vendredi 3 mars 2023

Batman : "Cataclysme" (Urban Comics ; mars 2014)

Intitulé "Cataclysme", cet album est le prélude à "No Man's Land", un crossover en six tomes de la franchise Batman. "Cataclysme" est sorti en mars 2014 dans la collection "DC Classiques" de l'éditeur parisien Urban Comics. Le contenu est identique à celui de la version originale. Au sommaire, les versions françaises des "Detective Comics" #719-721 (mars-mai 1998), "Batman: Shadow of the Bat" #73-74 (avril-mai 1998), "Nightwing" (vol. 2) #19-20 (id.), "Batman" #553-554 (id.), "Azrael" #40 (avril 1998), "Catwoman" vol. 2 #56-57 (avril-mai 1998), "Robin" (volume 4) #52-53 (id.), "Batman: Blackgate - Isle of Men" (avril 1998), "Batman Chronicles" #12 (mars 1998), "Batman: Huntress & Spoiler" (mai 1998), et enfin, "Batman: Arkham Asylum - Tales of Madness" (idem). Cet ouvrage relié (couverture cartonnée) de dimensions 17,5 × 26,5 centimètres compte approximativement quatre cent vingt planches. 
Au total, la production de Cataclysme a nécessité le concours de plus de quarante artistes, qu'ils soient scénaristes, dessinateurs, encreurs, ou coloristes. Les citer exhaustivement n'aurait pas de sens ; retenons néanmoins quelques noms. Parmi les scénaristes, Chuck Dixon, Alan Grant (1949-2022), Doug Moench, Dennis O'Neil (1939-2020) ou Devin Grayson. Chez les dessinateurs, Jim Aparo (1932-2005), Mark Buckingham, Scott McDaniel, Klaus Janson, Jim Balent, ou Alex Maleev. Pour les encreurs : Bob McLeod, Wayne Faucher, Sal Buscema, ou Bill Sienkiewicz. Et enfin, les coloristes, avec Pamela Rambo, Noelle Giddings, ou Lee Loughridge

Spillkin Hill, canton de Bristol à Gotham City. Il est 18h00. Installée avec tout son matériel disposé à même l'herbe, la sismologue Jolene Relazzo se confie à son dictaphone : la jeune femme a remarqué l'activité inhabituelle des chauves-souris, et les lumières du ciel nocturne, observées à la surface de la lune pendant les nuits précédentes. Elle vient juste de procéder à quelques relevés et espère bien que ses soupçons ne sont pas fondés. Cherchant leur chien, et l'ayant entendue parler, deux adolescents - un frère et une sœur - l'interrompent et posent leurs questions. Pédagogue, elle répond qu'elle prend des notes pour ses recherches... 

"Cataclysme" inaugure "No Man's Land". Peu de préliminaires, le séisme frappe vite et fort, et détruit la majeure partie de Gotham City. Bien qu'il s'agisse d'une fiction, une question surgit : un tremblement de terre sur la côte est des États-Unis, c'est possible ? Oui, même s'il n'y en a pas eu de notable depuis le XIXe siècle. Ici, Batman est dépassé par un adversaire d'un autre type : les forces de la nature. Les pertes humaines sont lourdes ("Plus de cent mille morts", affirme Nightwing), la plupart des bâtiments s'effondrent, des incendies se déclarent, l'eau s'infiltre, les moyens de communication sont endommagés et le manoir Wayne est détruit. Policiers, pompiers et professionnels de la santé sont dépassés et en sous-effectifs, et les établissements pénitentiaires deviennent des passoires. À cette tragédie s'ajoute une criminalité opportuniste, parfois impulsive ; la ville s'effondre, en conséquence son système socio-économico-juridique aussi. Beaucoup tentent de profiter de la situation, mais le séisme ne fait pas seulement ressortir le pire de certains : il met aussi en évidence le meilleur chez d'autres. Des citoyens ordinaires s'entraident, se serrent les coudes et s'organisent. Quant aux héros masqués, bien que n'oubliant pas leurs différends, ils relèvent les défis qui se présentent, souvent en solo, et interviennent partout où ils peuvent sauver des vies, assumant de façon presque inconsciente leur statut et leur sacerdoce. À chacun son quart d'heure de gloire. Les multiples sous-intrigues de sauvetage, principalement, sans effet de répétition, alternent avec la brutalité et la soudaineté de la catastrophe. Cela impose un rythme surprenant, avec un danger imprévisible et tapi dans l'ombre, auquel s'ajoute la menace du Maître-Secousse. Il sera néanmoins possible de se lasser de la débauche de spectacle souvent gratuite. De plus, l'éditeur cherche à étirer "Cataclysme", les scènes sans pertinence étant nombreuses. Enfin, le maniérisme du texte pourra agacer, les cartouches sont parfois terriblement bavards. Malgré tout, il y a suffisamment de bons chapitres et de surprises pour donner l'impression d'une qualité homogène, et l'intérêt l'emporte. 
La partie graphique est particulièrement bancale. Il sera vain d'y chercher une quelconque homogénéité. Les styles peuvent être classés en trois catégories : réalisme, avec Maleev, Janson, Nolan, Balent (quel fracas et quelle tornade dans la mise en page !), Marcos Martin, Aparo, Eduardo Barreto (1954-2011), et même Staz Johnson ; expressionnisme, avec Buckingham, dont le trait rappelle immanquablement celui de Kelley Jones ; et enfin "l'école outrancière", typique des années quatre-vingt-dix, avec McDaniel, sa mise en page éclatée, son dynamisme débridé, ses personnages trop musculeux, ou son expressivité forcée. Certains parviennent à sortir du lot pour l'originalité de leurs planches, c'est le cas de Roger Robinson par exemple. La mise en couleurs pourra étonner par le choix de certaines teintes un brin criardes. 
La traduction est de Jean-Marc Lainé ; articles oubliés, faux-sens ("officier" pour "agent"), une faute de conjugaison, une d'accord, une d'orthographe, et une de genre.

"Cataclysme" s'intègre dans "No Man's Land" ; il conviendra de le lire pour quiconque souhaite s'attaquer à ce copieux crossover. Malgré certaines qualités, "Cataclysme" est profondément marqué par les gros défauts propres au genre : la volonté d'étirer le propos et l'absence de réflexion sur l'homogénéité de la partie graphique. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Batman, Robin, Nightwing, Huntress, Spoiler, Barbara Gordon, Alan Grant, Doug Moench, Dennis O'Neil, Jim Aparo, Klaus Janson, Alex Maleev, DC Comics, Urban Comics

2 commentaires:

  1. Je n'ai lu ni Cataclysm, ni No man's land : j'avais arrêté de lire des comics à cette époque, et je n'ai jamais rattrapé cette phase des aventures de Batman.

    Les pertes humaines sont lourdes […] Beaucoup tentent de profiter de la situation. - L'interconnexion des séries de la famille Batman à l'époque permettait de raconter ce genre de catastrophe de grande ampleur, et d'en explorer les diverses ramifications grâce aux nombres élevés de titres concernés.

    Les multiples sous-intrigues de sauvetage, principalement, sans effet de répétition : j'y vois une belle coordination éditoriale, pour éviter les effets de répétition, du beau travail de bureau, en arrière-plan des planches imprimées.

    Les styles peuvent être classés en trois catégories : belle tentative de description pour transcrire une réalité très prosaïque, parvenir à trouver des artistes acceptant de travailler sur commende avec des exigences très élevées pour être raccord entre eux.

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    1. Je comprends que tu ne l'aies pas lu. J'ai hésité à le relire (la couverture hideuse n'a pas eu raison de moi). J'avais commencé "No Man's Land" à sa sortie (je crois que j'avais chroniqué les deux premiers tomes sur Amazon), mais sans pousser plus loin, souhaitant me désengager des grands évènements éditoriaux. Mais finalement, presque dix ans après sa sortie, me revoilà. J'ai bien failli abandonner, excédé par le verbiage de certains cartouches, mais j'ai tenu bon...

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