 30 ans quand il écrit ces épisodes. mélange de genre SF + Espionnage, j'en déduis que ces aventures n'ont pas beaucoup le goût de superhéros.
Les numéros illustrés par Colan sont à thésauriser : très beau développement, j'ai beaucoup aimé la mention du mouvement (c'est exactement ce que je ressens dans les épisodes où il est en forme, et il l'est très souvent) et du clair-obscur, et encore plus l'essence de la SF des années 1960.
J'avais déjà lu les six premiers de ces épisodes à l'époque de leur sortie dans le magazine "Marvel Classic" édité par Panini Comics ; c'était le nº13. Bon, j'avais l'intention de faire l'impasse sur cette série, mais je vais continuer.
SupprimerPlus le temps passe, plus j'apprécie Thomas en tant que scénariste et plus je me dis qu'il a vraiment apporté énormément à la Maison des Idées. J'avais également adoré ses "Avengers", bien plus que ceux d'Englehart. Je suis en train de lire la suite de ses "X-Men" 1.0 et je les trouve plutôt bons, malgré un démarrage difficile.