"Les Doigts glacés de l'oubli" est le premier volume d'un triptyque intitulé "Mémoires de l'Arcadia", consacré au personnage-culte du capitaine Albator, créé par Leiji Matsumoto en 1969. Cet album a été publié chez Kana - Média-Participations -, en juin 2019. Bien que le contenu soit un manga, il n'en a pas la forme, qui a été pensée pour un public francophone : c'est un ouvrage grand format (22,5 × 29,8 cm), relié (couverture cartonnée), qui se lit à l'occidentale (et donc de gauche à droite), et dont les cinquante-quatre planches sont toutes en couleurs.
Ce recueil a été entièrement réalisé par le Français Jérôme Alquié, un illustrateur passionné de dessins animés japonais des années quatre-vingt ; Alquié produit le scénario, le dessin, l'encrage, ainsi que la mise en couleurs. Parmi les autres œuvres auxquelles il a participé, notons "Surnaturels" (chez Delcourt).
An de grâce 2977, diurnus 43, à bord de l'Arcadia ; Albator travaille à ses mémoires, au son des mélodies mélancoliques que Miimé tire de sa harpe. Il songe à son ami Tochirō, toujours à leurs côtés depuis qu'à sa mort son esprit a été transféré dans l'ordinateur de bord de l'Arcadia. Tochirō serait triste de voir ce qu'est devenue la Terre, cette planète qu'il chérissait tant : ses océans s'assèchent et ses richesses naturelles s'épuisent progressivement... Quant aux humains qui l'habitent encore, ils sont devenus paresseux : ils ont laissé une minorité d'entre eux se lancer dans l'exploitation des ressources d'autres mondes afin d'assurer leur subsistance. Devenus "faibles et lâches", ils ne se préoccupent plus de "leur seul plaisir" ; ils vivent "dans l'opulence et dans un honteux désœuvrement", sans réaliser qu'une menace plane sur eux : les Sylvidres ont commencé leur exode vers la Terre, une ancienne colonie qu'elles occupèrent avant les premiers humains. Les humanoïdes végétales savent qu'il n'y a que sur la Terre que leur civilisation pourra survivre...
Nul doute que c'est la partie graphique plus que le scénario que scruteront les connaisseurs ; tout est à l'identique de la série, dans ce style manga shōnen grand public très expressif. Alquié a révélé qu'il avait apposé sa "patte personnelle" à Albator ; on constatera que le regard et la mine du corsaire de l'espace sont sensiblement plus durs, moins marqués par la mélancolie que dans la série télévisée. Mayu est moins bambine, et paraît plus âgée que dans l'animé. Outre le design des protagonistes et cet Arcardia sublimissime, la mise en page attire l'attention : elle est originale, dynamique, complexe, en cela qu'Alquié emploie systématiquement les techniques des bords perdus et de l'incrustation (les gouttières sont rares), ce qui contribue à accentuer le rendu télévisuel. La densité de cases par planche peut atteindre treize : un nombre assez élevé qui soutient la cadence narrative. La mise en couleurs est relativement satisfaisante, elle souligne les contrastes, mais est parfois terne.
"Les Doigts glacés de l'oubli" s'inscrit pleinement dans le souvenir de la série télévisée "Albator 78" ; il n'y a donc ni relecture ni originalité à attendre de cette trilogie, mais la franchise est soignée avec respect. Les nostalgiques devraient être comblés.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Manga, Shonen, Space Opera, Albator, Mémoires de l'Arcadia, Sylvidres, Jérôme Alquié, Leiji Matsumoto, Kana
Je ne m'attendais as à voir surgir Albator sur ton blog.
RépondreSupprimerIl faut reconnaître du courage à Alquié : exactement ce que je pense. D'un côté, la probabilité est assez élevée que ça fasse un carton en termes de vente ; de l'autre côté tous les puristes vont lui tomber sur le dos.
Une tierce partie crée la surprise et vient bousculer le manichéisme habituel : un grand classique pour éviter la dualité basique du bien contre le mal, mais avec la tentation que deux partis s'unissent contre la 3ème, retombant ainsi dans une opposition binaire.
Tes commentaires sur la mise en page m'ont incité à aller en consulter quelques unes sur internet : effectivement,, c'est dynamique, avec des camaïeux impressionnants.
La franchise est traitée avec respect : ma nostalgie pour cette série n'est pas assez développée pour je sois tenté.
Tiens, c'est curieux. Je peux te demander pourquoi tu ne t'attendais pas à voir cette série ici ?
SupprimerOui, il y a là de très belles planches, y compris des doubles vraiment spectaculaires. Alquié ne semble pas s'être ménagé.
J'ai lu qu'Alquié s'attaquait aux "Chevaliers du zodiaque" (c'est en cours). Je m'y intéresserai, mais le degré de nostalgie n'est pas le même que pour Albator. A priori, la sortie du premier tome (il y en aura cinq) est prévue pour la période estivale (août ?).
Je ne sais pas : je n'imaginais pas que cette forme de reprise d'un personnage par un autre auteur, dans un autre type de bande dessinée (manga -> franco-belge) soit de nature à t'attirer, peut-être aussi ta déconvenue sur les tomes de Blueberry repris par Jean Giraud. En tout cas, ce fut une surprise totale en découvrant la couverture et le titre de l'article.
SupprimerEffectivement, je n'avais pas vu les choses sous cet angle-là. Nul doute que ma nostalgie de la série "Albator 78" est passée par là.
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