jeudi 29 juillet 2021

The Punisher (tome 15) : "Les Filles en robes blanches" (Panini Comics ; janvier 2010)

"Les Filles en robes blanches" est le quinzième volet de "The Punisher", série groupant les versions françaises des soixante-quinze numéros du volume sept de la version originale (mars 2004 à décembre 2009) en dix-huit tomes publiés chez MAX, le label adulte de Marvel, entre avril 2004 et janvier 2011. Ce recueil de janvier 2010 comprend les versions françaises des #61-65 (octobre 2008 à février 2009). Ce billet concerne la première édition en version française, un album broché format 26,0 × 17,5 cm à couverture flexible de cent dix planches. En bonus, les couvertures de la VO. 
Le romancier nord-américain Gregg Hurwitz, auteur de thrillers dont plusieurs ont déjà été traduits en français, écrit le scénario dans son intégralité. Côté comics, Hurwitz est connu entre autres pour "La Splendeur du Pingouin" et la série "Le Chevalier noir". Le Britannique Laurence Campbell ("Judge Dredd""Moon Knight") illustre les cinq chapitres (les dessins et l'encrage). Enfin, Lee Loughridge ("Les Patients d'Arkham") compose la mise en couleur. 

Le soleil se couche sur la bourgade mexicaine de Tierra Rota. Pour Gabriela Nuñez, c'est un grand jour, celui de la "quinceañera", la fête de ses quinze ans. Ses parents lui offrent la "ultima mañeca", la dernière poupée, présent symbolique qui signifie la fin de son enfance. Les mariachis pincent les cordes de leur guitare. Gabriela demande à sa petite sœur Angelica de tenir le jouet, afin qu'elle puisse danser sa première valse avec son père. Plus tard, alors que la soirée bat son plein, Gabriela retrouve Angelica, qui prend soin de sa poupée. Son aînée veut savoir si elle lui a donné un nom ; la fillette lui répond qu'elle l'a appelée Gabriela ! Une fourgonnette surgit soudain de l'obscurité et s'arrête pile devant les deux filles. Deux hommes masqués et gantés en descendent. Ils enlèvent Gabriela sous le regard terrorisé de sa sœur, abandonnent un cadavre énucléé au dos couvert de cicatrices, et filent. Un soir à New York. Castle déambule dans les rues. Il se souvient... 

Après celui de Garth Ennis, peut-il - doit-il - encore y avoir un "Punisher" version MAX ? Question rhétorique ou presque. Ici, des miséreux surexploités par des brigands se cotisent pour s'offrir les services d'un justicier, dont ils espèrent qu'il les débarrassera de la menace. Du déjà-vu : "Les Sept Samouraïs" (1954) version Punisher, pour faire court. Seulement voilà : ça se passe au Mexique, et le Mexique, c'est plus de 83 000 personnes disparues entre 2006 et 2021, sans évoquer les charniers. Il ne faut à Hurwitz que trois planches pour planter le décor, la bourgade paisible sans pour autant être prospère, avant que ne viennent les enlèvements et les cadavres opérés, et que la population, soumise, ne vive dans la terreur. Hurwitz finasse un peu avec la première réaction du Punisher, pas forcément crédible, mais toujours plus que la façon dont l'envoyé trouve Frank Castle, mais l'histoire se met en route sans trop de scories. L'auteur la déroule sur un mode linéaire ; le lecteur est conscient qu'il est mené d'un point A à un point B et qu'il y aura peu de digressions. La narration est construite sur trois niveaux principaux qui s'entremêlent, la ville de Tierra Rota et ses habitants, Castle et ses douloureuses introspections, et les narcotrafiquants. L'atmosphère est d'une noirceur très dense. Hurwitz dépeint un univers sans foi ni loi dans lequel la vie humaine n'a aucune valeur, et où seule prévaut la force. Il évoque les attentes des Mexicains, prompts à condamner celui en qui ils ont placé leurs espoirs avec la même vigueur que pour leurs bourreaux. Le scénario, de façon assez attendue, débouche sur une fusillade en bonne et due forme, avec son lot d'hémoglobine. Notons que Hurwitz abordera à nouveau la question de la surexploitation des masses laborieuses mexicaines, mais cette fois avec Batman, dans "De l'argile"
Le travail de Campbell est en adéquation avec le récit et son ambiance. L'artiste compose des planches particulièrement sombres d'un trait réaliste à l'encrage marqué par des aplats de noir ; les amateurs y discerneront l'influence d'un autre Britannique, Jock. Aucune outrance ici. Le quadrillage est souvent découpé en 16/9e pour un rendu cinématographique. Campbell varie ses plans, mais ses fonds de cases sont rationalisés à plus d'une reprise, et certaines scènes manquent de lisibilité. 
La traduction est de Nicole Duclos, comme dans les quatorze numéros précédents ; dans l'ensemble, c'est satisfaisant et ça tient la route, mais certaines onomatopées ("gasp", "pant", "sob") sont restées en anglais, et il y a encore deux bulles inversées. 

"Les Filles en robes blanches" est une série B efficace. L'histoire n'atteint pas la noirceur de celles d'Ennis, et n'en a pas le côté outrancier, cruel, voire pervers. Et c'est tant mieux finalement, parce que l'on n'attend pas de Hurwitz qu'il "fasse du Ennis". 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz 

2 commentaires:

  1. C'est avec grand plaisir que je découvre ces épisodes par ta plume, car après la version Garth Ennis, je ne ressentais plus aucun besoin de lire une autre version du personnage, fut-elle MAX.

    Après celui de Garth Ennis, peut-il - doit-il - encore y avoir un "Punisher" version MAX ? Question rhétorique ou presque. - Je découvre que tu poses la questions qui me taraude de manière explicite, et que tu y réponds dans ta conclusion : une série B efficace. Ce jugement de valeur et l'écriture de Hurwitz (qui ne présente pas une profondeur aussi importante que celle d'Ennis, à mes yeux) me font dire que je ne chercherai pas à lire cette histoire. Le version Ennis du personnage a une telle consistance et une telle profondeur que mon horizon d'attente est que les prochains scénariste proposent une interprétation pas aussi travaillée certes, forcément différente, mais pas juste une mise à profit du travail d'Ennis. Ayant eu envie de relire des histoires de Punisher par la suite, j'ai dû revoir mes exigences à la baisse. :)

    Je garde un bon souvenir des épisodes du BPRD dessinés par Laurence Campbell. Je présume qu'il a dû progresser entre ces épisodes du Punisher et ceux du BPRD.

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    1. Franchement, ces épisodes ne m'ont pas déplu ; je leur ai attribué quatre étoiles, après tout. Mais en effet, on reste loin des sommets d'Ennis. Je vais continuer la série et aller jusqu'au bout ; il me reste trois tomes. Et après, j'embraye sur le "Punishermax" de Jason Aaron.

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