samedi 31 juillet 2021

Durango (tome 8) : "Une raison pour mourir" (Soleil ; novembre 1988)

"Durango" est une série de western spaghetti lancée en 1981 par le Belge Yves Swolfs, célèbre également pour "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" sera d'abord publié par Les Archers puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin par Soleil (du groupe Delcourt) depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Si Swolfs a produit les treize premiers numéros en solo ou parfois avec un coloriste, il s'est fait remplacer au dessin à partir du quatorzième album, "Un pas vers l'enfer" (de 2006). 
"Une raison pour mourir" est le huitième volet, un volume cartonné grand format (30,0 × 23,0 centimètres) de quarante-six planches qui est sorti chez Dargaud en novembre 1988 sans prépublication. Swolfs écrit le scénario, et réalise les dessins et l'encrage. Ici, un coloriste est crédité, Dominique de Hollogne

À l'issue du tome précédent, Durango assiste aux derniers mots du banquier : il dirigeait, en secret, le gang de White et ses Ravageurs. Il quitte Loneville et refuse d'emmener "Princesse"
Une bourgade de l'Ouest ; la ville est animée. Durango, tirant son cheval par les rênes, remonte sa rue principale. Plus loin, du côté opposé, trois types se tiennent à l'extérieur du saloon. L'un d'eux identifie Durango ; il est catégorique, c'est l'un de leurs "clients". L'un de ses camarades étant dubitatif, l'autre réaffirme sa certitude. C'est un "gros morceau" et ils ne seront pas trop de trois. Aussitôt, le trio se met en position derrière Durango, qui noue la bride de sa monture à la barre d'attache du saloon. Le leader des chasseurs de primes - car c'est leur occupation - le hèle : "Ho Hombre !..." Durango, interloqué, se retourne. Son interlocuteur est formel, c'est lui, il "dort avec son portrait depuis des mois". Une "vraie célébrité". Il brandit l'avis de recherche : à ce prix-là, il espérait bien le rencontrer... 

"Une raison pour mourir" est le premier volet d'un diptyque qui trouve sa conclusion dans "L'Or de Duncan". Un homme riche organise une partie de chasse en montagne pour son épouse et embauche Durango afin qu'il assure la protection de cette dernière. L'amateur de bande dessinée de western ne pourra s'empêcher d'établir un lien avec le cinquième tome de "Jonathan Cartland", "La Rivière du vent", paru une dizaine d'années plus tôt (1979) ; le point de départ présente quelques similarités, mais ça s'arrête là. Enfin une intrigue axée autour d'un personnage féminin. Non pas que les femmes n'aient aucune place dans la série - prétendre le contraire serait faux -, mais aucune encore n'avait eu un rôle véritablement central. Lucy Steelgrave manque pourtant de cohérence. Le drame de son enfance ne propose rien de novateur. Il offre surtout un contexte à comprendre avant de juger la jeune femme et pose la question des circonstances atténuantes à propos de ses exactions à l'âge adulte. Voir Durango être si coulant avec madame Steelgrave suscitera la perplexité, en tout cas, car ce pistolero a déjà été plus expéditif avec des gens qui avaient moins de sang sur les mains. Ce n'est pas la première fois que le comportement de Durango étonne ; ça avait aussi été le cas dans "Le Destin d'un desperado". Ici, il y a des scènes qui rappellent trop celles de certains tomes, par exemple la brutalité de tueurs cruels et vicieux, qui s'abat sur une famille établie dans une contrée reculée. C'est devenu un leitmotiv de la série et il ne faut pas remonter plus loin qu'à "Loneville" - l'album précédent - pour le retrouver. Et puis, le poids de la linéarité de cette intrigue est malheureusement trop évident, même si Swolfs scinde sa narration en deux parties : les participants à la sortie de chasse d'un côté et la horde de criminels de l'autre. En revanche, le tandem inattendu formé par Durango et Martin L. Duncan (le vieux chasseur de primes) - deux solitaires endurcis - fonctionne plutôt bien. 
La qualité de la partie graphique est de toute évidence un niveau en dessous des albums précédents. Le crayon de Swolfs, moins acéré, notamment dans les plans plus éloignés, semble avoir perdu en netteté. Est-ce dû à la mise en couleur ? Celle-ci - sauf erreur c'est la première fois que Swolfs la délègue - est un indéniable ratage. Il est très probable qu'elle ait effacé des détails de l'encrage, amenuisant ainsi l'aspect minutieux et précis du trait de l'artiste ; cela s'améliore cependant vers la fin. Le coloriste utilise trop de pastel dans les premières planches. Quant aux visages, ils sont affublés d'un teint souvent trop bis ; leur rendu manque de naturel. 

"Une raison pour mourir", entre déjà-vu (car Swolfs a tendance à se répéter) et invraisemblances scénaristiques, ne parvient pas à captiver malgré de bonnes idées. La linéarité de l'intrigue est pesante et plusieurs éléments de la trame sont prévisibles. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 

2 commentaires:

  1. Swolfs a tendance à se répéter : une forme de dosage déséquilibré, avec trop de choses attendues et pas assez de nouvelles, si j'ai bien compris.

    Lucy Steelgrave manque de substance. - C'est frustrant quand il s'agit d'un nouveau personnage, encore plus quand il tient un rôle de premier plan dans l'intrigue. Martin L. Duncan est-il plus développé ?

    Le crayon de Swolfs semble avoir perdu en netteté. Est-ce dû à la mise en couleur ? Cela signifie-t-il que la couleur écrase les traits encrés en se superposant dessus pour partie ? Peut-être aussi un défaut de qualité d'impression ?

    RépondreSupprimer
  2. La répétition, c'est un peu ça, oui. À chaque tome ou presque, tu as une famille établie loin de la ville qui se fait étriper en long, en large, et en travers.

    "Substance" n'est peut-être pas un terme bien choisi. J'aurais dû écrire "cohérence", et je vais apporter une correction de ce pas. Merci d'avoir pointé le mot du doigt.

    J'ai en effet eu l'impression que la couleur écrasait - je préfèrerais utiliser "gommer" - l'encrage des traits en se superposant dessus en partie, oui, et je ne pense pas qu'il s'agisse d'un défaut d'impression. Il faudrait que je vérifier le tome suivant, que je vais chroniquer dans la foulée, pour voir si Swolfs a travaillé avec le même coloriste ou s'il était déçu par le résultat et qu'il a mis fin à la collaboration.

    RépondreSupprimer