Sorti en septembre 2007, le premier numéro de l'intégrale que Panini Comics France consacre à Wolverine comprend les versions françaises du "Incredible Hulk" #181 (novembre 1974), des "Wolverine" (volume 1) #1-4 (septembre à décembre 1982), d'extraits des "Marvel Comics Presents" #1-10 (septembre 1988 à janvier 1989), d'un épisode tiré du "Marvel Age Annual" #4 (juin 1988), et des "Wolverine" (volume 2) #1-5 (novembre 1988 à mars 1989). Cet ouvrage - 17,7 × 26,8 centimètres, couverture cartonnée, et jaquette amovible - contient un peu moins de trois cents planches en couleurs. Les couvertures d'origine - enfin, quelques-unes, seulement huit sur les vingt - ont été reléguées en fin d'ouvrage - et traduites - en guise de bonus. Notons encore que le titre de la première édition indiquait que la période couverte était "1988-1989", idem pour la première réédition en août 2018 ; cela est amendé en "1974-1989" à sa deuxième réédition, en juillet 2020.
Le "Hulk" a été écrit par Len Wein (1948-2017), dessiné par Herb Trimpe (1939-2015), encré par Jack Abel (1927-1996), et mis en couleurs par Glynis Wein/Oliver. Chris Claremont écrit les épisodes suivants. Frank Miller produit les dessins du premier arc ; son travail est encré par Josef Rubinstein. John Buscema (1927-2002) dessine les autres histoires ; ses planches sont encrées surtout par Klaus Janson, même si Al Williamson (1931-2010) se charge de deux numéros. Enfin, Wein/Oliver est la coloriste principale ; Lynn Varley et Gregory Wright, eux, réalisent un numéro chacun.
Les Rocheuses canadiennes. Habillé en civil, Wolverine s'offre une halte rapide après avoir escaladé un aplomb rocheux. Il laisse un instant libre cours à ses pensées. Il est venu ici pour traquer et tuer : ce qu'il fait de mieux. Sa cible ? Un grizzly enragé qui a causé la mort de plusieurs personnes. Hier, Wolverine a repéré sa trace en fin de journée ; ce matin, à l'aube, il a découvert ses deux victimes les plus récentes, des agents de la police montée...
Ce recueil propose deux arcs principaux avec quelques récits secondaires en plus. Dans le premier, Wolverine se rend au Japon afin de comprendre pourquoi les lettres qu'il a écrites à l'amour de sa vie, Mariko Yashida, lui sont retournées. Claremont construit à partir d'un mystère lourd de sous-entendus une authentique tragédie dont les combats représentent les paroxysmes du scénario et la nécessité de répondre au strict minimum des codes du genre super-héroïque. Dans le second, "Au secours du Tigre", Wolverine joue un rôle de premier plan dans l'ascension d'une jeune femme, Jessán Hoan, à la tête de la pègre de Madripoor. En face, Roche, un trafiquant sans scrupule assisté d'un tandem d'assassins de choix. Au programme, mission commando d'infiltration, torture, et duels de lames. Dans les numéros de la deuxième saison, Wolverine, après une mission de sauvetage d'otages qui tourne en boucherie, doit retrouver un sabre maléfique puis lutter contre un gang adverse. Les #1-3 sont moins intéressants à cause de l'encombrante Lindsay McCabe, tentative de caution comique de Claremont qui s'avère très lourde. L'auteur écrit ici des histoires de pouvoir et de rivalités dans lesquelles princes du crime, ninjas, samouraïs, aventuriers, femmes fatales, exécuteurs sinistres, mercenaires, ou encore sbires ordinaires se croisent en toute impunité. Le foyer de ces épisodes, l'Asie, offre à Claremont la possibilité d'exploiter les différences culturelles, l'exotisme, et un cadre plus hostile, d'autant que l'auteur y met en vedette l'une de ses créations : Madripoor, la cité-État insulaire où le quartier riche jouxte une cour des Miracles interlope, sans zone tampon. Au centre, Wolverine, entre bête sauvage létale et homme de main au grand cœur ; le mutant griffu (le lecteur pourra être surpris) tue, et abondamment, dans des récits noirs aux inspirations multiples. Après plus de treize ans de "Uncanny X-Men", Claremont prouve qu'il sait se renouveler et explorer d'autres registres avec talent.
Le "Hulk" ne présente rien de particulier. Miller impressionne dans le premier arc, notamment par sa science du découpage (très cinématographique), son utilisation de la perspective, son approche novatrice du quadrillage - des éléments sortent parfois des cases (cela donne du relief) ; texte et onomatopées massives peuvent occuper la place d'une vignette - et la diversité de ses plans. À soixante ans révolus, "Big John" Buscema démontre qu'il peut encore damer le pion à de nombreux dessinateurs, bien l'encrage de Janson y soit sans doute pour quelque chose ; ses plus belles années sont derrière lui, mais c'est avec joie que l'amateur retrouvera le coup de crayon de Buscema, avec sa puissance, ses compositions explosives, et sa maîtrise - reconnaissable entre mille - d'une expressivité souvent outrancière, mais imparable.
Selon les numéros, la traduction a été confiée à Laurence Belingard ou à Nicole Duclos. Dans l'ensemble, c'est plutôt convenable ; contre toute attente, il y a même de bons points, à l'exception d'une coquille et de la négation, fréquemment maltraitée.
Cet ouvrage propose quelques arcs intéressants et convaincants. Claremont a ici l'excellente idée d'éloigner ses histoires du genre super-héroïque et emprunte avec un certain bonheur au roman noir autant qu'au registre d'action et d'aventure exotique.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Seulement huit couvertures sur les vingt : voilà qui est très surprenant et qui ne peut s'expliquer que par un volonté de limiter la pagination.
RépondreSupprimerDifficile de porter une appréciation sur ces épisodes historiques : la 1ère apparition du personnage, sa minisérie avec Frank Miller et au Japon, l'amorçage de sa série régulière dans Marvel Comics Presents et les premiers épisodes de sa série mensuelle, contre l'avis de Chris Claremont qui accepte quand même d'en écrire le début.
Le choix de Madripoor : à double tranchant. D'un côté des aventures évoquant les comic-strips des années 1930 comme Terry et les pirates, de Milton Caniff, où le scénariste peut laisser libre cours à son imagination sans s'encombrer de al continuité des titres X. D'un autre côté, une identité secrète risible (Patch) dont plusieurs scénaristes se moqueront dès le départ de Claremont de la série, et des histoires sans conséquences, presque coupée de l'univers mutant.
Je n'avais pas beaucoup apprécié l'encrage de Rubenstein sur les dessins de Miller, et j'avais trouvé Buscema un peu fatigué.
Merci pour ces infos complémentaires.
Supprimer"Patch". C'est "Le Borgne", en français. Évidemment, ce n'est pas crédible pour un sou. Mais j'ai fini par fermer les yeux sur ce détail.
"L'encrage de Rubinstein". Rien ne m'a choqué, à dire vrai. Mais Miller ne fait pas partie de mes dessinateurs préférés, c'est pourquoi je reconnais volontiers que j'examine peut-être plus sa structure et son découpage que son trait.
"Buscema fatigué". Bah, il avait 61 ou 62 ans, à l'époque ; il avait bien le droit d'accuser un peu le coup. Je pense que Janson a peut-être fait un peu plus qu'encrer, dans ces épisodes. C'est surtout les "Marvel Comics Presents" qui m'ont donné cette impression.