Paru en septembre 2003, le cinquième volet de l'intégrale que Panini Comics France consacre à Spider-Man contient les versions françaises de douze numéros de la série régulière, à savoir les "Amazing Spider-Man" #44-55 (de janvier à décembre 1967), ainsi que du "Spider-Man Annual" #4, paru en novembre de la même année. Cet ouvrage, format 17,7 × 26,8 centimètres à couverture cartonnée avec une jaquette amovible, comprend approximativement deux cent quatre-vingts pages en couleurs. Chacun de ces épisodes est précédé de sa couverture d'origine (adaptée en VF).
Stan Lee (1922-2018) et John Romita Sr. écrivent les scénarios de tous les numéros, y compris celui du récit tiré de l'annuel. Lee rédige les dialogues. Romita produit les dessins, et la tâche d'encrage revient surtout à Mike Esposito (1927-2010). Marie Severin (1929-2018) est la seule coloriste dont le nom est crédité, enfin.
À l'issue du tome précédent, bien que Spider-Man ait battu le Rhino, Peter Parker déprime : sa vie privée est un fiasco absolu et tante May n'a pu faire renouveler son ordonnance faute d'argent.
New York City. Peter Parker accompagne sa tante May à la gare de Grand Central Terminal. Il lui porte sa valise et son parapluie. Il tente de rassurer la vieille dame au sujet de leurs problèmes d'argent. Après tout, l'agence leur a fait crédit. Et puis d'après le docteur Bromwell, elle a bien besoin de ce séjour en bord de mer. Il n'empêche ; May retient surtout que le premier acompte de son voyage a coûté ses derniers dollars à son neveu. Mais Peter espère bien vendre de nouvelles photos à Jonah J. Jameson pour refaire sa cagnotte. Un peu plus loin, le docteur Curtis Connors se réjouit à l'idée d'accueillir son épouse Martha et leur fils Billy, qui reviennent de Floride. Ils devraient arriver d'une minute à l'autre. Soudain, il réalise que la peau de sa main devient verte et écailleuse, comme celle d'un lézard. Oh non, cela recommence !...
Christian Grasse a beau le rappeler dans sa préface, entre le Peter Parker de Steve Ditko et celui de Romita, la différence est frappante ; certes, Parker est toujours la cible de l'inimitié de Flash Thompson, mais sa cote auprès de ses camarades est en hausse, et le godelureau se permet même d'être à l'origine d'une rivalité entre Mary Jane Watson et Gwen Stacy, les deux canons de son lycée. Mais voilà, le drame du jeune homme est que la vie de Spider-Man l'empêche d'être pleinement Peter Parker et de profiter de celle d'étudiant. Tout se ligue en effet contre lui : un soupçon de vol de bijoux, une blessure lors d'un combat, un adversaire évadé de prison, un gros rhume, la santé vacillante de sa tante, le harcèlement de Jameson, ou d'imprévisibles coups du sort. Son sens étouffant des responsabilités le prive de la jouissance de son autonomie croissante, que l'appartement et la moto symbolisent. Lee et Romita n'hésitent pas à en rajouter, voire à exagérer afin de démontrer que tout se dresse contre Parker : pourquoi changer une formule qui est aussi éprouvée qu'elle est efficace ? D'autant que la réussite continue également du côté des super-vilains ; parce que si Blackie Drago ne vaut rien en comparaison avec Adrian Toomes et que le Shocker n'est guère plus qu'un vulgaire perceur de coffres-forts, au fond, n'oublions pas que c'est dans ces pages que fut créé le Caïd ("Kingpin" en version originale), dans le #50 de juillet. Et que dire de cette animosité viscérale, terriblement palpable qui oppose Spider-Man et le docteur Octopus ? Lee et Romita parviennent à répéter ce qu'ils avaient déjà réussi avec le personnage du Bouffon vert (voir l'intégrale 1966) : donner de la substance à une relation hostile et pleine de fiel. Entre les deux, May, en victime évidente amenée à être exploitée comme dommage collatéral.
Quelle bénédiction pour ces numéros de bénéficier du trait classique et intemporel de Romita Sr. ! Un style universel, au fond, qui aurait tout aussi bien pu illustrer de la bande dessinée franco-belge ! Tout y est : la fluidité, le sens du mouvement, la diversité des cadrages, le dynamisme (grâce aux onomatopées et à la représentation des impacts), l'expressivité... Évidemment, les arrière-plans sont souvent rationalisés, sans que cela soit systématique, d'ailleurs. Finalement, rien n'a vieilli !
La traduction est répartie entre Geneviève Coulomb et Nicole Duclos. Le résultat est douloureux, hélas. Notons trois fautes de mode, des bulles inversées ou répétées, de la littéralité, des noms propres inutilement traduits ou une faute de langue, etc.
Bien que le Shocker et que ce Vautour-là ne soient pas inoubliables, voilà une fournée d'épisodes explosifs dans la lignée des tomes précédents, avec ses scènes culte : le costume dans la poubelle, l'introduction du Caïd, et les hostilités contre Octopus.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Le godelureau se permet même d'être à l'origine d'une rivalité entre Mary Jane Watson et Gwen Stacy, les deux canons de son lycée. - A partir de là, je me suis dit que Peter Parker ce n'était pas moi : je n'ai jamais été l'enjeu d'une telle rivalité. :-)
RépondreSupprimerTa liste de tout ce qui se ligue contre lui est impressionnante : je compatis avec le pauvre Peter, même s'il est plus beau que moi.
Stan Lee et John Romita Sr. écrivent les scénarios de tous les numéros : ça me fait plaisir de découvrir ainsi que JRsr a eu droit à une reconnaissance pour sa participation au scénario.
Un style universel, au fond, qui aurait tout aussi bien pu illustrer de la bande dessinée franco-belge : Je n'y aurais pas pensé, mais je suis un lecteur qui s'attache plus aux différences qu'aux similitudes. Tu rapprocherais JRsr de quel artiste franco-belge ? Des artistes de la même époque ?
Tu sais bien que moi que seule compte la beauté intérieure :-) .
SupprimerJe pense que Lee a crédité Romita pour ne pas commettre la même erreur qu'avec Ditko.
Je ne rapproche Romita d'aucun artiste en particulier, mais peut-être d'un mélange de plusieurs artistes. J'y vois parfois un peu de Vance (mais Romita est moins figé), certainement du Craenhals (Chevalier Ardent), et peut-être un soupçon d'Uderzo (celui de "Tanguy et Laverdure") dans le dynamisme général des compositions.
Merci pour ces rapprochements : je pense que je ne connais pas du tout François Craenhals.
SupprimerIl est bien moins connu que d'autres. Peut-être as-tu lu "Les 4 As" étant gamin ; c'était lui aussi. Son autre grand titre à côté de "Chevalier Ardent".
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