dimanche 17 février 2019

Batman le Chevalier noir (tome 2) : "Cycle de violence" (Urban Comics ; août 2013)

"Cycle de violence" est un album cartonné d'approximativement cent soixante planches, sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en août 2013. C'est le deuxième tome de "Batman, le Chevalier noir", un titre de la "Renaissance DC" ("New 52"), démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers. Il comprend, dans l'ordre, les numéros de la série régulière "Batman: The Dark Knight" #10-12, #0, puis #13-15 (d'août 2012 à février 2013).
Le scénario de cette histoire complète est signé Gregg Hurwitz, auteur de thrillers dont plusieurs traduits en français ; il a écrit, entre autres, "La Splendeur du Pingouin". David Finch produit les illustrations des chapitres 10 à 15 et encre les trois derniers, Richard Friend se chargeant des deux premiers. Le #0 est dessiné par Mico Suayan et par Juan José Ryp ; Vicente Cifuentes y aide Suayan à encrer. Sonia Oback effectue les mises en couleur.

Un homme, dont on ne voit que le bas du visage, fredonne. Il tend la bouche, qu'il coud avec une aiguille et du fil. Ses lèvres se mettent à saigner. Il grommelle, puis descend les escaliers d'une cave, vêtu d'une blouse, portant des gants, et équipé d'un ancien modèle de lampe frontale médicale. Un enfant sanglote, et implore la pitié de cet inconnu qui lui fait peur. Sur le sol se déploie l'ombre de ce dernier, inquiétante et cauchemardesque. Une petite fille demande à son geôlier ce qu'il veut d'elle et qui il est. De son sourire balafré, il lui répond qu'il est le Croquemitaine, le monstre tapi sous son lit, ce qu'elle a de pire en elle. Solennel, menaçant, il déclare qu'il va lui faire connaître la peur. À ces mots, il lui envoie, malgré ses suppliques, une giclée de gaz d'un appareil qu'il actionne en pressant une poire soufflante.
Au manoir, Bruce assiste à la répétition de Natalya Trusevitch, tous deux en petite tenue. La pianiste ukrainienne va interpréter Gaspard de la Nuit, de Ravel, en concert à Gotham City. Même si ce n'est ni du Rachmaninov ni du Balakirev, elle est consciente du niveau technique de l'œuvre et craint de cafouiller en public...

L'Épouvantail fut créé en septembre 1941, dans le "World's Finest Comics" #3. "Cycle de violence" consiste en une version moderne des origines du personnage, un super-criminel important, mais qui reste méconnu. Hurwitz présente un homme victime d'expérimentations perpétrées par son propre père durant son enfance, qui répétera ce modèle pendant son adolescence et à l'âge adulte, avec cette obsession totale de l'exploration de la peur et des angoisses ; le Dr Jonathan Crane n'a pas étudié pour soigner, mais pour procéder à des essais, donner libre cours à ses pulsions voyeuristes ou meurtrières (en témoigne la scène du rasoir sans son cabinet), et jouir des sensations instantanées que ces moments lui procurent. L'intrigue brodée autour des origines n'est guère passionnante ; Hurwitz déploie un récit linéaire dont les séquences sont prévisibles (disparition de la victime - enquête du justicier - captivité de ce dernier - affrontement avec le geôlier - dénouement). Plutôt que de se limiter à cette intrigue au périmètre finalement restreint, Hurwitz répète la structure de "La Splendeur du Pingouin" ; à un face-à-face presque intime succède une attaque terroriste d'ampleur sur Gotham Square. Ce développement crée une rupture narrative avec le début de l'histoire ; l'atmosphère cauchemardesque évolue en une conclusion ultra-spectaculaire qui perd en cohérence et qui sombre dans les poncifs du genre, avec un superhéroïsme exacerbé et outrancier. Enfin, Hurwitz met en scène une romance fade entre Bruce Wayne et une jeune pianiste ukrainienne. Cet album aurait été plus abouti s'il n'avait été illustré par Finch, artiste doué pour souligner les aspects athlétiques, musculeux, et physiques des personnages de ces univers, mais laborieux pour en retranscrire les émotions ; les visages s'alignent, mais restent dénués d'expressivité. Quant au numéro #0, son inclusion en plein milieu de l'intrigue laissera sceptique et dubitatif ; ces planches-là sont cependant talentueusement dessinées par Suayan et par Ryp, malgré des styles très différents.
Dans l'ensemble, la traduction de Xavier Hanart est très satisfaisante ; les noms propres russes ont néanmoins gardé la graphie anglaise. La maquette est impeccable. Par exemple, les couvertures originales ont été insérées au début de chaque partie. 

Cet album revient sur les origines de l'épouvantail et sur le rôle que joue l'expérience de la peur dans le développement d'un caractère, côté justicier et côté criminel. Le résultat est convenu, malheureusement, et les dessins de Finch n'arrangent rien. 

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbuz

3 commentaires:

  1. Mon ressenti pour ces épisodes fut similaire au tien : Hurwitz joue surtout sur la violence et la brutalité, aux dépends du reste.

    Venu pour un thriller premier degré et réaliste, le lecteur souffre devant le degré de douleur masochiste, représentée de manière très emphatique. Il grimace devant des exagérations trop grosses pour rester plausibles (même dans le cadre d'un comics de superhéros). Mais il se laisse porter par un thriller rapide, superficiel (finalement une fois relâchés, ces enfants devaient faire quoi ?). Le lecteur venu pour une histoire de Batman est surpris par le niveau de violence sadique, par une utilisation assez respectueuse de la mythologie du personnage (la relation avec Damian Wayne, l'apparition d'Harvey Bullock, l'analogie entre les descentes de Crane et Wayne), mais il se lasse de ce héros ne connaissant qu'un seul mode d'action (foncer dans le tas sans réfléchir, et taper sans réfléchir jusqu'à ce que ça passe). J'avais également trouvé la relation avec la pianiste tout aussi superficielle et artificielle. J'avais préféré l'épisode 0 où le scénariste joue avec les attentes du lecteur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Alors, là aussi, quand il était sorti, j'avais mis quatre étoiles ! Le fou ! Va savoir pourquoi !
      Avec le recul, cette série-là est pour moi un véritable gâchis. J'avais zappé le premier tome. Le troisième met en scène le Chapelier fou dans une histoire - là encore - alimentée par une violence exacerbée. J'ai acheté le dernier tome, avec Gueule d'Argile, je crois, mais je ne l'ai pas encore lu.

      Supprimer
  2. Dans ce tome 4, je te recommande particulièrement les épisodes 26 & 2. Ils sont dépourvus de phylactères et Hurwitz et Ponticelli travaillent en harmonie pour un polar noir, avec une dimension sociale pertinente. La narration et le rythme sont impeccables. 5 étoiles.

    Pour le tome 3, Hurwitz écrit un thriller urbain bien violent. Effectivement, Batman est violent et ne prend pas de gants, c'est un justicier qui œuvre dans la justice expéditive, avec une forme de goût pour la violence sadique.

    RépondreSupprimer