Publié chez Urban Comics en février 2017 dans la collection "DC Signatures" de l'éditeur, "Terre à terre" est le premier numéro de "Greg Rucka présente Wonder Woman", un triptyque consacré à la Wonder Woman du Californien Greg Rucka. Cet ouvrage format 17,5 × 26,5 cm à la couverture cartonnée compte environ deux cent soixante-dix planches sans inclure une quinzaine de pages de bonus divers (des couvertures et des croquis), et contient les versions françaises de "Wonder Woman: The Hiketeia" (d'août 2002) et des #195-201 du second volume de "Wonder Woman" (d'octobre 2003 à avril 2004). Notons que "Wonder Woman: The Hiketeia" était déjà sorti en français chez Semic, dans la collection "Semic Books" de l'éditeur, sous le titre "Hiketeia", en juin 2003, sous la forme d'un recueil broché d'à peu près quatre-vingt-dix planches.
Greg Rucka écrit "The Hiketeia" et les sept numéros ; il prend ainsi les rênes de "Wonder Woman" jusqu'au #226 (avril 2006). J. G. Jones - avant tout célèbre pour "Wanted" - illustre "The Hiketeia" ; ses planches sont encrées par Wade von Grawbadger, et mises en couleur par Dave Stewart. Drew Johnson dessine les #195-200. Dans ce dernier il y a un complément que réalise Linda Medley. Shane Davis signe le #201. Ray Snyder encre toutes leurs planches. La tâche de mise en couleur, enfin, est répartie entre Patricia Mulvihill (de Wildstorm FX) et les époux Horie : Richard et Tanya.
New York City, par une nuit d'hiver ; Diana, rêveuse, observe le ballet des flocons de neige depuis la fenêtre du bureau richement meublé et décoré de son ambassade cossue. Il ne fait pas si froid à Themyscira. Parfois, Diana meurt d'envie de rentrer chez elle, d'abandonner l'ambassade, et de feindre de mener "une vie normale" : sans devoirs, sans obligations, sans serments. Ne plus être Wonder Woman, comme les hommes l'ont baptisée, mais tout simplement Diana. Dans la rue, sous un réverbère, trois silhouettes emmitouflées la surveillent, sans même chercher à se dissimuler...
"Graphic novel" réussi, "Hiketeia" (ce rituel existait vraiment) se lit comme un mélange de tragédie grecque et de polar. Wonder Woman y est confrontée à un dilemme insoluble et va y ressentir la douloureuse morsure de l'échec. Globalement, son scénario est cohérent ; Rucka ne lésine pas sur les renversements de situations, jusqu'à la surprise finale. Côté caractérisation des personnages, Diana est pleine de compassion, mais reste intransigeante sur ses engagements, tandis que Batman, coriace et opiniâtre comme jamais, est prêt à tout pour arriver à ses fins. Le lecteur pourra être dubitatif devant l'étendue des talents de la jeune Danielle Wellys : connaissance approfondie du rituel, assistance de direction hors pair, combat à mains nues, et cascade à moto. Mais peu importe, car cela n'enlève rien à la réussite et la conviction de l'ensemble. Rucka s'est de toute évidence livré à des recherches sur la Grèce antique. Puis après avoir exposé Diana aux poids de sa culture, de ses traditions, et de ses rites, l'auteur la jette dans l'arène politique du "Monde des patriarches". À nouveau, Diana est otage, cette fois de son image et de ses mots, dans un combat où les acteurs sont les médias et les agences de communication et où les chefs d'orchestre demeurent dans l'ombre. Bien que Diana réalise quelques coups d'éclat, l'action se focalise sur le personnel de son ambassade d'abord et l'univers de l'Amazone s'en trouve étoffé. Il ne s'agit pas d'une histoire de super-héros ordinaire ; les super-vilains sont peu nombreux. Ça se lit plutôt comme un thriller politique avec un captivant complot en toile de fond et une sacrée dose de suspense, et c'est excellent. L'aspect mythologique reste présent dans une approche originale. Le lecteur devra tolérer ce dialogue verbeux et plein de poncifs du #199, et le pardonner à Rucka.
Jones est un dessinateur dont le style sera qualité de réaliste. Toutes les vignettes sont soignées. Elles présentent une densité de détail très satisfaisante. L'artiste a le sens de la composition. Les expressions faciales de ses personnages sont parlantes ; à l'inverse, il est dommage que le visage de sa Wonder Woman souffre d'un manque de régularité des traits. Le découpage narratif est clair. Le quadrillage alterne classicisme et modernité entre inserts, cases en 16/9e, et doubles pages spectaculaires. Johnson propose un trait réaliste, lui aussi, dans la lignée du travail de Jones, mais avec un fini moins impressionnant, et qui pâtit sans doute d'un encrage trop léger - ou gommé - et d'une mise en couleurs aux choix discutables, qui a mal vieilli. Ces faiblesses s'accentuent encore dans le numéro que signe Davis. Enfin, le registre plus enfantin de l'épisode réalisé par Medley, bien qu'il s'agisse d'un exercice de style, tranche trop avec le reste de cet ouvrage et l'atmosphère qui s'en dégage.
La traduction est répartie entre Jérôme Wicky et Thomas Davier, qui sont, à mon avis, deux des meilleurs professionnels du circuit ; la version est parfois très littérale et il y a une légère coquille, mais dans l'ensemble, le résultat est assez satisfaisant.
Malgré les petits défauts, il y a dans ces épisodes une incontestable brillance et une véritable fraîcheur que seuls une poignée d'auteurs ont réussi à apporter à Wonder Woman ; d'aucuns regretteront que son costume n'ait pas été modernisé - un détail.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Je garde un excellent souvenir de Hiketeia.
RépondreSupprimerGreg Rucka, JG Jones, Wade von Grawbadger et Dave Stewart ont réussi le pari de raconter une histoire complexe de Wonder Woman, en assumant toutes les particularités étranges (mythologie, superforce, ambassadrice de paix n’hésitant pas à utiliser la force) et parfois contradictoires du personnage. L’histoire est d’autant plus réussie qu’il n’y a pas de supercriminels, pas de risque de destruction de la planète. Diana doit faire preuve de courage et de droiture morale pour pouvoir triompher d’une épreuve qui sort de l’ordinaire.
http://www.brucetringale.com/une-vie-entre-les-mains/
Pour les épisodes 195 à 200 : Le lecteur prend plaisir à découvrir cette version de Wonder Woman datant du début des années 2000, avec un scénariste qui semble savoir où il va et qui a écrit 32 épisodes de la série. Les dessins sont compétents, avec un petit côté simplifié pour être accessibles au plus grand nombre, et une velléité visible de donner de la consistance à chaque endroit. Le scénario donne lui aussi de la consistance aux personnages entourant Diana, et à son mode de vie en tant qu'ambassadrice. L'intrigue ne fait que démarrer, proposant du neuf, tout en s'appuyant sur des références propres à la série et au personnage principal. Un début prometteur.
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J'avais particulièrement bien aimé de voir comment Rucka confronte les convictions et les croyances de Diana au monde du patriarche, car c'est une manière efficace de mettre en avant la personnalité de l'héroïne. Je n'irais peut-être as jusqu'à la brillance car je me rends compte qu'il me faut plus d'épisodes pour accorder pleinement ma confiance à un auteur.
Moderniser le costume : dans le genre, il y a en a deux qui me viennent à l'esprit, celui imaginé par Alex Ross pour Kingdom Come, et celui Wonder Woman l'odyssée où elle portait le pantalon, illustré par Don Kramer, écrit par Joe Michael Straczynski.
Merci d'avoir partagé ces liens.
RépondreSupprimerJ'avais également apprécié la quasi-absence de super-criminels et le fait que Rucka propose vraiment du neuf. J'ai lu et relu "Hiketeia" ; je le trouve toujours bon à chaque lecture et il vieillit très bien. Je possède aussi l'album Semic.