jeudi 23 mars 2023

Docteur Fatalis : "Mort dans l'après-midi" (Panini Comics ; août 2020)

Intitulé "Mort dans l'après-midi", cet album est paru en août 2020, chez Panini Comics. Bien qu'il n'ait pas été numéroté, c'est le premier des deux tomes qui constituent l'intégralité du volume 1 de la série consacrée au Docteur Fatalis (2019-2021). L'ouvrage inclut les versions françaises des #1-5 de "Doctor Doom" (décembre 2019 à avril 2020) et un récit de complément tiré du "War of the Realms: War Scrolls" #3 (août 2019), antérieur aux évènements de "Mort dans l'après-midi", et avec lesquels il est donc sans connexion directe. Ce recueil relié (couverture cartonnée, dimensions 17,5 × 26,7 cm) comprend à peu près cent vingt planches auxquelles s'ajoutent, en guise de bonus, une postface illustrée signée par Salvador Larroca de trois pages, un croquis du même, ainsi que des biographies très succinctes des deux principaux auteurs (Larroca et l'auteur Christopher Cantwell) en une page. 
Les "Doctor Doom" ont été écrits par le scénariste et réalisateur Christopher Cantwell, dessinés et encrés par l'Espagnol Salvador Larroca, et mis en couleurs par le studio Guru-eFX ; Larroca est surtout connu pour son travail sur les franchises "X-Men" et "Star Wars". Le complément est écrit par Cantwell, dessiné et encré par l'Irlandais Cian Tormey, et mis en couleurs par Dan Brown

Des présentateurs de la télévision, Steve et sa collègue, s'émerveillent en direct devant les promesses d'une station spatiale qui a été conçue pour "retirer les émissions de CO₂ de la Terre" avec un niveau prévu de 35% dès la première année. L'essentiel sera converti en "carburant d'hydrogène" de haute qualité. Quant aux résidus générés par le processus, "trente fois plus toxiques que des déchets nucléaires", ils seront traités par le Fourmilion : un dépôt installé sur la Lune, qui utilise un trou noir "parfaitement contrôlé". Steve - avouant qu'il est geek en fixant la caméra - exprime impatience et excitation, relayé par sa collègue : un trou noir va être créé sur la Lune dans moins de trois heures. S'adressant au Dr Standrup, leur invité en duplex, Steve prétend que "le problème du changement climatique" est résolu. Le scientifique admet que la température mondiale devrait baisser bientôt... 

Brillant, charismatique, intrépide, autoritaire, machiavélique, égocentrique, Fatalis est l'un des - le ? - super-vilains de bande dessinée les plus formidables. Marvel lui offre un titre, sous la responsabilité de Cantwell. Le scénariste a tout compris au personnage et l'ancre encore davantage dans le cœur du lecteur. Il imagine un conflit d'ampleur mêlant attentats, politique, intoxication, et géostratégie. Il comprend qu'il doit humaniser le Dr ; cela implique qu'il doit lui ôter tout symbole de puissance. Fatalis est arrêté et enchaîné : le voilà destitué. Il doit porter des vêtements civils, un sweat à capuche, un jean, et un foulard pour masquer son visage défiguré : son armure, symbole de ses super pouvoirs, a été confisquée. Il est extradé vers les États-Unis : il est éloigné de sa patrie, de son château, de son peuple. En somme, il n'a plus rien. La scène de l'appartement de Morgane La Fée est touchante : las, Fatalis dîne, se douche, et prononce un "Merci" qui en dit long. Cantwell fait vivre l'enfer - littéralement - au monarque, déjà troublé par des visions d'une autre vie possible. Mais l'homme n'est pas sans ressources, car ses alliés répondent présent, dont Kang, utilisé de façon amusante comme deus ex machina à répétition. Ces pages ne sont d'ailleurs pas dénuées d'humour. Les super-héros sont raillés par l'auteur, qui pose la question de la présomption d'innocence pour un personnage tel que Fatalis. Tout n'est pas focalisé sur ce dernier : les scènes en Latvérie sont intéressantes, Cantwell y tournant en dérision les bureaucrates de l'OTAN. Enfin, les femmes ont un rôle de premier plan, de Victoire à Morgane, en passant par Silver Sable. Un album captivant et surprenant : le lecteur se laisse volontiers embarquer. De plus, il n'exige pas de connaissances approfondies de la continuité malgré les références. Cela n'exclut pas de procéder à des recherches, du fait de la participation de personnages de notoriété moindre (Union JackBlue MarvelAgent Zero, etc.). Dommage pour la pirouette scénaristique du #3 - la Mort en deus ex machina ? Bof... - et pour l'abscons et indigeste dialogue aux prétentions métaphysiques entre Fatalis et MODOK du #4
La partie graphique de Larroca participe amplement à la réussite de l'album. Son trait régulier, fin, élégant, mais un brin lisse sert un style très ancré dans le réalisme. Soignées, détaillées, ses planches et ses vignettes, méticuleuses, donnent parfois l'impression d'être ciselées : le couloir du château, le bureau de Fatalis, le donjon au crépuscule, etc. Le lecteur apprécie aussi la variété des physionomies et le bon niveau d'expressivité. La mise en page est structurée (par les gouttières exclusivement noires) plus que novatrice, mais ne suscite aucun ennui. Le découpage est limpide. Irréprochable, la colorisation propose une jolie diversité de tons et de teintes. Dans son complément, Tormey présente un trait moins réaliste, plus brut, moins fini. Ce n'est pas désagréable à l'œil, malgré le contraste avec le travail de Larroca. 
La traduction a été effectuée par Thomas Davier, sans nul doute l'un des meilleurs professionnels du circuit. Relevons néanmoins une faute de nombre et une de mode.

Un bon quatre étoiles (quatre étoiles et demie) pour cette première moitié. Il est flagrant que les auteurs se régalent avec le docteur Fatalis - les lecteurs aussi. Cette humanisation du super-vilain/anti-héros fonctionne complètement, comme une évidence, en fin de compte, malgré l'une ou l'autre (petite) faiblesse narrative. 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz
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Dr Fatalis, Dr Strange, Reed Richards, Kang, Méphisto, MODOK, Latvérie, Panini Comics, Marvel

2 commentaires:

  1. Je partais avec un très gros a priori pour cette histoire, car j'aime beaucoup Christopher Cantwell, et j'avais beaucoup apprécié Larroca sur la série Iron Man avec Matt Fraction.

    Fatalis doit porter des vêtements civils, un sweat à capuche, un jean, et un foulard : je me souviens encore de cet accoutrement, quelle indignité !!!

    Cet album n'exige pas de connaissances approfondies de la continuité malgré les références : je m'étais fait exactement la même remarque.

    Il est flagrant que les auteurs se régalent avec le docteur Fatalis : j'ai également éprouvé ce ressenti.

    https://www.babelio.com/livres/Cantwell-Docteur-Fatalis--Mort-dans-lapres-midi/1269945/critiques/2401562

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  2. A priori - Je ne connaissais pas Cantwell, mais j'avais entendu parler de Larroca (après, je ne me souviens plus si c'était en bien ou en mal 😁).

    Quelle indignité - Tu m'étonnes !!! Ça et avaler son malheureux burrito et sa pauvre cannette sur un coin de table comme un misérable !

    La continuité - Je n'ai dû réaliser des recherches que sur les seconds couteaux qui apparaissent à et là.

    Merci pour le lien. Je vois que tu as été jusqu'à cinq étoiles. J'ai hésité, mais non. HERBIE m'avait bien fait marrer aussi.

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