Publié en avril 2004, le sixième volet de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage de Spider-Man contient les versions françaises de douze numéros de la série régulière : les "Amazing Spider-Man" #56-67 (de janvier à décembre 1968) ainsi que le "Spider-Man Annual" #5, paru en août de la même année. Cet ouvrage - format 17,7 × 26,8 centimètres et à la couverture cartonnée, avec une jaquette plastifiée amovible - comprend approximativement deux cent quatre-vingts planches en couleurs. Les couvertures ont été reléguées à la fin de ce tome, en bonus.
Stan Lee (1922-2018) et John Romita Sr. écrivent les scénarios de tous les numéros, y compris celui du récit tiré de l'annuel. Lee rédige les dialogues. Romita produit rarement les dessins dans leur intégralité, plus souvent les esquisses, dont les finitions sont confiées à Don Heck (1929-1995). Larry Lieber illustre l'annuel. L'encrage revient à surtout Mike Esposito (1927-2010) et moins à Jim Mooney (1919-2008). Aucun coloriste n'a son nom crédité ici.
À l'issue du tome précédent, Spider-Man est frappé d'amnésie, après avoir été touché par un rayon du Nullificateur, qu'Octopus a dérobé. Le criminel le convainc alors qu'ils travaillent ensemble.
Spider-Man porte le Nullificateur jusqu'au camion d'Octopus. Avec le Tisseur à leurs côtés, ses hommes sont plus confiants ; mais le super-vilain ne veut pas traîner, car il attend l'arrivée de la police d'un instant à l'autre. Une fois installé dans son véhicule, il ordonne au chauffeur de prendre l'itinéraire du repaire, en montagne. Spider-Man reste sous le choc de sa perte de mémoire ; il sent qu'il "méprise viscéralement" le Dr Octopus et qu'il s'en "méfie comme de la peste". Pourtant il semble bien qu'ils travaillent ensemble ; de plus, Octopus est le seul lien avec son passé. Le camion a été signalé aux unités de police ; une voiture les prend en chasse après les avoir croisés. Octopus essaie le Nullificateur...
En dépit du désengagement progressif de Romita Sr., "Amazing Spider-Man" est une série qui demeure au sommet cette année-là encore. Lee et Romita Sr. ne changent pas leur formule magique, et continuent à multiplier les difficultés auxquelles Peter Parker est confronté : son amnésie, dont Octopus profite pour en faire un criminel malgré lui ; la toujours fragile tante May ; sa relation naissante avec Gwen Stacy (curieusement, Mary Jane se montre à peine dans ces numéros), sitôt entamée qu'elle est menacée par un cruel dilemme ; ou encore ses déboires professionnels (Jameson le vire une nouvelle fois). Pire : les auteurs laissent Parker entrevoir (et le lecteur espérer) une forme de bonheur (avec Gwen, justement) pour l'en priver ensuite dans les évènements à venir. Ils varient ces complications, soucieux sans doute d'éviter les répétitions et la lassitude chez le lecteur ; par exemple, tante May est moins employée comme vecteur de drame que dans les épisodes passés. En d'autres termes, Lee et Romita Sr. réussissent à utiliser les mêmes ingrédients, sans tourner en rond. Une nouveauté, peut-être : le rôle de plus en plus important attribué au capitaine Stacy, qui pourrait devenir un allié du Tisseur. Du côté des adversaires, Lee et Romita Sr. alternent des super-vilains, et des quiproquos avec d'autres héros. Du premier côté, Octopus, le Caïd, Mysterio, et le seul, l'unique, le vrai Vautour, Adrian Toomes, comme si Lee et Romita Sr. voulaient réparer la faute de goût du #48, dans lequel Blackie Drago reprenait - usurpait - le flambeau. Aucun nouveau venu, soulignons-le, ce qui permet d'éviter l'écueil de la surcharge. Du côté des quiproquos, Ka-Zar, et Medusa, dans un numéro amusant. Lee et Romita Sr. nous conditionnent surtout - lentement, mais sûrement - au retour de Norman Osborn sous la défroque du Bouffon vert. Dilemmes, déboires, déceptions, action, suspense, rebondissements, etc. : en 1968, "Amazing Spider-Man" s'inscrit dans la lignée des années précédentes.
Comme le dit Christian Grasse dans sa préface, la partie graphique est désormais sur le déclin, Romita Sr. ne se chargeant plus que des crayonnés. Il est indéniable que la différence est sensible. Elle est flagrante dans les numéros que Romita Sr. dessine seul, d'ailleurs. Le travail de Heck, en revanche, reste honorable. Par exemple, la Medusa qu'il produit sur base des esquisses de Romita Sr. est absolument superbe. Heck respecte les proportions et, autant que possible, la vraisemblance anatomique. Ses compositions sont pleines de punch. Le découpage s'enchaîne parfaitement. Malgré les artifices récurrents pour les masquer, les arrière-plans affichent une densité de détails satisfaisante. Cela étant, la rondeur, la douceur du crayon de Romita Sr. n'appartiennent qu'à lui et sont inimitables (en témoigne le visage de Gwen).
La traduction est de Geneviève Coulomb : négation maltraitée, faute de langue, la plaque du musée en allemand, il n'y a pas de préfets aux États-Unis, et incohérence tutoiement-vouvoiement. Grassi se prend pour Lee et inclut ses propres cartouches.
Avec Lee et Romita Sr., pas de repos pour Parker, dont la vie est toujours aussi compliquée, ni pour l'Araignée, dont les ennemis, animés par la rancune, se déchaînent. Ces aventures se succèdent à un rythme insensé. L'annuel est très en deçà du reste.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Les coscénaristes varient ces complications, soucieux sans doute d'éviter les répétitions et la lassitude chez le lecteur : c'est marrant, avec cette phrase, je peux voir Lee et Romita en train de se demander : on fait quoi ce mois-ci ? Ah non, pas ça on l'a déjà fait il y a 3 mois.
RépondreSupprimerRomita Sr. ne se chargeant plus que des crayonnés : ce genre de précision permet de se rappeler que déjà à l'époque, les responsables éditoriaux géraient le temps de leurs dessinateurs les plus en vogue sur les différentes séries, quitte à les remplacer par un autre, et celui de leur directeur artistique.
Grasse se prend pour Lee et inclut ses propres cartouches : ai-je bien compris, il rajoute des remarques ou des observations dans les cases des épisodes ?
Tu as bien compris, oui. Je reste toujours sidéré que Marvel ait permis cela ; je suppose qu'ils étaient quand même au courant.
SupprimerExemple intégral tiré du #56 : "Grâce à son 6e sens d'arachnide... Mais Ock l'ignore et ce n'est pas nous qui le lui dirons ! Chris"
Idem, du #61 : "Ça s'est passé dans un numéro inédit en France, dommage ! Chris-le-Contrit"
Même planche, bande inférieure : "Pauvre Harry, s'il savait !... Espérons qu'il se trompe. Si jamais Norman Osborn se rappelle un jour que le Bouffon vert, c'état lui... on sera tous dans un drôle de pastis ! Chris la menace"
Idem, du #62 : "C'est pourtant le cas, l'épisode précédent en fait foi ! Le beau Chris"
Même numéro, peu après : "Frappé d'amnésie, Osborn a oublié qu'il était lui-même le Bouffon, avant que Spider-Man n'y mette bon ordre... Spidey et nous sommes seuls à le savoir. C."
Idem, du #63 : "Quelques épisodes plus haut. (Les résumés, de toute façon, ça sert à rien !) Chris"
Même numéro, peu après : "Façon élégante de vous tuyauter si vous avez eu l'étourderie de louper Spider-Man l'Intégrale 4... Chris l'irremplaçable"
Idem, du #66 : "Vous avez dévoré Spiderman l'Intégrale 1967, bien sûr ?... Alours qu'ajouter de plus ?... Chris l'optimiste"
Idem, du #67 : "Peter l'a défoncée dans l'épisode précédent, pour se précipiter au secours de sa tante, vous avez remarqué ? Chris"
Je te passe d'autres références moins bavardes.
Merci pour ces nombreux exemples. C'est effectivement culotté et pas toujours dans le ton des remarques brisant le 4ème mur que pouvaient faire certains responsables éditoriaux de temps à autre, avec parcimonie.
SupprimerBonjour, et merci pour ces critiques toujours bien faites.
SupprimerJe me permet d'intervenir sur la cas des cartouches. Pour moi, cela ressemble beaucoup à ce que pouvait écrire Stan Lee mais avec la "fantastique" traduction de Coulomb qui aurait décidé de remplacer "Stan" par "Chris". Je ne possèdes pas les numéros VO pour pouvoir vérifier mais cela me semble tout à fait possible.
Bonsoir, LrrF, et merci pour la visite et le petit mot.
SupprimerC'est tout à fait possible, en effet. Ou est-ce Chris qui a voulu jouer à Stan en imitant son style ? Cela dit, les références aux intégrales Panini sont précises : cela me conforte dans l'idée qu'il s'agit bien de Grassi. Mais le doute peut persister, et effectivement, l'idéal serait de mettre la main sur un numéro en VO. C'est une idée, tiens ; je vais essayer de m'en procurer un, et si jamais j'y parviens, je mettrai le fil de cette discussion à jour.