mardi 22 juin 2021

Batman le Chevalier noir (tome 4) : "De l'argile" (Urban Comics ; août 2016)

"De l'argile" est un ouvrage format 17,5 × 26,5 centimètres à couverture cartonnée, de cent soixante-cinq planches environ. Il est sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics, en août 2016. C'est le quatrième et dernier tome de la série "Batman, le Chevalier noir". Ce recueil inclut les versions françaises des #22-29 (de septembre 2013 à mai 2014) du volume 2 de "Batman: The Dark Knight", mais pas les #23.1-23.4, connectés à "Forever Evil"
Ces huit numéros composent trois histoires complètes - "De l'argile", "Sans voix", et "Bestial" - dont les scénarios ont été écrits par le romancier nord-américain Gregg Hurwitz, auteur de "La Splendeur du Pingouin" entre autres. Le Bulgare Alex Maleev dessine et encre "De l'argile", l'Italien Alberto Ponticelli "Sans voix", et Ethan Van Sciver "Bestial", avec l'aide de l'Uruguayen Jorge Lucas. Les colorisations sont réalisées par Dave McCaig, John Kalisz et Hi-Fi

Dans la pénombre, le commissaire James Gordon est en pleine introspection. Où se situe son point de rupture ? Quand jettera-t-il l'éponge ? Gotham City a détruit son mariage et brisé les jambes de sa fille. Son fils y a laissé sa raison et sa vie. Voilà que Gueule d'Argile est de retour en ville. Son équipe vient de braquer une bijouterie. Un hélicoptère survole la scène. Des voitures de police sont stationnées devant l'entrée de la boutique. Gordon demande son rapport à Bullock, qui l'informe que la situation a dégénéré en prise d'otages lorsque l'intervention des forces de l'ordre a capoté. Bullock s'étonne aussi que Gueule d'Argile n'opère plus seul. Gordon saisit un mégaphone et fait aux malfrats "une offre en or" : lui comme otage en échange d'un veilleur de nuit. Bullock est inquiet ; Gordon n'est pas sérieux, quand même ! Mais Gordon avoue en avoir "plus que marre". Et devant les regards médusés de ses collègues, il avance, deux pistolets automatiques fixés dans son dos par des bandes de ruban adhésif. Le vigile est relâché, et Gordon entre, sous la menace d'un individu armé : le voilà otage... 

Trois arcs et trois histoires foncièrement différentes, tant dans le fond que dans la forme, avec un nouvel antagoniste dans chaque cas : Gueule d'Argile, le Pingouin et Abraham Langstrom, le père de Kirk, alias Man-Bat. S'il y a bien un point commun entre elles, c'est celui de l'évocation des dérives du capitalisme, de l'ultralibéralisme et de la société de consommation. Dans "De l'argile", Hurwitz revient sur ses origines d'un garçon banal issu d'un foyer modeste qui rêve de devenir acteur sans avoir le moindre don et que les sirènes de la célébrité inciteront à signer un pacte. C'est un classique revisité, celui de la légende de Faust, dans lequel le Pingouin joue le rôle de Mephisto. Malgré les meurtres brutaux, le lecteur pourra presque éprouver une sympathie coupable pour ce bibendum de glaise, qui ne demande qu'à s'épanouir sur scène devant un public conquis. Puis vient un exercice de style sans paroles en deux numéros. Il évoque l'exploitation par le travail d'émigrés clandestins mexicains, ici des femmes qui assemblent à la chaîne des décorations de Noël dans des ateliers surveillés par des cerbères sadiques afin que les Gothamiens puissent orner leur sapin dans l'insouciance. Hurwitz exagère la dimension tragique du destin de cette famille, entre mort et maladie, mais l'émotion est forte. Ensuite, l'auteur met en scène le mâle alpha en prédateur cynique dans toute sa splendeur : un conquérant des marchés, un nettoyeur d'entreprises qui voudrait appliquer ses méthodes à la société, un fossoyeur des emplois, sans la moindre compassion à l'égard des salariés et méprisant envers quiconque ne raisonnant pas comme lui. L'incarnation de l'ultralibéralisme débridé sans vergogne, ni scrupule. Assez ironiquement, c'est la seule personne qu'il respecte sincèrement qui parvient - sans qu'il le sache - à le faire tomber. 
Les amateurs seront ravis de retrouver Maleev et son trait réaliste et propice aux atmosphères policières. Son coup de génie est de rendre à Gueule d'Argile son aspect inspiré du dessin animé. Ponticelli a un style moins réaliste, mais qui travaille beaucoup plus l'émotion. Le Man-Bat de Van Sciver impressionne par sa silhouette et son niveau de détail, mais des collages de l'itération sont inversés dans la quatrième planche du #28. Dommage que Lucas achève le #29, son crayon est plus gras. 
Comme les trois premiers, ce volume a été traduit par le Joinvillais Xavier Hanart. Le résultat final est très satisfaisant et le texte a été soigné. Notons néanmoins une confusion entre "jurer" et "promettre" dans un numéro ; pour éviter une répétition ? 

Malgré ses défauts, ce recueil, indubitablement le meilleur de la série, propose des récits efficaces, et non dénués d'originalité ; contrairement aux tomes précédents, Hurwitz a été plus inspiré, et n'a pas cédé à la tentation de la violence outrancière. 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz 

2 commentaires:

  1. C'est un tome que j'avais également apprécié, avec un coup de cœur pour l'ouvrière mexicaine. Je n'y avais pas pensé sous cet angle là : Ponticelli travaille beaucoup plus l'émotion, ça fait sens pour moi. J'avais énormément aimé ses épisodes de la série Unknown Soldier écrit par Joshua Dysart.

    Mon avis ne diffère du tien que pour le dernier épisode où j'ai préféré Jorge Lucas à Ethan van Sciver, car j'ai trouvé le second trop superhéros, et j'ai apprécié que le 1er ramène l'obscurité dans le récit.

    Je suis 100% d'accord avec ta phrase de conclusion : contrairement aux tomes précédents, Hurwitz a été plus inspiré, et n'a pas cédé à la tentation de la violence outrancière.

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    1. Je dois avouer que j'ai toujours eu un petit faible pour Gueule d'Argile - mais pas toutes ses incarnations non plus.

      J'ai toujours entendu parler positivement de la série "Unknown Soldier". Merci de me rappeler son existence. Je vais finir par l'ajouter à ma liste.

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