mercredi 10 août 2022

"Captain America" : L'Intégrale 1941 (Panini Comics ; juillet 2021)

Ce tome sorti en juillet 2021 est le premier de l'intégrale que Panini Comics France consacre au Captain America période Timely Comics. C'est un album de 17,7 × 26,8 centimètres à couverture cartonnée et jaquette amovible, qui compte environ deux cent soixante planches, couvertures incluses. Il comprend les versions françaises des "Captain America Comics" #1 à 4 (de mars à juin 1941, volume 1). Curieusement - ou pas, l'intégrale reprend les numéros dans leur entièreté, c'est-à-dire qu'elle ne se limite pas à Captain America ; des épisodes de "Hurricane, Master of Speed" ("Ouragan" en version française) et de "Tuk, Caveboy" figurent aussi au sommaire. En bonus : une préface de Roy Thomas, une postface de Joe Simon, des publicités pour le titre insérées dans d'autres revues, et de sobres biographies des auteurs principaux. 
Si Simon (1913-2011) et Jack Kirby (1917-1994) - y compris sous le pseudonyme Charles Nicholas - sont les principaux scénaristes et artistes, de nombreux noms ont été crédités, Ed Herron (1917-1966), Stan Lee (1922-2018), Al Avison (1920-1984), Mac Raboy (1914-1967), Jim Mooney (1919-2008), Al Liederman, Reed Crandall (1917-1982), Al Gabriele, Al Avison (1920-1984), Bernie Klein (1921-1944), George Roussos (1915-2000), Chu Hing (1897-1967). 

États-Unis, début 1941. La cinquième colonne organise une vague de sabotages qui paralyse l'industrie de l'armement du pays. À la Maison-Blanche, Franklin Delano Roosevelt, le 32e président des États-Unis, reçoit deux officiers de l'U.S. Army. La conclusion de ces messieurs est sans équivoque : l'armée est truffée d'espions infiltrés dans ses rangs. Impossible d'arrêter "cette vermine". Roosevelt plaisante : peut-être que la Torche humaine pourrait résoudre le problème ? Il redevient sérieux et explique qu'ils ont commencé à agir. Il fait entrer un homme qu'il présente comme le chef du FBI J. Arthur Grover, qui leur demande de passer des vêtements civils ; ils filent par-derrière et prennent un véhicule... 

Voici les premières aventures et les origines de Captain America, quatorze histoires n'excédant pas la quinzaine de planches. S'y ajoutent trois nouvelles de deux pages chacune. L'éditeur français ayant intégré les "Hurricane, Master of Speed" et "Tuk, Caveboy", il s'agit d'une intégrale de contenu plutôt que centrée sur un personnage ; Marvel en a probablement imposé le contenu. En mars 1941, les États-Unis ne sont pas encore entrés en guerre, mais depuis septembre 1940 l'opinion publique penche de plus en plus en faveur d'une intervention militaire. L'industrie du comics va s'en faire l'écho. Au début prudemment, explique Thomas dans la préface. Mais "Captain America Comics" met en scène sans aucun complexe des nazis à l'accent lourd butors à souhait, engendrés pour subir les bourre-pifs de Cap et Bucky et être tournés en ridicule malgré la réalité de la menace. Hitler lui-même y passe ! Simon et Kirby avaient sans doute trop d'imagination pour se limiter aux bagarres avec les espions de la cinquième colonne : le lecteur d'aujourd'hui sera surpris par la variété des registres explorés par les auteurs. Certes, les méchants ont tous prêté allégeance à Hitler et tous sont motivés par la haine ou le mépris de la démocratie ; mais on trouve ici des escrocs, des savants fous, des industriels mégalomanes, des financiers assoiffés de pouvoir et leurs géants venus d'Asie, des acteurs jaloux, etc. Et bien sûr Crâne rouge, déjà présent... Plusieurs récits sont écrits dans une veine policière tandis que d'autres flirtent avec les frontières de l'épouvante, voire de l'horreur. Tout est rudimentaire, axé sur l'action, avec une morale récurrente : la démocratie vaincra. Cela fait quatre-vingts ans que le Troisième Reich a capitulé, et les lecteurs sont différents ; il n'empêche, ces planches représentant la quintessence de l'art propagandiste à destination de la jeunesse restent jubilatoires. Notons une curiosité, preuve que les auteurs se méfiaient également des Soviétiques. Dans le #4, Cap affronte Ivan le Terrible en rêve, bien que le pacte germano-soviétique prévalait toujours à ce moment-là, l'opération Barbarossa n'ayant été déclenchée que le 22 juin. 
Il serait délicat de vouloir déceler l'art du "King" dans ces planches. Elles se caractérisent par une fluidité certaine et un sens du mouvement remarquable ; leur niveau d'expressivité peut s'avérer étonnant. Les portraits sont parfois très fortement ombrés avec une tendance à la surcharge. Il est probable qu'il s'agisse d'une liberté prise lors de la phase d'encrage. Le niveau de détail des arrière-plans pourra également surprendre ; le lecteur s'attendait peut-être à une densité moindre. Cela n'empêche pas les fonds de cases artificiellement meublés avec des explosions, de la fumée, ou des onomatopées qui occupent une bonne partie de la vignette, par exemple. Les finitions sont assez aléatoires. Enfin, la mise en page et le quadrillage sont, ici encore, sans doute plus originaux et novateurs qu'on ne l'aurait imaginé. 
La traduction de Mathieu Auverdin est souillée : une faute d'accord, deux d'orthographe, une de syntaxe, deux de grammaire, un anglicisme, et deux coquilles. Assez !

Panini Comics France, avec ce numéro intéressant, propose un double pan de l'histoire des comics : l'industrie lors des derniers mois avant l'entrée en guerre des États-Unis à travers quatre mensuels dans leur intégralité, parus chez l'ancêtre de Marvel. 

Mon verdict : ★★★★☆ pour le contenu / ★★★☆☆ pour l'édition

Barbüz
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Captain America, Bucky, Crâne rouge, Jack Kirby, Joe Simon, Timely Comics, Panini Comics

3 commentaires:

  1. Il s'agit d'épisodes que je n'ai pas lus, ce que je regrette. Je n'avais pas saisi l'occasion de la réédition VO au bon moment et elle est pour l'instant épuisée, sauf en omnibus, format que je trouve peu pratique.

    La quintessence de l'art propagandiste à destination de la jeunesse : une remarque très intrigante qui donne envie de savoir si c'était une spécification de l'éditeur, ou une idée des auteurs soit par conviction personnelle, soit en piochant dans les informations les plus polémiques de la presse de l'époque.

    Il serait délicat de vouloir déceler l'art du King dans ces planches : c'est ma seule motivation pour lire les épisodes de Captain America, déceler les caractéristiques de l'artiste qui deviendra le King, mesurer le chemin parcouru.

    Le niveau de détail des arrière-plans pourra également surprendre : en songeant à une remarque antérieure sur les décors dans les BD franco-belge, c'est amusant de constater que s'attend à une densité de décors très relative dans les comics.

    La mise en page et le quadrillage sont, ici encore, sans doute plus originaux et novateurs qu'on ne l'aurait imaginé : j'en déduis que les pages ne sont pas que des bandes de cases rectangulaires sagement alignées.

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    1. Les omnibus sont un format peu pratique, effectivement. Je ne prétendrai pas que je regrette l'achat des "Dracula", mais ce n'est pas transportable et ce n'est pratique à lire dans aucune position, sauf assis à une table ou un bureau. J'allais céder à l'appel des omnibus de Byrne sur "Fantastic Four", mais des clous, finalement.

      La propagande. Je pense qu'à l'époque, cela venait de l'éditeur autant que des auteurs. Peut-être plus de ces derniers, mais le premier devait suivre.

      J'ai bien repéré quelques postures et traits qui annoncent le Kirby de la fin des années soixante, mais c'est parce que je savais que c'était Kirby.

      Non, les bandes ne sont pas sagement alignées. Les gouttières ne sont pas non plus rectilignes, il y a souvent un côté en arc de cercle ; c'est curieux. Les dessins débordent aussi souvent d'une bande sur une autre ; sais-tu comment on appelle cette technique ? Je l'ignore.

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    2. Je suis aussi curieux de découvrir ces épisodes car cette phase de la vie de Jack Kirby, le fonctionnement en studio avec Joe Simon, est également développée dans sa biographie réalisée par Tom Scioli.

      http://www.brucetringale.com/la-version-moins-mediatique-de-lhistoire-jack-kirby-the-epic-life-of-the-king-of-comics/

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