lundi 15 novembre 2021

Wonder Woman : "Dieux et mortels" (tome 1) (Urban Comics ; mars 2017)

Le premier des deux volumes de "Dieux et mortels", un titre consacré à la Wonder Woman de George Pérez, est paru chez Urban Comics le 17 mars 2017 dans la collection "DC Essentiels" de l'éditeur. Ce tome - format 19,0 × 28,5 cm et couverture cartonnée - compte trois cent vingt-cinq planches couvertures incluses, plus trente pages de bonus. Il inclut les versions françaises des #1-14 (second volume ; février 1987 à mars 1988) de "Wonder Woman"
Pérez devient scénariste attitré à partir du #3 (avril 1987), mais il faut reconnaître à Greg Potter la paternité de certaines idées. Len Wein (1948-2017) rédige les dialogues. Pérez réalise l'intégralité des dessins ; Bruce D. Patterson encre ses planches. La mise en couleurs a été distribuée entre Tatjana Wood et Carl Gafford

Mont Olympe, 1200 avant J.-C. Tandis qu'Hermès, en retard, se hâte, le débat est houleux ; furieux, Arès essaye de rallier Zeus à sa cause, mais reste isolé. Le dieu de la Guerre affirme que si l'Olympe veut maintenir son pouvoir sur Terre et posséder le cœur des hommes, il faut le laisser "fondre sur ces faibles mortels", et ajoute que le plan de sa demi-sœur Artémis, consistant à créer une nouvelle race de mortels, "est folie". Artémis riposte. La violence ne poussera l'homme qu'à les craindre, pas à les suivre. Or, cette nouvelle race pourrait servir d'exemple aux hommes et aux femmes pour leurs rôles respectifs "comme Gaïa le souhaitait". Arès insiste ; l'homme ne comprend et ne vénère que la force, dont lui-même est l'incarnation. Athéna intervient, en s'adressant directement à Zeus : les méthodes d'Arès les perdront, car si l'homme meurt, ils périront eux aussi. Apollon surenchérit : sans la volonté des hommes, qui vénèrent les dieux, les Olympiens seraient peu de choses en leur monde. Zeus s'étonne presque de voir son fils soutenir Artémis à propos d'une nouvelle race féminine. Pour Artémis, qu'importe leur genre. Elles devront être "fortes... braves... et compatissantes". Elles seront "la gloire de l'Olympe"... 

Après le raz-de-marée éditorial causé par "Crisis on Infinite Earths", beaucoup de séries furent relancées et modernisées, et "Wonder Woman" n'échappa pas à la règle. Trente-cinq ans plus tard, cette version de Wonder Woman demeure une référence, mais pour quelles raisons ? Dans cette nouvelle mouture, des changements de fond surprendront plus que d'autres. Les Amazones, d'abord, sont les réceptacles des âmes d'innocentes victimes de féminicides à travers l'histoire. Une trouvaille de Potter, même si elle est loin d'être suffisamment utilisée. Autre point majeur : Potter et Pérez assument pleinement la dimension olympienne de la super-héroïne, l'exploitent et la développent. Les Dieux grecs sont présents comme jamais, de Zeus à Apollon, en passant par Poséidon, Hermès, Hestia, Athéna, Héra, Artémis, Héphaïstos, et les autres. Ils complotent, se chamaillent, se jalousent, se querellent, s'épient, ou nouent des alliances. Une chose est sûre, ils sont à l'œuvre, en dépit - ou à cause ? - de leur vulnérabilité, et sont au centre de bien des événements : sur Terre, les intrigues de palais de l'Olympe deviennent des machinations de grande ampleur. Troisième élément : Potter et Pérez ont renoncé à plusieurs composantes célèbres des quarante-cinq premières années de la franchise. Le mariage avec Steve Trevor et la fausse identité Diana Prince sont jetés aux oubliettes. L'auteur crée de nombreux personnages qui ont survécu à travers les âges et en révise d'autres tels que Julia et Vanessa Kapatelis et la Dre Barbara Minerva. Pérez est également novateur dans la forme. Il joue la diversité des modes narratifs (lettres, journaux intimes) et met les femmes en avant, quelles que soient leurs intentions. Bien que le scénario démontre une belle maîtrise, ces pages ne sont pas sans défauts : la confrontation avec Cheetah est trop brève, les défis imposés par les dieux sembleront interminables, et la figuration de Diana Rockwell est une idée peu inspirée qui a terriblement mal vieilli. 
Pérez, en plus d'en écrire les scénarios, livre les dessins des mensuels. C'est un modèle exigeant, qui tend à disparaître. Ici, sa régularité est admirable. Pérez, c'est un redoutable alliage entre clarté, classicisme, élégance, expressivité, et compositions spectaculaires. Certes, d'aucuns - et ils auront raison - affirmeront que les déesses olympiennes se ressemblent toutes un peu. Néanmoins, même les lecteurs les plus exigeants devront rendre les armes devant la régularité maniaque du New Yorkais et la méticulosité des planches. S'il fallait ne retenir qu'un point ne ralliant pas tous les suffrages, ce serait la mise en couleur ; globalement, elle se tient, mais il y a bon nombre de cases dans lesquelles les choix des teintes sont d'un goût pour le moins douteux, avec, pour principal effet indésirable, un vieillissement prématuré. 
La traduction a été répartie entre Edmond Tourriol, Jean-Marc Lainé, et Jérôme Wicky. Notons seulement une onomatopée non traduite ainsi qu'une petite faute, mais ce serait pinailler, parce que le résultat est réellement satisfaisant dans l'ensemble. 

Pérez propose une Wonder Woman fraîche, forte, et inspirante. Il prouve qu'il est un scénariste convaincant, même s'il n'évite pas tous les écueils de la narration. Si la partie graphique est intemporelle, il y a des réserves au sujet de la mise en couleur. 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz 
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

4 commentaires:

  1. Que de bons souvenirs en ce qui me concerne : le quasi début de mon passage intégral à la VO, la découverte d'une version redémarrant à zéro, le plaisir des yeux avec les dessins de Pérez, et, ce dont je n'ai pris conscience que récemment et que tu soulignes, une série centrée sur des personnages féminins.

    Trente-cinq ans plus tard, cette version de Wonder Woman demeure une référence, mais pour quelles raisons ? - Très bonne question avec des réponses que je trouve très bien explicitées dans ton article. Les féminicides (peu utilisés), les dieux (je n'ai aucune idée de la fréquence de leur utilisation avant Crisis), le mariage de Diana et Steve (mince, j'étais passé à côté. Il semblerait qu'il s'agisse de la version Terre-2), Julia et Vanessa Kapatelis (je n'avais jamais rencontré des personnages comme ça dans une série comics, ni comme Myndi Mayer).

    Le travail de George Pérez : je suis fan et je suis également très impressionné par sa régularité que tu mets en avant. Cela a fini par me convaincre de me plonger dans la série Teen Titans, et il m'impressionne autant. Et encore, je ne parle pas de la suite, dont le crossover Avengers / Justice League.

    Mon avis sur les épisodes 1 à 7 : George Perez réussit le pari de faire revenir une héroïne très difficile à rendre plausible. Il reste cependant quelques aspects qui empêchent Wonder Woman de passer dans les personnages crédibles pour des lecteurs plus âgés, à commencer par son costume, la tentation de la voir enchaînée, et la difficulté de trouver une position convaincante quant à cette jeune femme qui découvre pour la première fois le vingtième siècle, sans s'étonner tant que ça des aspects technologiques. Ce récit reste cependant assez agréable à lire d'une part grâce aux illustrations maniaques de Perez, d'autre part parce que Diana évolue d'épisode en épisode.

    Sur les épisodes 8 à 14 : George Perez s'est investi et impliqué pour ce retour de Wonder Woman au-delà d'un simple travail de commande. Il a une vision claire de son personnage principal : une jeune femme forte et décidé, tout en restant accessible à la pitié et à l'empathie. Il a choisi de développer l'aspect mythologique du personnage et il bute sur des éléments basiques tels que l'inanité d'un panthéon de dieux omnipotents guidés par leurs émotions primaires (Zeus qui veut se faire Diana), l'invraisemblance du polythéisme, etc. Son récit est bien construit avec une direction solide de l'intrigue, mais le lecteur a du mal à digérer les cases de texte de Len Wein et le découpage trop plan-plan des pages.

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  2. J'ai hâte de redécouvrir ses "New Teen Titans". J'avais lu les deux volumes publiés par Panini Comics, mais tout n'avait pas été édité. Urban Comics a édité quatre briques volumineuses ; j'attends de m'y replonger, mais avec patience, car ce ne sera pas avant un moment.
    Merci d'avoir attiré mon attention sur le crossover Avengers VS Justice League ; je ne sais pas si c'est disponible en VF.

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    1. JLA / Avengers : publié par Semic en 2004

      https://www.bedetheque.com/serie-9666-BD-JLA-Avengers.html

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    2. Merci. Je l'ai vu après avoir posté ma réponse. En attente de réédition, donc... Je ne sais pas si Urban Comics a les droits nécessaires pour le faire ; je me demande comment ça se passe dans ce type de situation.

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