"Année un" est le premier des sept tomes de la version française de la série "Wonder Woman" du "Rebirth", nouvelle ère éditoriale lancée en août 2016 (la cinquième pour le titre "Wonder Woman"), qui succède aux "New 52" (volume quatre ; 2011-2016), connus en France sous le nom de "Renaissance DC". Ce recueil inclut les versions françaises des "Wonder Woman" #2, 4, 6, 8, 10, 12 et 14 (seulement les numéros pairs ; ils couvrent la période de septembre 2016 à mars 2017). Cet ouvrage relié (format 18,7 × 28,2 cm) est sorti en juin 2017 dans la collection "DC Rebirth" d'Urban Comics ; il compte cent trente-sept planches avec les couvertures et huit pages de bonus (variantes de couvertures, étude graphique).
Ces sept numéros sont écrits par le Californien Greg Rucka. Rucka est un habitué de l'Amazone (cf. "Greg Rucka présente Wonder Woman"). L'Australienne Nicola Scott est l'illustratrice attitrée de la série : elle a réalisé les dessins et encré les planches de tous les numéros, sauf du #8, qui a été produit (les dessins et l'encrage) par une autre artiste, la Brésilienne Bilquis Evely. Le Philippin Romulo Fajardo Jr. compose la mise en couleurs des sept parties.
Une nuit, en pleine forêt. Steve Trevor et son camarade Nick, des Navy SEALs, essaient de se repérer ; ils sont vraisemblablement en plein exercice. Nick craint qu'ils soient perdus. Steve l'informe que le GPS est "foutu" ; cela conforte Nick dans son hypothèse. Trevor lui indique un chemin à suivre ; il s'est repéré grâce aux étoiles. Au même moment, sur l'île du Paradis, quelques Amazones observent les étoiles. Aréto cherche à stimuler l'enthousiasme de Diana pour la voûte céleste. Sait-elle ce que les étoiles peuvent leur apprendre ? Les cieux lui ont-ils déjà révélé tous leurs mystères ? Pourquoi Diana regarde-t-elle l'horizon, plutôt que de lever les yeux ? Mais Diana répond que si ses sœurs ont toutes des souvenirs du monde qu'elles ont quitté - aussi douloureux soient-ils -, elle n'a jamais vu ce qui se trouvait au-delà des côtes de leur île...
DC Comics, pour cette nouvelle ère éditoriale, a choisi un fin connaisseur de l'Amazone (preuve qu'ils peuvent prendre de bonnes décisions quand même) : Greg Rucka. Dans son récit, Rucka ne revient pas sur les origines de Wonder Woman, mais situe l'action à la veille du départ de Diana de l'île du Paradis pour le monde des hommes. Tout n'est qu'harmonie à Themyscira : le lesbianisme des Amazones (un choix de l'auteur) coule de source et apparaît comme une évidence. Les Amazones s'intéressant aux sciences, leur technologie, bien qu'elle côtoie quelques archaïsmes, est très avancée. Pourtant, la Diana de Rucka a le vague à l'âme et rêve d'autres horizons. Elle sera servie. Car le monde des hommes, hélas, ne lui réserve que brutalité, méfiance, incompréhension ; c'est classique, mais Rucka développe l'idée avec intelligence. Prise des empreintes digitales, photographie d'identité judiciaire, prison... Pas mal, pour une première nuit au pays de l'oncle Sam, d'autant que l'armée états-unienne va ensuite mesurer ses performances, comme un laboratoire le ferait avec un cobaye. La caractérisation de la principale intéressée est peut-être la grande réussite de ce tome. Diana n'a pas encore atteint sa maturité. Elle est déjà forte, brave, courageuse, honnête, avec ce sens de la compassion qui la caractérise, mais elle apparaît naturelle et candide comme jamais, sans aucune péjoration. En cela le personnage dégage un charisme absolument irrésistible. La Dre Minerva, la lieutenante Candy : la mythologie de la franchise dans le cadre du "Rebirth" se remet en place, sans bouleversement, d'autant que Rucka prend soin de rendre caduque l'approche de Brian Azzarello dans la saison quatre. Ici, la vision classique et iconique de George Pérez (1954-2022) prévaut ; elle engendrera un déjà-vu chez les fidèles de Diana, surtout lorsqu'Arès entre en scène. L'intrigue est un brin convenue et prévisible, mais Rucka n'est pas le premier venu : il ferre le lecteur sans la moindre difficulté.
La partie graphique de Scott est magistrale. Quel réalisme ! Quelle minutie ! Et, surtout, quelle expressivité convaincante ! Pour la lecture de Rucka, Scott est l'artiste idéale. Apprécions qu'elle éloigne Diana des canons de beauté à l'anglo-saxonne. Elle ne se contente pas d'une longue chevelure noir de jais sur un corps sculptural. Ici, les racines méditerranéennes de Diana sont flagrantes. Notons que Trevor apparaît souvent torse nu. Scott aurait-elle voulu brocarder ces confrères qui se complaisent dans la représentation d'héroïnes dans des poses lascives, ou sous l'angle le plus racoleur ? C'est plausible. Le découpage est d'une limpidité remarquable. Evely produit un beau numéro, mais son art, qui serait parfait pour des comics indés, est trop éloigné de celui de Scott. Enfin, George Pérez a droit à un caméo amusant.
La traduction a été confiée à Thomas Davier, qui est, à mon avis, l'un des meilleurs traducteurs anglais-français du circuit - si pas le meilleur. Et malgré l'une ou l'autre difficulté, le texte est impeccable : ni faute ni coquille, un bonheur pour le lecteur.
Voici malgré le déjà-vu inévitable une très belle version de Wonder Woman, avec des passages terriblement émouvants, couronnée par une splendide partie graphique. Après Azzarello "Wonder Woman" en revient à une orientation classique et iconique.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Wonder Woman, Arès, DC Rebirth, Greg Rucka, Nicola Scott, DC Comics, Urban Comics
Pour une raison inconnue, l'éditeur DC Comics avait préféré publié un premier tome contenant les épisodes Wonder Woman: Rebirth 1, et Wonder Woman 1, 3, 5, 7, 9 et 11. Comme je n'avais pas plus accroché que ça à ce redémarrage, je n'avais pas continué. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas lu cette nouvelle version des origines.
RépondreSupprimerLa caractérisation de la principale intéressée est peut-être la grande réussite de ce tome. Diana […] apparaît naturelle et candide comme jamais. - Je reconnais bien là la version de George Pérez.
La vision classique et iconique de George Pérez (1954-2022) prévaut ; elle engendrera un déjà-vu chez les fidèles de Diana. - Du coup, je vais m'en tenir à l'original de Pérez.
Va savoir pourquoi, j'étais pourtant persuadé que tu avais lu cette nouvelle mouture. Enfin, soit. Ici, il m'apparaît surtout que Rucka a voulu faire table rase de ce qu'Azzarello avait écrit, et je ne lui jetterai certainement pas la pierre pour l'avoir fait, loin de moi cette idée. Son objectif de se recentrer sur la période Pérez comme la matrice moderne de la franchise est flagrante, mais il n'aurait pas pu s'y prendre autrement.
SupprimerJe vais continuer cette lecture (je ne lirai pas le second tome avant quelques mois), même si je crois savoir que ce "run" n'a pas fait l'unanimité. Nous verrons bien.