Publié en janvier 2021, ce premier volume de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage du Ghost Rider inclut les versions françaises des "Marvel Spotlight" #5-12 d'août 1972 à juillet 1973, des "Ghost Rider" #1-5 de juin 1973 à janvier 1974 et du "Marvel Team-Up" #15, d'août 1973. Ce recueil (format 17,7 × 26,8 centimètres, couverture cartonnée, jaquette amovible) renferme approximativement trois cent vingt pages en couleurs, en comptant une petite trentaine de pages de bonus à la fin de l'ouvrage, planches en noir et blanc et couvertures diverses, etc.
Gary Friedrich (1943-2018) écrit la quasi-totalité des histoires. Marv Wolfman et Doug Moench cosignent le "Ghost Rider" #5. Len Wein (1948-2017) scénarise le "Marvel Team-Up". Les dessinateurs sont : Mike Ploog, Tom Sutton (1937-2002), Jim Mooney (1919-2008), Herb Trimpe (1939-2015), Ross Andru (1927-1993) ("Marvel Team-Up"). Les encreurs, Frank Chiaramonte (1942-1983), Chic Stone (1923-2000), Syd Shores (1916-1973), John Tartaglione (1921-2003), Vince Colletta (1923-1991) ou encore Don Perlin et Sal Trapani (1927-1999). Et les mises en couleurs pour terminer, Stan Goldberg (1932-2014), Glynis Wein, Marie Severin (1929-2018), George Roussos (1915-2000), Linda Lessmann, et Petra Goldberg.
New York City, par une nuit pluvieuse : le Ghost Rider remonte une artère d'un quartier de la ville, lorsqu'il assiste à une attaque à main armée qui se termine en meurtre. Il ignore la scène et continue sa route. Craignant d'être reconnus par un témoin, Clyde et son comparse, nos deux malfaiteurs, le prennent en chasse en voiture pour l'abattre ; ne voulant laisser personne l'approcher, le Ghost Rider, à défaut d'accélérer à cause de la chaussée glissante, maintient sa vitesse. Son allure impressionne les criminels, sans les dissuader ; ils gagnent du terrain, décidés à commettre un nouveau meurtre ce soir. Ne parvenant pas à les distancer, le motard s'engage - sans le remarquer - dans une ruelle sans issue...
Ignorer un meurtre en pleine rue ? Au temps pour les superhéros ! Mais voilà, il est évident que le Ghost Rider n'en est pas un et que Johnny Blaze a tout de l'antihéros, en fait. Résumons : orphelin, il perd sa mère adoptive dans un accident dont il est à l'origine. Puis son père adoptif vainc un cancer, mais pour mieux mourir sur scène. Ses amours se compliquent et son pacte avec Satan tourne mal, mais surtout le Ghost Rider lui dérobe ses nuits, qu'il passe à fuir pour échapper à la sanction du Malin. Instable, Blaze est terriblement seul : ni ami (même pas son manager, qui convoite Roxanne) ni allié durable, encore moins d'acolyte. Blaze a tout du perdant absolu, à qui rien ne réussit à l'exception des cascades qui font vibrer le public et lui procurent sa dose d'adrénaline. Mais cela prend et le lecteur est fasciné par ce type maudit et solitaire, qui fuit les ennuis autant qu'il les attire. Les premières histoires ont quelque chose de noir et déprimant, impression qu'intensifient les soliloques de Blaze. Le texte n'est pas toujours inspiré ; au début, le ton du Ghost Rider est péremptoire, dans une attitude et une posture solennelles presque ridicules qui tranchent avec les cartouches narratifs à la seconde personne du singulier. Le Ghost Rider cherche à rompre sa malédiction plutôt qu'à rendre justice. Friedrich insiste sur la réticence du motard à se mêler des problèmes du commun des mortels. Pour cela il lui manque un ennemi juré, une autre facette de la même pièce ; c'est Wein qui le créa avec Orb, dans son seul scénario pour la franchise. Passons sur les invraisemblances, les coïncidences énormes, les répétitions (les tentatives de sacrifice de Roxanne, ou les intrigues autour du monde de la moto), et diverses incohérences notamment comme le fait que Blaze s'était plongé déjà enfant dans des ouvrages de magie satanique. Ces épisodes et leurs développements sont inaboutis, donc frustrants, mais la qualité de l'atmosphère de la série et le charme qu'exerce le personnage sont réels.
La partie graphique est signée par des dessinateurs expérimentés, qui ne sont pas pour autant les grands talents de la Maison des Idées. Ploog a un style au quadrillage dynamique et inventif. L'artiste accorde de l'importance à l'expressivité, mais il y a néanmoins de la répétition dans les physionomies, et les finitions, les décors, et les arrière-plans sont souvent bâclés. C'est Sutton qui produit les planches les moins réussies, tandis que Money sort assez aisément du lot, avec un trait plus régulier, dans un style classique ancré dans le canon de l'âge de bronze. Malgré les efforts de reconstitution du studio Kellustration, la colorisation est, de toute évidence, un ratage. L'exercice de comparaison des planches en couleurs et des mêmes, mais en noir et blanc (il y en a quelques-unes dans les bonus), est plutôt révélateur, d'ailleurs.
La traduction a été répartie entre Khaled Tadil et Jérôme Wicky. Elle est inégale, et le résultat est parfois très littéral. Notons, en vrac, une coquille, une incohérence tutoiement-vouvoiement, des faux-sens, une faute de ponctuation, et une de mode.
Si découvrir en français les aventures - teintées de fantastique et d'horreur grand public - du Ghost Rider est un bonheur, il faut bien admettre qu'il y a du déchet dans l'écriture : quatre étoiles pour l'édition, trois pour la qualité artistique des numéros.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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L'une des rééditions en Epic Collection que j'attends de pied ferme. Je viens de vérifier : si l'approvisionnement en papier reprend normalement, il devrait sortir en mai 2022, contenant les numéros Marvel Spotlight 5 à 12, Ghost Rider 1 à 11, Marvel Team-Up 15.
RépondreSupprimerTon article me conforte dans l'envie de plonger dans cette atmosphère sensiblement différente du superhéros traditionnel : perdant absolu, maudit et solitaire, pas d'altruisme pour sauver la veuve et l'orphelin, avec une intensité de drame digne des épisodes les plus appuyés de Bill Mantlo. J'ai encore en tête son pacte avec le diable pour sauver son père.
Dans un genre un peu similaire, Marvel avait publié une série baptisée le fils de Satan, décalée à sa manière, et assez difficile de croire que Stan Lee avait donné son accord pour un tel titre (mais c'est bien le cas).
https://www.babelio.com/livres/Gerber-Son-of-Satan-Classic/938145/critiques/1286906
J'espère bien que Panini Comics publiera une intégrale consacrée à Daimon Hellstrom. Après tout - et je sais qu'il y a le film - ils en sortent une consacrée à Morbius, alors pourquoi pas.
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