"Durango" est une série de western spaghetti lancée en 1981 par le Belge Yves Swolfs, célèbre également pour "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" sera d'abord publié par Les Archers puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin par Soleil (du groupe Delcourt) depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Si Swolfs a produit les treize premiers numéros en solo ou parfois avec un coloriste, il s'est fait remplacer au dessin à partir du quatorzième album, "Un pas vers l'enfer" (de 2006).
"L'Or de Duncan" est le neuvième numéro ; c'est un ouvrage cartonné grand format (30,0 sur 23,0 centimètres) de quarante-six planches, qui est sorti chez Alpen, en janvier 1990, sans prépublication. Swolfs écrit le scénario, et réalise les dessins et l'encrage. Ici, un coloriste est crédité, Dominique de Hollogne.
À l'issue du tome précédent, Duncan est mortellement blessé par Mac. Durango abat alors celui-ci. Avant de mourir, Duncan dévoile qu'il a caché "beaucoup d'or" pour Lucy, qui est sa fille.
Une prison, quelque part dans l'Ouest. Le gardien a fini son inspection et regagne son bureau. Benson, l'un de ses collègues, l'y attend, ce qui le surprend. Benson n'a rien à faire là, il n'est pas de service ce soir (il porte des vêtements civils). Et puis où se trouve Herb ? Benson le calme : Herb dort, à côté. Il a pensé qu'une partie de poker les aiderait à passer la nuit, car il sait qu'elles peuvent être longues. Il a même amené une bouteille. Son collègue lui réplique que ce n'est pas réglementaire. Lorsque ce dernier lui tourne le dos pour ranger son fusil au râtelier, Benson sort un couteau et poignarde le gardien dans le dos. Il prend les clés et se dirige vers la cellule 36. Le plus dangereux reste à faire : il s'est mis en cheville avec un "serpent à sonnette". Il faut que ça en vaille la peine ; tous ces dollars...
Le père de Lucy révèle avant de mourir l'existence d'un magot qu'il a constitué pour la fille qu'il ne put élever. Seulement voilà : ni Duncan ni Lucy et Durango n'ont été suffisamment discrets, et ils sont désormais plusieurs à vouloir mettre la main sur l'or de Duncan. Swolfs imagine une chasse au trésor dans les Rocheuses ; sa difficulté ne consiste pas à déchiffrer les éléments topographiques légués par le vieux chasseur de primes (car ici, il n'y a pas d'énigme complexe), mais surtout dans la nécessité d'arriver les premiers sur les lieux. En cela; Swolfs ne stimule pas les capacités analytiques du lecteur, mais le soumet plutôt à une tension soutenue : chaque partie en présence a eu maille à partir avec au moins une autre. Il est évident qu'aucun cadeau ne sera fait, et que les concurrents n'hésiteront pas - voire prendront du plaisir - à éliminer physiquement leurs adversaires. À cela, Swolfs ajoute des différends entre les protagonistes au sein d'un même groupe (celui de Mac principalement), c'est-à-dire des querelles intestines, qui ont pour effet d'accentuer le sentiment de rivalité. La diversité des personnages représente l'un des atouts de ce numéro ; Ryan est un shérif adjoint dans la force de l'âge, destitué pour corruption, qui purgeait une peine de prison et qui manipule un de ses geôliers afin qu'il l'aide à s'évader. Lilly est une obèse à la rancune tenace, qui dirige une bande de malfrats d'une main de fer à Sheridan, dans le Wyoming ; une personnalité dure, qui n'hésite pas à sacrifier ses pions pour arriver à ses fins. Tout ce beau monde, mû par la soif de l'or, se retrouve dans les spectaculaires Rocheuses. Swolfs insuffle à son histoire un rythme soutenu sans longueur ni faiblesse. Difficile pour un scénariste d'éviter la linéarité dans un récit de ce type ; mais Swolfs parvient à doser son action avec science et à instaurer une tension d'un crescendo maîtrisé. Du fait des exactions impunies de Lucy, la fin est immorale ; elle pourra soulever le scepticisme de certains lecteurs.
Cet album pâtit des mêmes défauts que ceux du premier volet, une mise en couleur qui atténue la netteté du trait, des couleurs dont le naturel n'est ni authentique ni convaincant et des teintes au rendu souvent artificiel qui ne rendent pas justice aux paysages des montagnes Rocheuses. Malgré cela, le goût de l'artiste pour le détail n'est pas entièrement gommé, il se retrouve dans les vêtements, les armes et les chevaux. Swolfs changera de toute façon de coloriste dès le volume suivant. Limpide, le découpage est irréprochable ; le quadrillage est varié. Notons enfin que Lucky Luke apparaît en caméo dans la cinquième case de la neuvième planche.
Après un premier volet en deçà, "L'Or de Duncan" permet à Swolfs de relever le niveau ; il conclut le diptyque de manière satisfaisante, malgré des incohérences et en dépit de la piètre mise en couleur. Le dénouement avec Ryan est plutôt surprenant.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Swolfs ne stimule pas les capacités analytiques du lecteur, mais le soumet plutôt à une tension soutenue : ça me va aussi, et la dynamique de la course-poursuite fonctionne souvent à merveille pour donner du rythme et du suspense à un récit.
RépondreSupprimerDes différends entre les protagonistes au sein d'un même groupe + La diversité des personnages : ça m'a tout l'air d'une intrigue déjà bien conçue, et assez ambitieuse. A te lire, Lily a l'air particulièrement bien réussie.
Une interview de Swolfs où il parle de la série Durango, et évoque l'apparition de Lucky Luke, Blueberry et Mac Lure dans la série, en hommage.
Je pense que tu voulais glisser un lien vers l'interview que tu évoques dans ton commentaire ; si c'est bien le cas, tu l'as oublié.
SupprimerOups...
Supprimerhttps://www.actuabd.com/Yves-Swolfs-Durango-Le-Prince-de-la-nuit-On-n-ose-pas-dire-qu-on-aime-Durango
Merci. Intéressant. J'apprécie sa pique à l'égard du "petit milieu des esthètes".
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