dimanche 8 mai 2022

"L'Incroyable Histoire du vin" (Les Arènes BD ; septembre 2018)

"L'Incroyable Histoire du vin" est une bande dessinée pédagogique, qui a pour sujet, comme l'énonce le sous-titre, l'histoire du vin "de la préhistoire à nos jours" soit "10 000 ans d'aventure". Cet ouvrage relié (avec couverture cartonnée) au format 18,0 × 25,5 centimètres est un one-shot de deux cent vingt-quatre planches en couleurs auxquelles s'ajoutent deux pages de notes et de commentaires, et une troisième qui liste les sources et établit une bibliographie. Il est paru chez l'éditeur Les Arènes BD en septembre 2018. Cet album, à ce jour, a connu deux rééditions. 
C'est Benoist Simmat qui écrit "L'Incroyable Histoire du vin" ; journaliste et essayiste français, Simmat est également coauteur de "In vino satanas" et scénariste de "Robert Parker : Les Sept Péchés capiteux", entre autres ouvrages et bandes dessinées sur le thème du vin. Les dessins et l'encrage sont assurés par l'Ardennais Daniel Casanave, qui a illustré bon nombre de biographies et de bandes dessinées pédagogiques dont "L'Univers" (le tome 2), dans la collection "La Petite Bédéthèque des savoirs". Enfin, Patrice Larcenet - frère de Manu - compose la mise en couleurs. 

Un hipster roux - cheveux longs, barbe, lunettes, chemise à carreaux rouges et noirs, jeans avec ourlets à revers, et bottines - est assis à la table d'un bistrot, devant une bouteille de vin rouge dont il déguste un verre. Une jolie et jeune femme brune lui demande qui il est. Il feint l'étonnement ; ne le reconnaît-elle donc pas ? L'inconnue a pourtant remarqué sa barbe, son regard malicieux, son énergie communicative. Oui, il est bien Bacchus, le dieu romain du Vin, anciennement Dionysos chez les Grecs. Elle l'interroge sur l'absence de toge ; il explique que cette allure a été conçue par le dessinateur Casanave, afin d'obtenir une version moderne et citadine. Puis il ajoute qu'il va servir de guide aux lecteurs de cette bande dessinée ; personne n'est mieux placé, le récit qu'il va conter couvrant "environ dix millénaires"... 

La bande dessinée pédagogique est un exercice difficile. Généralement, les auteurs choisissent de délaisser le ton sérieux et réaliste pour éviter de susciter l'ennui, et préfèrent combiner pédagogie et humour afin que le contenu puisse être assimilé avec plus de facilité. Pas de surprise : "L'Incroyable Histoire du vin" privilégie l'option numéro deux. C'est une double approche qui a été retenue, à la fois chronologique et régionale, le développement du vin connaissant des impulsions selon les périodes et les régions du globe. Il y a dix chapitres : "Aux commencements", "La Folie des antiques", "Nos ancêtres les (vins) gaulois", "L'Orient compliqué", "Le Sang du Christ", "Le Paradoxe de l'islam", "L'Étendard des temps féodaux", "Les Grandes Découvertes", "Vers l'Amérique et au-delà", et "Le Sacre des terroirs". Leur longueur varie entre quinze et vingt-cinq planches. Simmat respecte la promesse qu'implique le sous-titre de l'ouvrage : oui, le lecteur suit bien le développement du vin de la préhistoire à nos jours, c'est-à-dire de la domestication de la vigne dans la région du Croissant fertile (plus particulièrement en Anatolie) à l'Américain Robert Parker et son système de notation, qui ont leurs détracteurs. Tout cela sans que la linéarité du propos soit trop pesante ; évidemment, le découpage en chapitres bien distincts, chacun avec son thème propre, aide à maintenir l'intérêt du lecteur. Celui-ci découvre ou redécouvre ainsi l'impact des préférences culturelles, des religions (y compris l'islam), des grandes évolutions techniques (le tonneau, la bouteille en verre, le bouchon de liège, etc.), et les apports des grands penseurs et des innovateurs du vin : d'Hésiode et son "Les Travaux et les jours" à Pascal Ribéreau-Gayon (1930-2011) et la fermentation malolactique, en passant par les cisterciens et leur viticulture de précision entre autres exemples. L'ouvrage embrasse la question dans sa globalité et ne se cantonne pas à la France ou à l'Europe, bien qu'il leur fasse quand même la part belle. Pour être exhaustif, Simmat condense. L'humour est convenu et tombe parfois à plat, mais l'album a des atouts pour devenir un outil de vulgarisation efficace. 
La bande dessinée pédagogique est un type d'exercice qui contraint - en partie - la liberté de travail du dessinateur. Ce dernier doit principalement illustrer des scènes complètes en une seule case, plus qu'il ne doit développer une véritable narration visuelle, avec découpage et réflexion sur le quadrillage. Inutile de chercher dans ses planches une approche sophistiquée de la perspective ou de l'angle de prise de vue. Généralement, Casanave utilise le registre caricatural sauf lorsqu'il représente des personnages historiques en portrait. La densité de détail varie avec les dimensions de la case. Les finitions ne sont pas poussées, mais aucune case ne semble avoir été bâclée. Casanave emploie des caractéristiques d'arts picturaux des époques concernées (exemple : les styles des fresques de la Grèce et de l'Égypte antiques). Quant à l'encrage, le coup de crayon est très fin, mais les zones d'ombre sont souvent grasses. La colorisation est honorable. Il y a, enfin, un clin d'œil à "Astérix"

"L'Incroyable Histoire du vin" est une bande dessinée de vulgarisation qui tient ses promesses, tout en reflétant la complexité de son sujet. Le lecteur s'habituera assez aisément à l'humour un peu poussif et aux quelques lacunes de sa partie graphique. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Je me retrouve complètement dans tes remarques sur les contraintes inhérentes à la bande dessinée pédagogique.

    224 pages pour 10.000 d'histoire : ça ne m'étonne pas que l'ouvrage soit dense pour réussir à caser autant d'informations.

    Une double approche, à la fois chronologique et régionale […] L'ouvrage ne se cantonne pas à la France ou à l'Europe : voilà une façon de faire qui correspond à mes attentes, à savoir le respect de la chronologie pour que je ne me perde pas, et un regard qui ne reste pas focalisé sur la France ou l'Europe.

    Le dessinateur doit principalement illustrer des scènes complètes en une seule case, plus qu'il ne doit développer une véritable narration visuelle, avec découpage et réflexion sur le quadrillage. - Ça me déçoit un peu quand j’ai l’impression que le scénariste a donné un texte clé en main au dessinateur qui doit chercher comment rendre visuel, un texte pensé comme un exposé écrit.

    Casanave emploie des caractéristiques d'arts picturaux des époques concernées : un dispositif classique mais qui fonctionne toujours bien sur moi.

    Bilan à 3 étoiles : ça ne me motive pas suffisamment pour tenter la lecture.

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    1. Oui, il y a de très bonnes choses dans cet album. Je ne sais pas de quelle liberté Casanave a bénéficié ; je pense que le script de Simmat devait être très serré.
      Quoi qu'il en soit, on ne peut pas dire que le plaisir de lecture ait été renversant, mais j'aurai appris beaucoup de choses sur le vin.

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