lundi 30 août 2021

The Punisher (tome 16) : "Six heures à vivre" (Panini Comics ; mai 2010)

"Six heures à vivre" est le seizième volet de "The Punisher", série regroupant les versions françaises des soixante-quinze numéros du septième volume de la version originale - qui s'est étalé de mars 2004 à décembre 2009 - en dix-huit albums sortis chez Panini Comics France entre avril 2004 et janvier 2011 dans la collection "MAX", le label adulte de Marvel. Paru en mai 2010, il inclut les versions françaises des #66-70 de "Punisher: Frank Castle Max" (mars à juillet 2009) ; le titre a changé, mais la numérotation suit celle du septième volume. Ce billet concerne la première édition en version française, un album broché format 26,0 × 17,5 cm à la couverture flexible, de cent dix planches en couleurs, environ. 
Le romancier nord-américain et bédéaste Duane Swierczynski, auteur de thrillers dont certains ont été traduits en français, écrit le scénario dans son intégralité. Côté comics, le Philadelphien est connu entre autres pour ses travaux sur "Immortal Iron Fist" ou "Cable". Le Montréalais Michel Lacombe (il a travaillé sur les franchises "Green Lantern" ou "Star Wars") illustre les cinq chapitres (dessin et encrage). Enfin, Val Staples produit la mise en couleur. 

Un soir, à Philadelphie, de nos jours. Il est 22h05. À l'extérieur du bâtiment d'un centre pour "jeunes à risques", un cadre termine une cigarette à la lueur des lampadaires. Un homme entre deux âges ; sa silhouette révèle l'embonpoint et son crâne commence à être dégarni. Il est vêtu d'une chemise et sa cravate est dénouée. Le Punisher se tient en embuscade. Il sait de source sûre que ce soi-disant centre sert d'écran à un trafic d'enfants ; certains y emballent de l'héroïne, les autres sont prostitués. Castle attend que le type rentre dans l'immeuble, surgit derrière lui et le garrotte. Il avance et neutralise un vigile armé d'un méchant bourre-pif du coude. Le pistolet automatique du veilleur tombe à terre. Puis le justicier continue sa progression ; il longe une rangée de cellules. Mais, plus loin, deux gardiens lui tendent déjà un piège... 

Voici le second arc de la période post-Ennis de cette série. Pour son intrigue, Swierczynski choisit un environnement qu'il connaît bien, la ville de Philadelphie. Il y a là quelques trouvailles. Castle, primo, est en sursis : il a inhalé un argent innervant et n'a plus que six heures à vivre. Le Punisher accueillant l'information avec fatalisme et détachement, le lecteur comprend que cet élément n'est rien de plus qu'une contrainte scénaristique, malgré la situation inédite. À Philadelphie, Castle est d'abord chasseur, puis devient vite proie. Cette cité affiche la diversité de son crime organisé, Russes, vestiges de la Black Mafia, flics ripoux sans oublier politiciens et avocats véreux. Castle est instrumentalisé dans une lutte entre deux coqs de premier plan qui dérape complètement et qui tourne à la guerre. La trame est simple : le facteur temps rend la linéarité plus évidente et en réduit la pesanteur. La violence (tout y passe, strangulations, fusillades, combats à l'arme blanche, lance-roquette, etc.) et les révélations (certaines questions restent en suspens) vont crescendo ; rien de novateur ici, d'autant que le scénariste recourt à un deus ex machina pas entièrement convaincant pour son dénouement. Ce sentiment - qui concerne aussi la caractérisation des antagonistes sans charisme - ne quitte plus le lecteur jusqu'à la fin. Notons deux autres points. L'auteur insinue que la croisade du Punisher a une portée limitée, il ne tue que "les sous-fifres des sous-fifres des sous-fifres" sans jamais atteindre les grands. Même s'il ne s'agit que de la perception d'un protagoniste, cela réduit fortement l'aura du personnage. Ensuite, Swierczynski utilise des termes choisis (dans le texte français : "rital" et "macaroni") : l'insistance sur les origines italo-américaines du justicier suggère qu'il inspire autant le mépris que la haine ou la peur. 
Le style réaliste et le dessin lourdement encré de Lacombe sont en phase avec l'histoire et l'atmosphère urbaine et nocturne. Son trait froid pèche parfois par absence d'expressivité. C'est flagrant avec le visage de Castle, complètement atone ; peut-être est-ce un choix artistique. Il est probable que la couleur de Staples ajoute à cet aspect froid, figé. Lacombe privilégie un quadrillage classique et lisible, aux gouttières noires ; il l'agence souvent en 16/9e pour un rendu cinématographique. 
La traduction est de Nicole Duclos, comme dans les quinze tomes précédents. Aucun changement ; ça tient la route et c'est même satisfaisant dans l'ensemble. Pas de faute, en dépit de la négation malmenée et d'une onomatopée non adaptée ("koff"). 

"Six heures à vivre" est une (autre) série B qui ne lésine pas sur les moyens. L'arc peine néanmoins à convaincre malgré les efforts de Swierczynski visant à réaliser une histoire violente et spectaculaire, mais dont le dénouement n'est point convaincant. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 

2 commentaires:

  1. Voilà qui satisfait pleinement ma curiosité sur les épisodes ayant suivi le départ de Garth Ennis.

    J'ai bien aimé ton démontage de l'artifice scénaristique des 6 heures à vivre, de la mise en œuvre de la violence (tout y passe), et cette étrange remarque sur les origines italo-américaine de Castle (elles avaient été évoquées dans l'épisode hors série Tyger, par Ennis & John Severin).

    Ta phrase de conclusion constitue une synthèse très parlante : une série B qui ne lésine pas sur les moyens, ce qui me convainc ne pas tenter cette lecture.

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    1. Un moment emballé par l'aspect très spectaculaire de cet arc, il s'en est fallu de peu que je mette quatre étoiles, mais le manque de charisme du protagoniste principal, le Punisher de Lacombe, et la conclusion m'en ont finalement dissuadé après un peu de recul.
      Il me reste deux tomes à lire ; je salive déjà à l'idée de retrouver Goran Parlov dans le prochain.

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