jeudi 12 mai 2022

Eternal Warrior : "Chroniques du Guerrier éternel" (Bliss Comics ; mars 2019)

"Chroniques du Guerrier éternel" est un album consacré à Gilad Anni-Padda, le Guerrier éternel, personnage de la maison Valiant créé par Jim Shooter et Don Perlin en 1992. Paru chez Bliss Comics en mars 2019, ce recueil relié (à couverture cartonnée) inclut environ deux cent quatre-vingt-dix planches et une dizaine de pages de bonus, dont dix variantes de couvertures sur trois pages, et des dessins avant encrage/colorisation, sur deux doubles pages et une pleine. Le volume comprend les versions françaises des #1 à 8 de "Eternal Warrior" (septembre 2013 à avril 2017), la minisérie "Eternal Warrior: Days of Steel" (les #1-3, novembre 2014 à janvier 2015) et enfin "Eternal Warrior: Awakening" (mai 2017). 
Greg Pak scénarise "Eternal Warrior", Peter Milligan "Days of Steel", et Robert Venditti "Awakening""Eternal Warrior" est dessiné par Trevor Hairsine, avec Clayton Crain et Diego Bernard, "Eternal Emperor" (#5-8) par Robert Gill"Days of Steel" par Cary Nord, et "Awakening" par Renato Guedes ; et lorsque ceux-ci n'encrent pas leurs propres planches, ce sont les encreurs Alejandro Sicat, Vicente Cifuentes, Victor Olazaba, et Mark Pennington qui se partagent cette tâche. Brian Reber (le coloriste attitré), Guy Major, John Rauch, et Ulises Arreola se répartissent la mise en couleurs. 

Mésopotamie, durant l'antiquité : des sorciers bénissent une armée avant la bataille. L'un d'eux stoppe devant Gilad Anni-Padda. Les "ennemis de la Terre" sont venus "effacer toute trace" de leur lignée ; Gilad, "le poing et le bronze", "le léopard des plaines", les écrasera-t-il ? Le regard concentré, le Guerrier éternel ordonne au sorcier de s'activer. Son attention est alors captée par une silhouette : celle de sa fille Xaran, qui ne devrait pas être là. Elle justifie se présence par le fait qu'ils ont besoin de toutes leurs forces contre le culte de Nergal. Avant qu'elle achève sa phrase, son père furieux lui assène un crochet du gauche ; n'a-t-elle pas compris que Nergal et ses troupes exterminaient tout ce qui vit ?... 

Le Guerrier éternel est le personnage le plus central de l'univers Valiant ; bien qu'il joue un rôle secondaire, mais important dans la plupart des titres de la maison (son statut de quasi-immortel le rend employable à loisir), sa franchise est pauvre en comparaison avec "X-O Manowar" ou "Ninjak". Le lecteur francophone accueillera donc la parution avec enthousiasme. Dans "Eternal Warrior", Pak ne s'encombre pas de préliminaires : il plonge le lecteur dans une bataille rangée. Son intrigue couvre trois continents et trois époques différentes. Gilad a servi la Terre en luttant contre les incursions barbares, mais il ne comprend plus ce que veut sa maîtresse ; écœuré par la mort, il se retire avant d'être tiré de sa retraite. Classique. Au fil des révélations, l'incompréhension devient rage. Il ourdit un complot improbable, occire la divinité dont il fut champion ; à ses côtés, sa coriace de fille, en dépit d'un acte irréparable. Aucunement sympathique, Xaran n'a pas été réutilisée depuis. Pak évoque encore l'existence de maisons, sans développer. Malgré l'action permanente, il est ardu de trouver des qualités à cet arc, pas toujours plausible. Pak est bien plus inspiré avec "Eternal Emperor", bijou sur la nature de l'humanité : des inventeurs infatigables pour le meilleur et pour le pire, mais aussi une espèce à qui la guerre colle à la peau. L'action se déroule en 4001 apr. J.-C. Vieillissant , mais lucide et vaillant, l'empereur Gilad est accompagné de sa petite fille. C'est rafraîchissant, étonnant, émouvant et intelligent. "Days of Steel" est une autre réussite ; l'action se déroule au IXe siècle, au moment des raids magyars contre l'Empire franc et de la conquête hongroise. Milligan écrit un récit à la manière d'un conte médiéval dans lequel Gilad comprend que la Terre joue ses coups sur plusieurs années et admet que sa foi "finit toujours par revenir". Enfin, "Awakening" s'inspire beaucoup de l'univers de Conan. L'acte de Gilad - le pragmatisme à son paroxysme - pourra surprendre plus d'un lecteur. 
Hairsine dessine dans un registre réaliste. Ses cases ne sont pas suffisamment denses, car il néglige le détail et les arrière-plans. Clayton utilise la peinture numérique, dans un rendu exceptionnel, riche et varié ; cela crée un étrange contraste avec le coup de crayon de Bernard, qui est trop rond. Le trait de Gill est fin, régulier, avec une belle densité de détail et des décors soignés. L'artiste a le sens de l'expressivité et celui du mouvement et ses planches claires rendent la lecture particulièrement agréable. Enfin, Nord évolue dans un registre réaliste avec quelques petites touches caricaturales çà et là ; cela et un quadrillage original donnent de la personnalité à son travail. Le trait de Guedes est fin, régulier, plus classique, mais postures et expressions sont figées. La colorisation est parfois terne ou manque de contraste. 
La traduction de Mathieu Auverdin est acceptable, mais le texte n'a pas été relu : une faute d'orthographe ("poux" pour "pouls"), une de conjugaison, une de mode, une de genre, une incohérence tutoiement-vouvoiement, et un résultat souvent littéral. 

Ces "Chroniques du Guerrier éternel" alternent le bon, voire l'excellent, et le médiocre, que se soit concernant son scénario ou sa partie graphie. D'un auteur à l'autre, le personnage de Gilad manque véritablement de constance dans sa caractérisation. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

2 commentaires:

  1. Merci pour cette critique sur des épisodes que je n'ai pas lu, car bizarrement c'est l'un des personnages qui m'attire le moins de l'univers Valiant. Dans mon souvenir, je n'avais pas lu non plus sa série initiale en 1992.

    Après t'avoir lu, je regrette d'avoir laissé passer les épisodes de Peter Milligan, car quand ce scénariste est inspiré, il est vraiment bon, et bien sûr les pages de Clayton Crain. Toutefois l'hétérogénéité de ce recueil me dissuade d'en tenter la lecture. Merci pour ces sous ainsi économisés.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mon avis strictement perso - et qui n'engage que moi - et que seul Milligan, de ce que j'ai lu, a vraiment compris la façon dont il fallait caractériser le Guerrier éternel (toujours selon moi) ; bien plus que Pak dans ces quatre premiers numéros, en tout cas. Et au moins aussi bien que Venditti, sinon bien mieux, bien que Venditti ait aussi écrit "La Colère du Guerrier éternel", que j'avais trouvé bon à l'époque.
      J'ai encore "Incursion" en stock, que j'ai l'intention de lire sans trop tarder.

      Supprimer